Publié le 1 décembre 2013 à 2h55 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 16h41
Chercheur en sciences humaines, Joseph Chetrit a pris part jeudi 29 novembre, au Parc Chanot à Marseille, à la première table ronde des XXe Rencontres d’Averroès sur le thème « Athènes, Cordoue, Jérusalem. Héritage partagé ou dénié ? ». Professeur émérite de linguistique et de sociopragmatique à l’université de Haïfa et a enseigné la civilisation juive en Afrique du Nord, à l’INALCO (Paris) et à l’Université hébraïque de Jérusalem. Ses recherches portent sur l’étude des langues juives et de la culture juive en Afrique du Nord sous leurs différents aspects – linguistiques, socio-historiques, littéraires… Il s’est intéressé également au judéoberbère, au mouvement des Lumières dans les communautés juives d’Afrique du Nord, à l’identité ancienne et moderne des juifs du Maroc et aux rapports entre juifs et musulmans en Afrique du Nord. Il dirige le Centre d’études sur la culture juive en Espagne et en terre d’Islam et le projet interdisciplinaire Civilisations méditerranéennes. Il est responsable de la collection d’ouvrages Miqqedem Umiyyam.
Selon vous, seul le contact humain transmet la culture populaire. La musique andalouse constitue-t-elle ainsi un passeport pour accéder à la culture méditerranéenne ?
La musique andalouse, l’une des musiques les plus sophistiquées au monde, est au cœur de l’héritage judéo-arabe. Cette musique est élitiste et en même temps, elle n’a vécu que par sa transmission populaire. Elle a été transmise par le bouche à oreilles. Donc elle est à fois élitiste et populaire. Cette musique andalouse a également été aussi bien juive que musulmane, et elle a de même été lyrique et romantique dans une tournure plus religieuse. Ces tournures ont été laissées de côté mais elles ont continué d’exister oralement dans le peuple. Au lieu de ces textes-là, les grandes élites musulmanes et juives ont construit des textes de célébration, du Dieu et du prophète. Mais malgré cette rupture élitiste, on a une continuité dans la culture populaire.
Vous dites que « chaque reconstruction est fondatrice de mythe » et que « cela nous aide à mieux supporter nos existences ». Cette recherche des origines est-elle un besoin vital chez l’homme ?
Oui, on a besoin de se raccrocher à quelque chose, c’est une donnée humaine. Chacun a son histoire sociale, anthropologique, politique. Mais cette recherche nous ramène à des existences que l’on ne peut pas revivre telles qu’elles étaient. Donc automatiquement quand on reconstruit ses origines, ça produit du mythe. Même aujourd’hui, chacun interprète la civilisation à sa manière, la mythifie, même si on a l’impression d’être proche de la réalité. Le mythe nous donne ainsi un système de signification toute prête qui nous permet d’interpréter notre vie quotidienne, et pas seulement une croyance.
Selon vous, chacun pays a construit son judéo-arabe…
Oui car chaque communauté était une communauté autonome au sens propre de l’histoire. Que ce soit au Maroc, en Algérie, en Tunisie, en Libye, il y a des propriétés communes aux différents dialectes. Mais quand on les étudie, on s’aperçoit qu’il y a des spécificités locales.
Propos recueillis par Serge PAYRAU