Publié le 1 février 2020 à 11h13 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h46
Les Présidents de 5 Ordres Professionnels régionaux à Marseille viennent de prendre ensemble une initiative forte et unique en France. Afin de se faire entendre sur la réforme des retraites en cours de discussion, ils interpellent le gouvernement. Trois d’entre-eux Yann Arnoux-Pollak, président de l’Ordre des Avocats du Barreau de Marseille, Lionel Canesi, président de l’Ordre des Experts Comptables Provence-Alpes-Côte d’Azur et Stéphane Pichon, président de l’Ordre des Pharmaciens Provence-Alpes-Côte d’Azur viennent d’expliquer les raisons de leur mouvement. Ils avaient, pour l’occasion, invités des députés, deux ont répondu présents, Saïd Ahamada, LREM et Mohamed Laqhila, MoDem.
Lionel Canesi déclare: «Bien sûr qu’il faut une réforme des retraites mais il faut qu’elle soit juste». Et d’inviter le gouvernement: «Plutôt que de mettre à mal ce qui fonctionne il ferait bien de s’en inspirer. Nous avons des caisses autonomes qui fonctionnent bien, qui versent un milliard à la solidarité nationale et on veut y mettre fin. Ce n’est pas normal, nous avons besoin dans ce pays de liberté, d’égalité et de justice. Il faut enfin débattre et lorsque nous entendons parler de menace du 49-3, c’est inadmissible». Et il tient à préciser : «Nous ne pénaliserons jamais nos clients c’est ce qui nous conduit, pour nous faire entendre, à choisir la grève des comptes de campagne». Saïd Ahamada interviendra sur ce point pour affirmer que le débat aurait lieu et qu’il n’était point question d’utiliser le 49-3. Yann Arnoux-Pollak rappelle: «Nous sommes en grève depuis le 6 janvier et nous avons reconduit le mouvement jusqu’au 4 février. Le 3 nous manifesterons à Paris». «Nous ne sommes pas fous, insiste-t-il, si nous avons décidé de descendre dans la rue c’est parce que nous nous auto-finançons avec notre régime, on ne coûte rien à personne et nous contribuons à la solidarité nationale. Or, avec cette réforme nous allons passer d’un taux de prélèvement de 14% à 28% pour une baisse du taux de retraite de 40%. Qui peut accepter cela? D’autant que si le gouvernement ne modifie pas sa position des cabinets vont fermer, des salariés vont être licenciés et des citoyens ne seront plus défendus. Faire passer ce projet sans discuter n’apporte rien que de la colère». Et de se faire écho de l’avis du Conseil d’État qui déplore des projections financières «lacunaires» et critique le gouvernement pour avoir fait le choix de recourir à 29 ordonnances, ce qui «fait perdre la visibilité d’ensemble». Et de dévoiler: «Lorsque nous avons dit que ce projet ne nous convenait pas on nous a dit que nous ne savions pas lire… Le Conseil d’État non plus visiblement». Stéphane Pichon dénonce à son tour ce projet avant de donner la parole à Thierry Desruelles, administrateur de la caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens qui constate: «On a du mal à déchiffrer les hypothèses». Seule certitude: «Dans le système actuel nous gérons notre caisse et nous subventionnons les autres ce qui s’appelle la solidarité. Avec le nouveau système nous paierons plus pour toucher moins et cela s’appelle de l’escroquerie». Alors, pour Lionel Canesi, il est temps que «le Président de la République reprenne la main. Cette réforme est ratée, fait preuve d’amateurisme. Il faut une réforme mais pas celle là et nous pouvons accompagner une réflexion pour une réforme pertinente». «Il faut un dialogue serein», réclame le Bâtonnier pour qui: «Notre Pays devrait sortir des effets d’annonce pour entrer dans une logique de vrais débats techniques». Mohamed Laqhila rappellera pour sa part: «Cette réforme est là pour sauver notre système de retraite et nous avons pris trop de temps. Maintenant le texte arrive au Parlement, il comprend une partie très technique. La commission des Lois va écouter tout le monde, les parlementaires vont déposer des amendements et nous attendons des propositions de vos professions. Mais, il va falloir faire preuve de solidarité». Saïd Ahamada souligne l’importance de la solidarité qui permet l’accès à l’éducation, aux soins: «C’est une chance qui n’existe pas dans d’autres pays». Il évoque la gravité de la situation des agriculteurs «avec un suicide tous les deux jours, avec très peu de retraite, là il y aura au moins un minimum de 1 000 euros par mois». Yann Arnoux-Pollak rebondit: «Avec cette réforme les avocats d’aujourd’hui vont devenir les agriculteurs de demain» et de dénoncer une nouvelle fois le manque de dialogue, la précipitation. Lionel Canesi ajoutant: «Le gouvernement refuse de recevoir les caisses de retraite et, lorsqu’il reçoit les organisations syndicales c’est pour dire qu’il n’entend pas toucher à la majeure partie de son projet. C’est cela une négociation?». C’est Yann Arnoux-Pollak qui conclura en appelant «à une vraie négociation».
Michel CAIRE