Scène nationale théâtre d’Orléans – « When i die » : la vieille dame et les fantômes. Fascinant autant qu’étrange

Quelques notes sur un piano répercutées en sons différents et brefs avec le bruit d’un métronome ou le tic-tac d’une horloge. Des bruits de voix nous parviennent. Un chat miaule. Une pianiste fait des vocalises courtes. Elle frappent les tasses qui, placées sur le piano se cassent. On nous annonce par musiciens interposés que madame Rosemary Brown (1916-2001) n’ayant pas payé la note d’électricité le courant est coupé. Ainsi débute « When i die ».

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“When i die” (Photo Reto Schmid)

« When i die » est une fascinante histoire de fantôme, avec musique, donnée à la Scène nationale du théâtre d’Orléans dans le cadre du très passionnant festival « Meet Mit Com Con ». Signé Tom Luz metteur en scène zurichois qui utilise la musique pour ressusciter des mythes farfelus et des génies oubliés sur la scène du théâtre. Ce spectacle intrigue, fascine, déroute. Thom Luz et son équipe dont la direction musicale est confiée à Mathias Weibel, présent sur le plateau, composent de fait une soirée pour trois musiciens et deux comédiens, où selon les notes d’intention: « En dehors des non-sens spirituels et des débats ésotériques, se jouent les thèmes de la mort et du réel dans l’art. »

Des fantômes qui ont pour nom Schubert, Brahms, Rachmaninov, Debussy

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Rosemary Brown est l’hôtesse et l’héroïne entourée de fantômes qui ont pour nom Schubert, Brahms, Rachmaninov, Debussy (Photo Reto Schmid)

La musique devenant, dans ce qui est une histoire de fantôme, un élément dramatique du discours et du jeu et nous mène toujours selon Thomas Luz: «Entre doute et croyance au cœur de cette incroyable histoire vraie.» Des meubles montés sur roulettes, instruments de musique classique se retrouvent au centre d’une scénographie inventive dont Rosemary Brown est l’hôtesse et l’héroïne. C’est la comédienne Suly Röthlisberger qui incarne cette vieille dame originale recevant en 1964 la visite du fantôme de Schubert, puis de Brahms, Rachmaninov, Debussy qui lui demandent de terminer une œuvre inachevée. Nous la voyons alors se mettre au travail réglant toute sa vie sur ces dictées de l’au-delà. Pour accompagner l’actrice quatre acteurs-musiciens (Jack McNeill, Daniele Pintaudi, Samuel Streiff, et Mathias Weibel) jouent le rôle de revenants lui rendant visite et interprétant les sonates, les impromptus, et les symphonies venus d’un autre monde. Cela donne un drame étrange teinté d’humour absurde, où « la lisière entre réel et imaginaire s’évapore.»

Un spectacle surtitré en allemand et anglais

Beau moment, étrange, où l’on n’est pas certain d’avoir tout compris sans le surtitrage de la pièce donnée en allemand et en anglais voilà un moment de théâtre original qui prend des risques. Le mari de Rosemary, à savoir Charles Philip Brown décédé en 1884 d’une cirrhose sert de fil conducteur à une interrogation sur la frontière entre mort et vie, d’un mystère parfois difficile à percer, et de l’éloge de la fantaisie pour triompher du (parfois) diktat de la raison. On en ressort intrigués, et on s’aperçoit quelques temps après que tout ce qu’on a vu et entendu (énorme travail sur les sons et la lumière) laisse des traces profondes, voire inoubliables.

Jean-Rémi BARLAND

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