Publié le 26 février 2013 à 3h00 - Dernière mise à jour le 6 juin 2023 à 18h57
Ils ne veulent pas de sucette à l’Ani
Ce mardi 26 février, dans les locaux de la Bourse du travail FO, la scène est peu banale : se retrouvent en effet là, les organisations syndicales suivantes CGT, FO, FSU, Solidaires, Syndicat de la magistrature, Syndicat des Avocats de France et l’UNEF. Ils tiennent une conférence de presse sur l’Accord National Interprofessionnel (ANI) dit de « sécurisation de l’emploi »
Le Syndicat des avocats de France (SAF), en la personne de Maître Danny Cohen, intervient pour présenter les enjeux que représente l’ANI, lequel précise représenter également le Syndicat des Magistrats de France. Il prend soin de préciser en premier lieu : « Sans volonté de se substituer à quiconque, le SAF décide d’informer le plus largement possible, non pour apprécier l’équilibre global de l’accord qui divise les organisations syndicales de travailleurs, mais pour apporter sa contribution au débat public qui se poursuit ».
Ceci posé, il explique que le SAF « entend peser dans le débat qui va s’ouvrir afin que le législateur puisse prendre toute sa place et tienne compte des propositions des acteurs de la défense des salariés pour que le texte à intervenir soit conforme au droit positif, aux règles protectrices internationales et constitutionnelles, aux principes du droit et à la réalité des situations juridiques auxquelles sont confrontés, sur le terrain, les salariés ».
Et l’avocat se fait procureur, en dénonçant, en premier lieu, « le discours qui se développe selon lequel le droit du travail serait porteur de rigidité laquelle serait cause de licenciements ». Il indique ainsi que le taux de contestation des licenciements pour motif économique a varié de 1 à 3%. Effectivement, pas de quoi faire vaciller l’édifice économique. En revanche, le taux de contestation des licenciements pour motif personnel a lui varié de 16,2 à 25%. « Donc, dire que le droit tel qu’il est serait un obstacle à l’emploi est infondé ».
Museler les représentants du personnel
Puis le syndicat énonce les faits qui, selon lui, ne peuvent être acceptables et qui sont inscrits dans le cadre de l’accord. Le SAF entend intervenir pour que n’entre pas dans le cadre de la loi le fait de : « museler les représentants du personnel en leur imposant la confidentialité sur les informations qu’ils reçoivent, et des délais préfixés pour entendre leurs experts et rendre leur avis. De licencier sans avoir à justifier d’un motif économique le salarié qui aura refusé une modification de son poste ou de son lieu de travail dans le cadre d’une réorganisation, et de s’exonérer par là même de toute mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi et des règles encadrant le licenciement économique. » Hors de question aussi d’accepter qu’on puisse licencier « sans contrôle, les salariés refusant les modifications de leur rémunération ou de leur temps de travail issues des accords dits « de maintien dans l’emploi », en se libérant là aussi de toutes les règles propres au licenciement pour motif économique ».
Une barêmisation injuste
Pas admissible non plus, le fait que, lorsque l’obligation de mettre en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi n’aura pu être contournée, il soit encore possible « de s’affranchir par accord collectif de toutes les règles encadrant sa présentation, ou de se prémunir de tout contrôle judiciaire sur ce plan ».
Il insiste également sur la gravité du fait d’enfermer la conciliation « dans une barêmisation injuste, globalisant tous les préjudices nés de la rupture du contrat sans autre nuance que la prise en compte de l’ancienneté, critère unique insuffisamment pertinent ». Un élément qui « va entraîner une modification du sens de la concertation prud’homale ».
Il condamne, enfin, le projet de « tenter d’échapper à tout contrôle judiciaire et au débat contradictoire qui s’attache à l’intervention du juge, et, au risque de sanction notamment par des délais de prescription exceptionnellement brefs ».
Le taux de recours aux Prud’hommes chute
La CGT indique ensuite que le taux de conflit est effectivement limité et que le recours aux prud’hommes chute. « En 2012, on a connu une chute de 37% sur Marseille par rapport à l’année précédente, 27% sur Arles, 11% sur Aix. Avec tout ce qui a déjà été mis en place on voit que le recours à la justice se tarit ». Le syndicat indique avoir écrit à Christiane Taubira sur la question des barêmes sociaux « avec un tel système nos tribunaux ne serviront plus à rien ».
FO se réjouit de voir une unité syndicale se construire pour manifester le 5 mars. « Il faut tout faire pour obtenir le retrait de cet accord. »
La FSU manifestera le 5 : « Si cet accord devient loi, cela aura forcément un impact sur les fonctionnaires. Il est donc important que public et privé soient ensemble. Car, comment accepter qu’avec cet accord le contrat s’impose sur la loi. Il faut donc qu’un véritable débat démocratique se déroule dans notre pays. »
Pour SUD, « cet accord est très mauvais. Il est important de se mobiliser et, si on explique bien sa dangerosité, on peut remettre en cause cet accord scélérat. »
Puis l’Unef de dire à quel point les jeunes sont déjà touchés par la précarité, sont menacés par cet accord. « François Hollande a dit pendant sa campagne, faire de la jeunesse sa priorité, d’une certaine manière il tient parole. »
Luc CONDAMINE