Retrait des troupes françaises au Mali. Emmanuel Macron: ‘La lutte contre le terrorisme ne peut pas tout justifier…’

Publié le 18 février 2022 à  13h11 - Dernière mise à  jour le 4 novembre 2022 à  15h23

Avant l’ouverture d’un sommet Union européenne-Union africaine, à Bruxelles, Emmanuel Macron a confirmé ce jeudi 17 février le retrait «ordonné» des troupes françaises. Interrogé sur le calendrier de ce retrait des forces françaises, il a estimé que la fermeture des bases au Mali allait «prendre quatre à six mois»

Emmanuel Macron est entouré du président de la République du Sénégal, du président de la République du Ghana et du président du Conseil européen (Photo capture d'écran)
Emmanuel Macron est entouré du président de la République du Sénégal, du président de la République du Ghana et du président du Conseil européen (Photo capture d’écran)

Alors que la France et ses partenaires européens sont poussés dehors par la junte au pouvoir à Bamako, le président Emmanuel Macron tient à adresser «un message de continuité sur notre engagement dans la lutte contre le terrorisme au Sahel». Indique que l’Europe est un partenaire de confiance, qui s’engage dans la durée aux côtés de ses alliés pour «faire face à des menaces qui s’inscrivent dans un temps long et elle est aux cotés de la Cédéao, de l’Union africaine, du G5 Sahel.»

Des militaires européens présents au Mali seront redéployés au Niger

«Avec l’accord des autorités nigériennes, des éléments européens seront repositionnés aux côtés des forces armées nigériennes dans la région frontalière du Mali», a déclaré le président de la République en annonçant le retrait des troupes françaises du Mali. «Ce retrait, poursuit-il, se traduira par la fermeture des emprises françaises de Gossi de Ménaka et de Gao, il sera effectuée de manière ordonnée, avec les forces armées maliennes et avec la Mission des Nations unies au Mali». En revanche, les missions de sécurisation de la mission onusienne Minusma continueront. Créée en 2013, la Minusma rassemble 55 pays contributeurs pour plus de 15 000 hommes et femmes déployés au Mali.

Dans les prochaines semaines et mois, un «appui» sera fourni «à chacun des pays de la région sur la base des besoins qu’ils auront exprimés», précise Emmanuel Macron. Cet appui pourra être «de l’aide en matière d’entraînement, de la fourniture d’équipements, voire un appui à leurs opérations contre le terrorisme». «Les attentes de nos partenaires ont évolué. La sensibilité des opinions publiques des pays de la région a elle aussi changé», a constaté Emmanuel Macron. Il faut en «tirer les conséquences » et «il s’agit de nous recentrer sur demande de nos partenaires, là où notre contribution est attendue».

Les programmes d’aide ne doivent pas financer des mercenaires ou le terrorisme

«Nous ne pouvons pas rester engagés militairement aux côtés d’autorités de fait dont nous ne partageons ni la stratégie ni les objectifs cachés. C’est la situation à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui au Mali», a estimé le président en référence à la junte au pouvoir dans le pays depuis le putsch de mai 2021, le deuxième en moins d’un an. «La lutte contre le terrorisme ne peut pas tout justifier. Elle ne doit pas, sous prétexte d’être une priorité absolue, se transformer en exercice de conservation indéfinie du pouvoir», a-t-il ajouté.

Pour le président français, la lutte contre le terrorisme «ne peut pas non plus justifier une escalade de la violence par le recours à des mercenaires dont les exactions sont documentées en République centrafricaine et dont l’exercice de la force n’est encadré par aucune règle ni par aucune convention.» En effet, au 14 février, le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, estimait qu’un millier de mercenaires russes Wagner se trouvaient désormais au Mali. Lors de sa conférence de presse, Emmanuel Macron les a accusés de sécuriser la junte au pouvoir à Bamako.

Le soutien à divers programmes est conditionné à ce que ces derniers «ne puissent être détournés pour financer des activités de mercenaires ou le terrorisme lui-même». Cela concerne notamment le maintien du soutien à la mission onusienne pour la stabilisation au Mali Minusma et les engagements auprès des populations maliennes de l’Alliance Sahel.

Les pays du golfe de Guinée seront plus impliqués dans la lutte contre le terrorisme

A la suite d’attaques menées dans le nord du Bénin, Emmanuel Macron souhaite impliquer et appuyer «davantage les pays voisins, la bande sahélienne, à savoir les pays du golfe de Guinée». En effet, ces États sont «de plus en plus exposés à des tentatives d’implantation des groupes terroristes sur leur territoire».

Si le G5 Sahel demeure une enceinte incontournable pour coordonner les efforts à l’échelle de la bande sahélienne, l’initiative d’Accra, qui rassemble le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Togo, le Bénin, doit aussi devenir «un cadre de référence». Non pas pour «créer de nouvelles structures régionales», mais pour lutter contre le terrorisme.

Si les populations civiles du Sahel sont «la première cible des exactions d’Al-Qaïda et de Daech», «elles ne peuvent pas pour autant être réduites à un rôle de victime», estime Emmanuel Macron. Elles sont aussi « le premier rempart contre ces groupes», à condition que, par un «sursaut civil», «nous soyons davantage à leurs côtés, pas seulement par le prisme trop étroit de la sécurité.»

Le président «récuse complètement» l’idée d’un échec français au Mali, affirmant que cette présence a «évité le pire». «Que se serait-il passé en 2013 si la France n’avait pas fait le choix d’intervenir ? Vous auriez à coup sûr un effondrement de l’État malien», affirme-t-il.

La France « n’oublie aucun de ses 53 soldats » morts au combat au Sahel

La France «n’oublie aucun de ses 53 soldats (morts au combat ndlr), aucun de ses blessés et de leurs familles, qui se sont sacrifiés pour cette cause et pour nos deux pays», a déclaré Emmanuel Macron qui précise: «J’ai une pensée pour l’ensemble de nos soldats tombés au Sahel pour la liberté, pour l’ensemble de nos blessés et pour leurs familles. De même que j’ai une pensée pour les six Français qui ont perdu la vie au Niger en août 2020».
Patricia MAILLÉ-CAIRE

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