Publié le 18 février 2023 à 10h25 - Dernière mise à jour le 7 juin 2023 à 22h07
Ce jeudi 16 février, le président de la République a reçu au Palais de l’Élysée les membres du Forum de l’Islam de France (Forif). Lancé en 2022, le Forif est une instance de dialogue direct entre les acteurs de terrain du culte musulman et les pouvoirs publics. Ses travaux s’articulent autour de quatre thématiques : la professionnalisation et le recrutement des imams; la formation des aumôniers; le droit et la gestion des associations exerçant le culte musulman; la protection des lieux de culte musulmans.
Après avoir restitué leurs travaux, les rapporteurs de chaque groupe ont présenté au président de la République des propositions concrètes pour améliorer l’organisation du culte en France. Cette réunion plénière a également été l’occasion de présenter l’Institut français d’islamologie, également lancé en 2022, qui a vocation à devenir le pôle d’excellence de l’étude universitaire de l’islam, en France.
«Un pacte de connaissance, un pacte de reconnaissance, un pacte de volonté»
L’événement s’est clôturé par un discours du président de la République dans lequel il a insisté sur la lutte contre l’islamisme politique, le respect du principe de laïcité pour vivre ensemble dans la République, et la nécessité de mettre rapidement en œuvre les propositions présentées. Emmanuel Macron a affiché son ambition «d’avoir un débat apaisé, de plein pied, entre l’État et le culte musulman, sous l’égide de la République, et tourné vers des solutions concrètes». Il s’agit de faire vivre ce qu’est la laïcité, «qui n’est pas l’interdiction de quelque religion que ce soit mais la possibilité de vivre ensemble dans la République avec cette liberté de croire et de ne pas croire, et en respectant absolument toutes les lois de la République. Ni plus ni moins». Une République, une Nation «qui sont un combat de chaque jour, « un plébiscite », aurait dit Renan, un engagement. Mais derrière cet engagement, il y a un pacte de connaissance, un pacte de reconnaissance, un pacte de volonté».
les effets de la lutte contre l’islam politique
Puis Emmanuel Macron rappelle les effets de la lutte contre l’islam politique. «Près de 28 000 opérations de contrôle. 906 fermetures d’établissements opérées de manière temporaire ou définitive. 54 millions, même un peu plus, redressés ou recouvrés. Plus de 600 signalements effectués au titre de l’article 40 du code de procédure pénale. L’accompagnement vers la loi de 1905 des lieux de culte, comme le fait courageusement la Mosquée de Paris dont je remercie le recteur».
Il signale également qu’il a été mis un terme au système des enseignements en langue et culture d’origine, qui ont été remplacés par les Enseignements internationaux de langues étrangères, les EILE, «qui n’échappent plus au contrôle de l’Éducation nationale, contrairement au système des ELCO (Enseignement Langue et Culture d’origine NDLR) et permettent de remettre dans le giron de la République et de l’enseignement que nous souhaitons pour nos enfants, l’ensemble justement de ces pratiques».
«Un Islam des Lumières»
Le président de la République précise immédiatement: «Traiter les conséquences d’un Islam dévoyé, sans prendre le soin d’assurer à chacun des musulmans l’accès à un Islam en France, à un Islam des Lumières, c’était faire les choses à moitié. Et c’est dans ce cadre que le Forif participe de cette ambition d’un réveil républicain. Il prend place aux côtés de plusieurs initiatives». Pour le Président, le Forif permet un dialogue de qualité entre l’État et l’ensemble de celles et ceux qui font vivre l’Islam en France. Il reconnaît: «Les précédentes instances présentaient des limites que j’ai déjà eu l’occasion de nommer. Il y avait un dialogue qui existait, il y a eu des vraies avancées. Je ne veux pas sous-estimer ce qui avait été fait, par exemple, avec le CFCM (Conseil français du culte musulman NDLR). Mais l’État discutait bien souvent aussi avec d’autres États dans le cadre d’une forme de rémanence, pas simplement diplomatique, mais qui embarquait aussi toute une histoire dont il fallait progressivement sortir. C’est pourquoi nous avons décidé de mettre fin au CFCM de manière très claire et à son activité. C’est pourquoi nous avons décidé de mettre en place une charte, et je remercie toutes celles et ceux qui l’ont courageusement signée, explicitant leur engagement à la République et aux valeurs de la République».
«On peut croire ou ne pas croire en République»
Pour Emmanuel Macron: «Il ne s’agit pas de dire que la République serait au-dessus de quelque religion que ce soit. Ce n’est pas le même ordre. Il s’agit simplement de rappeler qu’on peut croire ou ne pas croire en République». Selon lui, «la République n’a pas à dire ce qu’est le culte mais n’a à faire aucune concession au nom de quelque religion ou philosophie sur ce que sont ses règles et celles qu’elle se donne». Et de rappeler que «le peuple est souverain et il décide de celles-ci. Et demander à chacune et chacun, citoyen, de pouvoir exercer leur foi, à la défendre, mais de réitérer leur engagement absolu aux règles de la République, c’est le cadre de la laïcité, et celui qui nous permet d’avancer».
«S’appuyer sur les musulmans qui vivent en France»
Le Président insiste sur le fait que pour parler de l’Islam en France «il fallait s’appuyer sur les musulmans qui vivent en France, parce que sinon, on retombe dans cette logique, en quelque sorte d’extraterritorialité, de jeux d’influence et de propagande. Je ne dis pas qu’on s’en affranchit totalement. Et surtout, je crois qu’on manifeste le respect, la reconnaissance et un travail au concret avec celles et ceux qui croient en cette religion et qui la vivent sur notre sol». Il s’agit donc de réunir les forces vives de la foi musulmane «et de trouver un système où les acteurs du terrain parlent des sujets du terrain. Vous l’avez très bien montré aujourd’hui, de manière pragmatique, en ne calcifiant, si je puis dire, aucune rivalité, aucune pesanteur. Et les membres du Forif, bénévoles, désignés pour un an, sont les éclaireurs de millions de Français musulmans qui veulent croire en l’Islam et porter les valeurs de notre pays».
«La sécurité des lieux de culte et la lutte contre les actes anti-musulmans est un chantier prioritaire»
Le Président affirme que la sécurité des lieux de culte et la lutte contre les actes anti-musulmans est un chantier prioritaire. Sur l’aumônerie musulmane, qu’il s’agisse des hôpitaux, des prisons, de l’armée, qu’il s’agisse aussi du futur Service national universel qui portera ce sujet au cœur de son organisation aussi, «c’est un impératif pour tenir la promesse républicaine. Et s’agissant des fidèles qui peuvent être en situation de fragilité, c’est un instrument nécessaire, là aussi contre toute forme de radicalisation». Il note avec satisfaction que des premières pistes très concrètes sont esquissées, «avec des partenaires indispensables, sur la formation et le statut des imams également, qui sont une condition indispensable pour pouvoir avancer».
«Que vos travaux puissent tout de suite démontrer qu’ils se traduisent en actes»
Emmanuel Macron entend voir les propositions formulées se traduire rapidement:«Je souhaite que les prochains mois soient des mois de traduction pratiques, qu’elles soient législatives, réglementaires ou organisationnelles, pour que vos travaux puissent tout de suite démontrer, en quelque sorte, qu’ils se traduisent en actes, ce qui est un signe de confiance, de crédibilité. Ce qui va nous permettre d’engager encore davantage autour de ce mouvement».
«Réinvestir dans la connaissance du monde musulman, mais aussi du monde arabe»
Après avoir insisté sur l’importance des assises territoriales de l’Islam de France qui se poursuivent dans les départements, le Président met en exergue toute l’importance qu’il accorde «à la poursuite du travail, la consolidation, le renforcement du travail indispensable en matière de recherche et en matière universitaire. Nous ne sommes qu’au début du chemin, l’Institut joue un rôle très important mais nous devons être lucides sur le fait que nous n’avons pas eu le bon niveau d’investissement ces dernières années, et que nous devons réinvestir dans la connaissance du monde musulman, mais aussi du monde arabe, des différentes géographies, et recréer des postes de chaire, des postes de doctorants et réinvestir massivement sur ces sujets, et donc cette politique doit redoubler d’ambition». Considère qu’il faut avancer « sur plusieurs autres sujets éminemment difficiles. Certains ont été commencés aujourd’hui, d’autres, nous devons les prendre à bras le corps.»
Imams: «Nous devons homologuer des formations universitaires»
Concernant le sujet du financement, le Président considère: «Si nous voulons sortir des interférences, nous devons clarifier le financement, l’assumer dans le respect de ce qu’est la laïcité et donner de la pérennité et de la transparence». Autre dossier évoqué, la formation des imams: «Nous devons homologuer des formations universitaires, construire un système de gouvernance qui fait que des gens dont c’est la compétence sur le terrain pourront dire : « Cette personne est imam, n’est pas imam. Cette personne peut prédiquer, ne peut prédiquer ». Et d’avoir un système qui fait que quand des gens qui prédiquent, disent des folies qui menacent la République et bafouent la religion, qu’est l’Islam, qu’on puisse leur dire : « Vous n’aurez plus le droit de le faire »».
Emmanuel Macron évoque enfin les discours, les manipulations de l’information du culte. «Ils ont un impact en particulier sur les plus jeunes, sur les moins bien formés et moins éduqués. C’est une réalité, là aussi, dans notre société. Et donc, il nous faut collectivement travailler sur ce sujet, lutter contre et donc produire de la connaissance, savoir la diffuser et produire aussi, si je puis dire, des manœuvres de divulgation des mensonges».
Michel CAIRE