Publié le 15 mars 2021 à 8h30 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 15h31
Gap étant la première commune agricole des Hautes-Alpes, Roger Didier, son maire depuis 2007, est particulièrement sensible aux problématiques qui touchent la filière et veut s’associer aux différentes démarches du monde agricole. Il lutte pour ne pas être vu uniquement comme un maire urbain et prouver qu’il s’engage en faveur de la ruralité, notamment au travers de ses mandats à l’agglomération et à la Région.
Quel est votre rapport au monde agricole ?
Roger Didier : J’aime à rappeler que Gap est la première commune agricole du département. Nous avons effectivement perdu quelques exploitations ces dernières années mais nous avons des apiculteurs, des éleveurs ou des maraîchers. Ce sont eux qui font vivre les circuits courts et ce n’est pas le cas partout. Certains considèrent que le maire de Gap est un urbain mais en ce qui me concerne j’ai passé une partie de ma jeunesse dans le quartier des Eyssagnières où j’allais chercher le lait encore chaud après la traite à la ferme, je conduisais des tracteurs, je montais les bêtes en estives, etc. Autrement dit je ne veux rien qu’on me dise en matière d’apprentissage concernant le monde agricole.
Ce monde a évolué et j’ai de très bonnes relations notamment avec les jeunes agriculteurs qui donnent énormément de leur personne. Je les côtoie régulièrement et nous avons organisé ensemble il y a quelques années un salon de l’élevage qui a rencontré beaucoup de succès et malheureusement nous n’avons pas pu le renouveler à cause de la crise sanitaire. J’ai de très bonnes relations avec Éric Lions le président de la chambre d’agriculture et nous communiquons souvent pour évoquer nos projets respectifs. Nos rapports sont excellents.
Vous êtes aussi président de l’agglomération cela a-t-il encore plus fait évoluer votre vision?
La communauté d’agglomération regroupe 17 communes donc cela me permet, en tant que maire un peu plus urbain que les autres, de voir comment les maires ruraux, dont certains sont agriculteurs, fonctionnent dans leurs communes. Chaque fois que nous le pouvons et le sentons, nous ne devons pas créer d’opposition entre les urbains et les ruraux.
« L’idée est de combler à la fois les besoins de la population et ceux des agriculteurs. »
Comment concilier urbanisation et agriculture ?
Cela s’est bien vu quand nous avons eu affaire à notre Plan local d’urbanisme (PLU). Nous avons protégé les terres agricoles. La ceinture de la ville de Gap est éminemment riche en terres agricoles et nous avons fait tout ce que nous pouvions pour en redonner plutôt que d’en enlever. Nous avons décidé de densifier l’urbanisme à l’intérieur de cette ceinture en bouchant les dents creuses et à l’extérieur de préserver les terres agricoles. L’idée est de combler à la fois les besoins de la population et ceux des agriculteurs. On ne peut pas laisser faire une urbanisation galopante quand on sait comme il est difficile pour un agriculteur d’avoir des terres morcelées. Il faut leur permettre de rentabiliser leurs investissements physiques, humains et financiers.
Est-ce aussi un moyen de favoriser les circuits courts ?
Effectivement, la question de la qualité est essentielle. Par exemple « Hautes-Alpes Naturellement® » fait qu’aujourd’hui il est important d’apporter la qualité en circuit court mais aussi d’exporter ces produits que nous fabriquons de façon à ce que l’on puisse compter à la fois sur l’espace local, régional, voire national. Pour la restauration collective, nous travaillons avec une petite PME familiale qui a dans son cahier des charges de maintenir un taux de produits bio, mais pas que, elle doit aussi travailler avec des producteurs proches de Gap ou départementaux, s’ils peuvent lui apporter des volumes suffisants. Avant la Covid, je me déplaçais une fois par mois pour manger dans une école, pour, de façon inopinée, voir ce que l’on donne à manger à nos enfants et je peux vous dire qu’ils se régalent !
Vous n’allez donc pas être l’un de ces maires qui va interdire la viande dans les cantines ?
Ah non ! Ce n’est pas du tout mon objectif puisque je veux construire deux abattoirs ! (rires)
Justement parlons de ces projets d’abattoirs, pourquoi la ville de Gap s’engage dans ce type de projet ?
L’abattoir multifilières (porcins, bovins, ovins, Ndlr) que nous avons, a fait son temps il date des années 1970 et quand nous avons réfléchi à la possibilité de réhabiliter ou d’en construire un neuf, eh bien, je n’ai pas hésité un seul moment car l’écart financier n’était pas aussi important que cela. Je pense les dégâts causés par l’arrêt de l’abattoir actuel pour le requalifier auraient été importants. Alors que là, il va pouvoir y avoir une période de transition. Nous avons la volonté de faire un produit d’excellence qui va nous permettre de développer un peu plus encore nos activités pour être plus présents sur certains marchés et permettre à l’agriculture haut-alpine de se démarquer. Je tiens tout de même à rappeler que ce projet est porté à bout de bras par une commune. J’ai voulu aller vite et la ville est à même de supporter ce genre d’investissement donc nous devions le faire. Ce sera un abattoir municipal et il le restera ! J’espère cependant que tôt ou tard l’ambition de cet équipement dépassera Gap et s’étendra aussi bien au Nord qu’au Sud. Nous voulons aussi encourager la transformation sur place pour ne pas laisser les carcasses partir.
Où en est le projet ?
Nous avons un peu dégagé le paysage, si je puis dire, le lieu de conception a été déterminé, les terrains sont acquis. Ils se situent sur la zone alimentaire du Moulin du pré. Je pense que nous pourrons le livrer aux alentours de la mi-septembre 2022. Les travaux devraient donc débuter dans le courant de l’année 2021.
N’avez-vous pas peur de faire de la concurrence à l’abattoir de Sisteron qui a encore une marge de progression dans ses volumes ?
Non, je crois que l’abattoir de Sisteron est l’abattoir de référence sur le plan national voire européen donc ce que nous pouvons ambitionner dans cette filière, c’est de la maintenir et éventuellement de la développer mais nous n’arriverons jamais à concurrencer véritablement Sisteron. Je tiens vraiment à cette filière, il y a de quoi faire sur nos territoires. Il peut aussi se créer une certaine émulation entre les deux abattoirs. On dit souvent que la multiplication des activités ne peut qu’être profitable à certains territoires et c’est selon moi ce qu’il se passe.
« La création de cette structure va réveiller une filière »
Vous souhaitez également construire un abattoir avicole, pourquoi ?
En me baladant un peu dans les communes alentours et en discutant avec les agriculteurs, je me dis qu’à Gap, même au-delà, on n’a pas d’abattoir avicole alors qu’il y a un potentiel fort. Par contre quand j’ai commencé à en discuter certains m’ont un petit peu raillé, puis petit à petit j’ai senti que les choses étaient prises au sérieux et que certains voyaient ça d’un très bon œil. Je suis persuadé que la création de cette structure va réveiller une filière, créer des ambitions nouvelles voire faire naître des élevages.
Que pensez-vous du projet de construction d’un pôle agricole ?
Cela fait longtemps que j’étais au courant de la volonté de la chambre d’agriculture de déménager de la rue du capitaine-de-Bresson vers les anciens silos de la ville. Je ferai tout pour faire en sorte que ce projet soit facilité notamment au niveau de l’application des règles d’urbanisme. C’est une très bonne chose que ce soit un véritable pôle qui soit créé car de nos jours le professionnel a du mal à se déplacer sur différents sites à chaque fois qu’il a un dossier à constituer ou pour consulter des techniciens. Donc, plus on peut concentrer les différents professionnels d’une filière mieux c’est. Ce pôle marquera encore plus le fait que la ville de Gap est la première commune agricole du département mais qu’elle est aussi la commune-centre qui peut apporter ce genre de services concentrés aux citoyens. Tout ce qui est bon pour Gap est bon pour la périphérie et inversement.
Propos recueillis par A.G pour L’Espace Alpin
[(L’Espace Alpin est le journal agricole et rural des Alpes-de-Haute-Provence et des Hautes-Alpes. Ce journal bimensuel est disponible sur abonnement sur lespace-alpin
)]