Publié le 10 mars 2021 à 14h24 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 15h30
En Irak un des berceaux de l’Humanité et terre d’Abraham, patriarche des trois religions du Livre, le Pape François a déclaré : «C’est seulement si nous réussissons à nous regarder entre nous avec nos différences, en tant que membres de la même famille humaine, que nous pourrons engager un véritable processus de reconstruction et laisser aux générations futures un monde meilleur, plus juste et plus humain». Un voyage qu’il a entrepris «comme un pénitent qui demande pardon au Ciel et aux frères pour de nombreuses destructions et cruautés». Une visite lors de laquelle Le Saint-Père s’est entretenu longuement avec la principale autorité religieuse chiite en Irak.
Le voyage du Pape en Irak, sur la terre d’Abraham, est fort en symboles, en propos, en rencontres. Il s’est ainsi rendu à Ur, considéré dans la Bible comme la patrie d’Abraham, que le Pape François a présidé ce samedi 6 mars une rencontre interreligieuse. Il a, à cette occasion exhorté les différentes religions à témoigner de la bonté de Dieu, lançant un appel à la paix et à la fraternité. Condamnant fermement le terrorisme et la violence. Le Saint Père soulignera : «De ce lieu source de foi, de la terre de notre père Abraham, nous affirmons que Dieu est miséricordieux et que l’offense la plus blasphématoire est de profaner son nom en haïssant le frère. Hostilité, extrémisme et violence ne naissent pas d’une âme religieuse : ce sont des trahisons de la religion. Et nous, croyants, nous ne pouvons pas nous taire lorsque le terrorisme abuse de la religion. Au contraire, c’est à nous de dissiper avec clarté les malentendus. Ne permettons pas que la lumière du Ciel soit couverte par les nuages de la haine».
Ce même jour le Pape François s’est rendu à Najaf, la ville sainte chiite, lieu de résidence de l’ayatollah Al-Sistani. Les deux hommes se sont rencontrés 45 minutes durant. Une rencontre qui lui a fait «du bien à l’âme». Il a également tenu à remercier l’Ayatollah Al-Sistani car «il a élevé sa voix en faveur de la défense des plus faibles et des persécutés, en affirmant la sacralité de la vie humaine et l’importance de l’unité du peuple irakien». Le grand ayatollah a pour sa part insisté sur l’importance que les citoyens chrétiens vivent en Irak, comme tous les citoyens, «dans la sécurité et la paix et dans le plein respect de leurs droits constitutionnels».
«une distribution équitable des vaccins pour tous»
Mais, auparavant, dès son atterrissage et comme le veut la tradition, le Pape a rencontré les responsables politiques irakiens. Le Pape a exprimé sa joie: «de venir sur cette terre, berceau de la civilisation, étroitement liée, à travers le Patriarche Abraham et de nombreux prophètes, à l’histoire du salut et aux grandes traditions religieuses du judaïsme, du christianisme et de l’islam». Il n’a pas manqué l’occasion d’évoquer la Covid indiquant: «Ma visite a lieu au moment où le monde entier cherche à sortir de la crise de la pandémie de la Covid-19 qui non seulement a touché la santé de nombreuses personnes, mais qui a aussi provoqué la détérioration de conditions sociales et économiques déjà marquées par la fragilité et l’instabilité. Cette crise exige des efforts communs de la part de chacun pour faire les nombreux pas nécessaires, parmi lesquels une distribution équitable des vaccins pour tous». «Mais cela ne suffit pas, ajoute-t-il, il s’agit de sortir de ce temps d’épreuve meilleurs que nous étions avant ; de construire un avenir fondé davantage sur ce qui nous unit que sur ce qui nous divise».
La diversité religieuse, culturelle et ethnique (…) est une précieuse ressource dans laquelle puiser, non pas un obstacle à éliminer
Le Pape François évoque la situation de l’Irak: «Au cours des dernières décennies, l’Irak a souffert des désastres des guerres, du fléau du terrorisme et des conflits sectaires souvent fondés sur un fondamentalisme qui ne peut accepter la coexistence pacifique de différents groupes ethniques et religieux, d’idées et de cultures diverses». Le Saint Père n’a pas manqué d’avoir une pensée pour: «les Yézidis, victimes innocentes de barbaries insensées et inhumaines, persécutés et tués en raison de leur appartenance religieuse dont l’identité même et la survie ont été menacées». Il met en exergue à ce propos: «la diversité religieuse, culturelle et ethnique, qui a caractérisé la société irakienne pendant des millénaires, est une précieuse ressource dans laquelle puiser, non pas un obstacle à éliminer». Alors, pour lui: «L’Irak est appelé à montrer à tous, en particulier au Moyen Orient, que les différences, plutôt que de donner lieu à des conflits doivent coopérer en harmonie dans la vie civile». Il juge à ce propos: «La coexistence fraternelle a besoin du dialogue patient et sincère, protégé par la justice et le respect du droit».
«Que se taisent les armes! Que la diffusion en soit limitée, ici et partout»
Il plaide pour «que se taisent les armes! Que la diffusion en soit limitée, ici et partout ! Que cessent les intérêts partisans, ces intérêts extérieurs qui se désintéressent de la population locale. Que l’on donne la parole aux bâtisseurs, aux artisans de paix ; aux petits, aux pauvres, aux personnes simples qui veulent vivre, travailler, prier en paix ! Assez de violences, d’extrémismes, de factions, d’intolérances !». Il souhaite «qu’on laisse de la place à tous les citoyens qui veulent construire ensemble ce pays dans le dialogue, dans une confrontation franche et sincère, constructive ; à celui qui s’engage pour la réconciliation et qui, pour le bien commun, est prêt à mettre de côté ses intérêts particuliers». Puis de s’adresser à la communauté internationale: «Je souhaite que les nations ne retirent pas au peuple irakien la main tendue de l’amitié et de l’engagement constructif, mais qu’elles continuent à œuvrer en esprit de commune responsabilité avec les Autorités locales, sans imposer des intérêts politiques ou idéologiques».
«On ne sort pas d’une crise pareil qu’avant : on en sort ou meilleurs, ou pires»
Le propos devient général et particulièrement signifiant en cette période de crise(s). S’il pense «à ceux qui, à cause de la violence, de la persécution et du terrorisme, ont perdu des membres de leurs familles et des personnes chères, leur maison ou des biens de première nécessité», il pense également: «à tous ceux qui luttent chaque jour à la recherche de sécurité et de moyens pour avancer, alors que le chômage et la pauvreté augmentent». Après une crise, prévient-il: «il ne suffit pas de reconstruire, il faut le faire bien, de manière à ce que tous puissent mener une vie digne. On ne sort pas d’une crise pareil qu’avant : on en sort ou meilleurs, ou pires».
«La religion, de par sa nature, doit être au service de la paix et de la fraternité»
Le Pape François poursuit: «La religion, de par sa nature, doit être au service de la paix et de la fraternité. Le nom de Dieu ne peut pas être utilisé pour justifier des actes d’homicide, d’exil, de terrorisme et d’oppression. Au contraire, Dieu, qui a créé les êtres humains égaux en dignité et en droit, nous appelle à répandre amour, bienveillance, concorde». Et d’affirmer: «En Irak aussi l’Église catholique désire être amie de tous et, par le dialogue, collaborer de façon constructive avec les autres religions, à la cause de la paix. La présence très ancienne des chrétiens sur cette terre et leur contribution à la vie du pays constituent un riche héritage qui veut pouvoir se poursuivre au service de tous. Leur participation à la vie publique, en tant que citoyens jouissant pleinement de droits, de liberté et de responsabilité, témoignera qu’un sain pluralisme religieux, ethnique et culturel peut contribuer à la prospérité et à l’harmonie du pays».
Aux chrétiens, persécutés, marginalisés, qui ne sont plus que 350 000 alors qu’ils étaient 1,4 million en 2003, le Pape a adressé des paroles d’encouragement soulignant que «même au milieu des dévastations, du terrorisme et de la guerre, nous pouvons voir, avec les yeux de la foi, le triomphe de la vie sur la mort».
Michel CAIRE