Ancienne ministre de la Culture Françoise Nyssen des Éditions Actes Sud était à l’Atelier de la langue française, structure aixoise dont elle est membre du Conseil d’administration pour une rencontre de haut vol.
« Je ne suis pas une contemplative, je ne suis pas une philosophe, je ne suis pas un écrivain, je ne suis pas une artiste, mais je me suis toujours considérée au service de… » C’est par ces mots que Françoise Nyssen décrit l’introspection qui fut la sienne au moment de devenir ministre de la culture en mai 2017, à la demande du président Emmanuel Macron.
Lundi 15 mai 2017 dans l’après-midi. Alors qu’elle avait décidé de prendre une semi-retraite Françoise Nyssen reçoit un appel : « Bonjour, ici Emmanuel Macron, pouvez-vous venir me voir demain à Paris ? » Ayant reconnu la voix du président de la République, et donc étant assurée qu’il ne s’agissait pas d’un canular celle qui préside alors les éditions Actes Sud lui répond : «Attendez je regarde mon agenda. » Voyant qu’un rendez-vous est inscrit avec un de ses petits-enfants, Françoise Nyssen lui signifie qu’il lui sera impossible d’honorer l’invitation. « Moi aussi j’ai des petits-enfants, lui rétorque le chef de l’État, mais pouvez vous venir me voir demain à Paris ?»
Acceptant finalement elle arrive à l’Élysée. Emmanuel Macron lui dit : « Je veux que vous deveniez ministre de la Culture. » Disant d’abord non, Françoise Nyssen entend Emmanuel Macron insister sur l’idée de transmission. Elle précise, afin de motiver son refus, que son engagement est essentiellement écologique . Le président lui répondra : « Prenez le temps de réfléchir. Vous avez jusqu’à ce soir 20 heures. » Après réflexion et consultation de sa famille dont sa belle-mère Christine Le Boeuf, la deuxième épouse de son père et traductrice de Paul Auster, qui lui dit : « Si tu refuses, est-ce que tu ne le regretteras pas toute ta vie ». Françoise Nyssen accepte de se présenter chez le Premier ministre où elle croise Nicolas Hulot qui sortait de son bureau et qui lui confie qu’il va devenir ministre de l’Écologie. Cette passion commune pour la question environnementale et ses conséquences sociétales, la convainc de rejoindre l’équipe gouvernementale. Et c’est ainsi que le 17 mai Françoise Nyssen est devenue ministre de la Culture. Avec pour credo, a-t-elle rappelé clairement devant le public de l’Atelier de la langue française où elle a répondu aux questions de Hugo Pinatel, directeur de la programmation culturelle de L’Atelier de la langue français. « Je me suis toujours sentie au service de la culture et de sa transmission sachant que l’accès à la culture est primordial et que nous sommes dans un pays ou la proposition culturelle est intense mais où trop de citoyens s’en sentent exclus ». Elle ne cache pas être « intimement convaincue de l’importance de l’éveil au sensible dès le plus jeune âge .. ». Évoquant la Belgique de son père Hubert Nyssen où elle naquit un 9 juin, puis revenant sur son parcours familial et professionnel, Françoise Nyssen, férue de sciences, chimiste de formation, chercheuse en biologie moléculaire et titulaire d’une maîtrise d’urbanisme, a toujours souhaité demeurer proche des gens, et a fondé son engagement en tant que ministre et citoyenne sur la défense d’un équilibre entre la nature et les différents types d’urbanisme.
« La Littérature est essentielle pour s’ouvrir l’imaginaire »
De revenir ensuite sur la naissance en 1978 des Éditions Actes Sud, devenues en 2017 le neuvième groupe d’édition français. Une aventure exceptionnelle menée d’abord aux côtés de son père qui verra la reconnaissance entre autres par l’obtention de quatre Prix Nobel de littérature, et de cinq prix Goncourt. La présence également au catalogue très éclectique marquant le souhait de défendre des textes sans idées de frontières, d’immenses écrivains traduits tels que Paul Auster, Nina Berberova, le Catalan Lluis Llach, le Malien Amadou Hampâté Bâ, pour ne citer qu’eux, les Aixois Raymond Jean, et André Rouquier, sans oublier la chanteuse Anne Sylvestre -Françoise Nyssen aime dire que sa chanson « Une sorcière comme les autres » est la plus belle du répertoire français-, dont Actes Sud a publié des recueils de fabulettes et sa pièce de théâtre pour enfants intitulée « Méchant ».
Ne dissociant jamais son métier d’éditrice de sa volonté de transmettre rappelant combien l’éducation artistique des enfants demeure primordiale Françoise Nyssen a fait sienne cette expression « Plaisir et nécessité » qu’utilisait son père Hubert Nyssen. «La littérature est essentielle pour s’ouvrir à l’imaginaire, et le propre de la littérature c’est de précéder notre propre histoire», assure-t-elle avec force dans cet atelier de la langue française dont elle est membre du Conseil d’administration. « J’ai toujours été partisane et admirative de ces jeunes qui, comme ici, travaillent à travers l’éloquence pour promouvoir la culture. Et les membres de l’atelier sont des plus dynamiques, charmants, élégants, et portent haut et fort cette activité. Je les admire beaucoup. »
Présidente de Neede Méditerranée
L’engagement citoyen est on l’a vu, une des préoccupations de Françoise Nyssen. Présidente également de Neede Méditerranée, et co-fondatrice de l’association avec Cyprien Fonvielle et Dinesh Teeluck, elle déploie son énergie et son enthousiasme pour faire exister des projets en faveur de la défense de la planète. Et de rappeler combien le combat de Cyprien Fonvielle est important. « Au Camp des Milles dont Cyprien fut l’ancien directeur, il s’est rendu compte, en tant que Méditerranéen qu’on pouvait sensibiliser la population sur d’éventuels prochains génocides dus aux dérèglements climatiques. J’ai voulu le suivre dans cette aventure en insistant sur l’impératif besoin de créer des lieux pour les questions de transition environnementales.»
Présidant donc Neede, Françoise Nyssen a rappelé qu’elle travaille pour cela avec les ministres et le Préfet de Région. «La France est un pays de cocagne pour la culture. Dans tous les domaines patrimoine, livres, cinéma, etc. La question portant non sur son existence mais sur son accessibilité. Beaucoup de gens disent que la culture ne leur est pas destiné. Mais aujourd’hui l’artiste n’est plus surplombant et on doit donc accompagner l’accès à la culture. Car ce n’est pas acceptable d’entendre dire « ceci n’est pas pour moi »», souligne-t-elle avant de considérer qu’«il faut reprendre les grands fondamentaux en favorisant la lecture partout notamment à l’école. L’éveil au sensible est indispensable, et culturel. » On le voit Françoise Nyssen s’impose véritablement comme une humaniste au service de…
Jean-Rémi BARLAND