Publié le 21 juillet 2013 à 6h00 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 15h58
La carrière de Sainte-Marthe, exploitée par la société Carrières et Bétons Bronzo Pérasso, est l’une des trois carrières qui alimentent en matière première les grands chantiers BTP de la ville de Marseille. Etendue sur 28 hectares, elle emploie 26 personnes pour une production autorisée à 500 000 tonnes par an.
Située à l’entrée nord de Marseille, en bordure du chemin des Bessons, au-dessus du Château Ricard, dans le 14e arrondissement de la cité phocéenne, la carrière de Sainte-Marthe existe depuis 1887. Initialement exploitée par la société Ripozzo pour le gypse destiné à la fabrication de la chaux, elle était communément appelée « Gypserie de Sainte-Marthe ». Etendue sur 28 hectares, elle offre en son extrémité supérieure, à 320 mètres d’altitude, l’un des plus beaux panoramas de la cité phocéenne.
C’est en avril 1998 que la société Carrières et Bétons Bronzo Perasso (CBBP) l’a rachetée. « Quand on a repris le contrôle de cette carrière en avril 1998, tout le monde voulait qu’on ferme. Et puis il y a eu une prise de conscience de notre activité », se souvient Guy Laborde, directeur de la société. Depuis de nombreux investissements ont été réalisés afin de réduire au maximum les impacts liés aux émissions de poussières : bardage et capotage des installations, système d’arrosage sur les pistes d’accès et traitement en enrobés. La rampe d’aspersion en sortie du site permet également de réduire l’envol des poussières et le dépôt de boue sur la voirie. « Les nuisances sont minimes, il y a peu de poussières, et aucune poussière nuisible », insiste Guy Laborde.
Il souligne d’ailleurs que la prise en compte de l’environnement n’est pas nouvelle dans la conduite de l’activité des carrières, avec la mise en place, il y a 20 ans déjà, d’une Charte de l’Environnement, un référentiel de 80 bonnes pratiques. « Son apport a été considérable pour nous. Cela nous a amenés à prendre conscience de l’intérêt de l’environnement. Nous étions des précurseurs, bien avant le Grenelle, et nous avons pu utiliser cet outil en termes de communication », témoigne-t-il. Car à l’heure où les renouvellements d’autorisation d’exploitation sont devenus de plus en plus difficiles à obtenir, une réalité s’est imposée aux exploitants de carrière : « Pour accéder à la ressource, il faut qu’on explique à tout le monde notre activité », résume Guy Laborde, également président de l’Unicem PACAC (Provence-Alpes-Côte d’Azur-Corse), l’un des 19 syndicats régionaux de l’Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction (Unicem). La carrière de Sainte-Marthe est ainsi certifiée ISO 9001 et 14001 et OHSAS 18001 et engagée au niveau 4 de cette Charte de l’Environnement, le plus haut niveau du « chemin du progrès ».
Un dialogue constructif avec les associations de protection de l’environnement
Parallèlement à ses actions mises en œuvre pour diminuer les pics de bruit de fond en matière de poussière en utilisant davantage d’eau, prendre en compte la biodiversité ou développer le recyclage, le syndicat régional a engagé une concertation avec les associations de l’environnement qui, de plus en plus, sont intégrées dans le Comité local de concertation et de suivi des carrières. C’est notamment le cas à Sainte-Marthe où les échanges sont fréquents avec l’association de protection de l’environnement Colinéo-Assenemce, présidée par Monique Bercet, qui vise à sauvegarder le patrimoine naturel et culturel du nord-est de Marseille, de la chaîne de l’Étoile et du massif du Garlaban. « Nous travaillons en bonne intelligence avec cette association. C’est elle qui fait l’étude faune-flore entre la biodiversité qu’on a détruite et celle qui s’est créée », précise Guy Laborde.
Une journée de dialogue avec les associations protectrices de l’environnement se tient également chaque année, la dernière ayant eu lieu tout récemment le vendredi 21 juin. La carrière organise aussi tous les ans une journée « Portes Ouvertes », qui a attiré 300 personnes le 1er juin. Autant d’initiatives qui ont contribué à faire évoluer le regard porté par le grand public sur l’activité de la carrière. Le directeur du groupe Bronzo-Perasso en veut pour preuve la prise de position de l’association Colinéo-Assenemce qui avait demandé, en juillet 2010, à ce que le renouvellement de l’autorisation d’exploitation soit accordé à la carrière. Il observe d’ailleurs que les associations protectrices de l’environnement sont parfois moins difficiles à convaincre que les élus eux-mêmes. Car même si à Sainte-Marthe, le maire de secteur, Garo Hovsépian (PS), voit d’un bon œil l’activité du site, une telle compréhension est loin d’être monnaie courante.
« On est en plein dans la stratégie du développement durable »
Vingt-six personnes sont aujourd’hui employées sur la carrière, auxquelles s’ajoutent une vingtaine d’autres dévolues au transport des marchandises sur les différents chantiers de la ville, pour une production autorisée de 500 000 tonnes par an. La moitié de ce volume, soit 250 000 tonnes, alimentent les deux centrales à béton et la centrale à graves traitées installées sur le site, le reste de la production étant livré à d’autres clients ou chantiers sur Marseille. « On est en plein dans la stratégie du développement durable, dans l’optique de l’économie circulaire : on produit et on consomme au maximum ce que l’on produit sur place. Ce qui est synonyme de gain économique, moins de transports, et de gain environnemental, moins de CO2 consommé, moins de nuisances », insiste le directeur de la société. S’il n’y avait pas d’autorisation d’exploiter la carrière, il faudrait quand même alimenter les deux centrales à béton en matières premières, ce qui générerait davantage de trafics de camions, donc de nuisances sur le chemin des Bessons. Un argumentaire qui a été « un point fort » pour obtenir le renouvellement de l’autorisation d’exploiter.
L’activité de la carrière s’étale de 6h30 à 16h, les centrales à béton pouvant continuer à fonctionner jusqu’à 18h ou 20h « selon les besoins ». L’exploitation du site se fait par tranches descendantes. Les gradins ont une hauteur maximum de 15 mètres pour une largeur de 10 mètres. Une foreuse, trois chargeurs, deux dumpers et une pelle hydraulique composent le matériel d’exploitation. La carrière comprend ainsi deux types d’activités : l’extraction, le traitement des matériaux ainsi donc que deux centrales à béton et une centrale à graves traitées. Les besoins en eau, pompée du canal, sont de 50 à 60 000 mètres cubes chaque année. « Toute l’eau utilisée est recyclée », précise Guy Laborde.
Un business très complexe
Le béton fait lui aussi l’objet d’un recyclage. Ainsi, les retours béton sont déversés, ils sèchent, avant d’être repris par un chargeur pour être remis dans le concasseur. « On exploite au mieux les matériaux moins nobles pour ne pas « taper » dans notre gisement, mais on ne peut pas tout faire avec le recyclage, contrairement à ce que l’on entend dans certains discours écologistes. Il ne pourra représenter au mieux que 15% de l’activité (NDLR : 5% du volume généré en 2012, un chiffre que l’Unicem veut porter à terme à 10%). Aux Pays-Bas, qui sont les champions du monde du recyclage, il représente 20% : le reste, ce sont des importations car il n’y a pas de cailloux en Hollande », indique le président de l’Unicem PACAC. En outre, tous les produits ne sont toutefois pas réutilisables notamment dans le béton prêt à l’emploi, sinon il y aurait des risques de vulnérabilité des constructions.
Derrière la roche calcaire qui compose le gisement de la carrière, se cache un business très complexe. « Par centrale, on recense 1 000 formules de béton », indique ainsi le directeur du groupe Bronzo-Perasso. Le site a ainsi mis en place une logistique étonnante avec notamment un laboratoire chargé de contrôler la qualité du béton.
Sur le plan de sécurité non plus, rien n’est laissé au hasard. Ainsi, aucun explosif n’est stocké sur le site. « On n’a plus le droit. Quand le mineur foreur fait exploser la roche, les explosifs sont commandés la veille. On calcule exactement nos besoins et, s’il y a un excédent, ils repartent avec », précise-t-il. L’Unicem PACAC a d’autre part lancé en 2013 un passeport sécurité : alors que l’accès aux carrières était de plus en plus réglementé par souci de sûreté, ce qui amenait à distiller une formation spécifique aux employés des sites, le syndicat régional s’est aperçu qu’une grande partie des salariés intervenant sur les carrières étaient des prestataires extérieurs (fournisseurs, sous-traitants…). Ainsi, tous suivent désormais une formation vidéo « e-learning ». Ils doivent ensuite répondre à un questionnaire où un minimum de bonnes réponses détermine l’attribution de ce passeport sécurité qui est obligatoire pour intervenir sur les carrières adhérentes à l’Unicem.
Une activité dopée par les grands chantiers de Marseille
Une vingtaine de toupies, de 4, 6, 8 ou 9 mètres cubes, sont à demeure sur le site de Sainte-Marthe. Elles alimentent de petits chantiers, des entreprises de terrassement, de génie civil ou de négoces de matériaux. C’est aujourd’hui les grands chantiers engagés sur la ville de Marseille qui tirent l’activité de la carrière, (Terrasses du Port, Euromed 2, stade Vélodrome). « Au niveau du bâtiment, l’activité a chuté de 18%. Il n’y a plus d’incitation fiscale via la loi Scellier. Les résidences secondaires se sont arrêtées. Et le logement social n’a pas pris le relais car les collectivités locales sont en manque de liquidités. Sans compter que tous les permis de construire sont systématiquement attaqués sur Marseille et sa région, de manière abusive dans 95% des cas. On a ainsi cramé l’an dernier 2 000 emplois dans les Bouches-du-Rhône selon les chiffres de la Fédération du BTP 13 », indique le président de l’Unicem PACAC.
Le manque de visibilité économique sur le moyen long terme constitue un autre obstacle que doit aujourd’hui affronter la carrière. « Nous sommes une industrie très capitalistique. Un dumper articulé représente un investissement de 250 000 €, une grosse pelle revient à 400 000 €. Cela demande du temps pour les amortir. Aujourd’hui, on pourrait investir pour améliorer la qualité. Mais avec une autorisation d’exploitation qui court sur seulement 10 ans, jusqu’à juillet 2020, le délai est trop court pour engager de tels investissements », souligne Guy Laborde.
Enfin, quand l’exploitation de la carrière sera définitivement arrêtée, tout sera réaménagé et remis à l’état naturel. « Une fois le gisement épuisé, on remblaie. En fin de vie, ce sera à nouveau la colline », conclut-il.
Serge PAYRAU
La société Carrières et Bétons Bronzo Perasso
Depuis 1968, plusieurs carriers et bétonnier de la région s’étaient regroupés pour former un Groupement d’intérêt économique (GIE), Bétons et Granulats Phocéens, qui réunissaient les sociétés Bronzo, Pérasso, Lafarge et Gontéro. Suite à la dissolution du GIE, les sociétés Bronzo et Pérasso se sont réunies et ont créé, en octobre 1994, la société en nom collectif (SNC) des Carrières et Bétons Bronzo Pérasso (CBBP). Une partie du capital de la société est détenue par le groupe Colas, numéro un mondial de la construction de la route, le plus gros carrier de France. « C’est l’alliance d’un indépendant et d’un grand groupe », résume Guy Laborde, directeur de Bronzo-Pérasso.
La société est implantée sur plusieurs sites qui lui permettent d’être présente sur l’ensemble de la région marseillaise. Deux carrières à Marseille, Saint-Tronc et Sainte-Marthe, et une à Aubagne produisent des granulats et graves traitées mais aussi du béton prêt à l’emploi. D’autre part, trois centrales à Gardanne, La Ciotat et le Rove ne sont réservées qu’au béton prêt à l’emploi. La société Bronzo-Pérasso, qui emploie une centaine de personnes en direct, réalise un chiffre d’affaires annuel de 60 M€.