Publié le 7 novembre 2013 à 11h25 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 16h26
La première plénière de la Semaine Économique de la Méditerranée, ce mercredi 6 novembre, a porté sur Marseille-Provence 2013 avec quelques pistes d’évaluation de cette année capitale avant qu’il ne soit proposé de réfléchir sur d’autres projets culturels territoriaux. Les premiers éléments sur MP2013, Guimarães capitale européenne de la culture 2012 au Portugal, ou l’ambitieux projet culturel porté avant tout par le mécénat à Istanbul, tout montre les effets positifs de la culture, au sein de la population, en termes de rayonnement, et sur le plan économique.
Patrick Allemand, le vice-président de la Région Paca, ouvre la session en évoquant cet espace méditerranéen : « Nous gagnerons ou nous perdrons ensemble, et si nous sommes réunis ici c’est bien parce que nous souhaitons gagner ».
Androulla Vassiliou, commissaire européenne chargée de l’Éducation, la Culture, le Multilinguisme et la Jeunesse, rappelle : « Il y a peu, il était encore tabou de lier dans une même phrase culture et économie. Or, si la culture ne pourra jamais se réduire à l’économie on ne peut nier son rôle dans ce domaine ».
« Une mine s’est transformée en centre culturel »
Elle en vient à l’impact des capitales européennes, prend notamment l’exemple de la Ruhr, une région en crise avec la fermeture des mines qui a fait le choix de la culture, notamment grâce aux fonds structurels européens. « Une mine s’est transformée en centre culturel avec des incubateurs pour des entreprises culturelles, des centaines d’emplois ont été créées et plus de 2 300 entreprises des secteurs culturels et créatifs travaillent aujourd’hui dans la Ruhr ». Et de voir ainsi la ville d’Essen devenir capitale européenne de la culture en 2010.
Androulla Vassiliou n’omet pas de signaler que la Capitale à un fort impact en matière de tourisme, enchaîne sur le réaménagement urbain induit par la capitale (le Vieux-Port et le Mucem à Marseille). « Pour des villes qui ont connu des années de déclin telles Glasgow ou Lille, ce titre a permis de créer une dynamique, de rendre la ville plus séduisante, de développer le tourisme et aussi de développer l’économie », précise-t-elle. Enfin, s’il était besoin de dire la pertinence de la dépense publique en matière de culture : « A Lille, un euro public investi a produit 8 euros. Sans oublier que cela a renforcé la cohésion sociale, le dialogue interculturel dans les villes, renforcé le sentiment d’appartenance ».
La commissaire de conclure son intervention: « Pensez à la diversité des patrimoines tangibles et intangibles en Méditerranée et vous verrez le formidable potentiel de développement qui existe ».
« Une des clés du succès réside dans le fait que des territoires différents ont su travailler ensemble »
Jacques Pfister, président de MP2013 et de la CCI Marseille-Provence, en vient plus spécifiquement à Marseille Provence 2013. « Une des clés du succès réside dans le fait que des territoires différents ont su travailler ensemble, pour le plus grand bien de chacun. Ainsi, il semble bien qu’en pourcentage ce soit Aix et Arles qui aient le plus profité de la candidature ». Un autre facteur du succès de cette année Capitale, ajoute-t-il, « réside dans les grandes manifestations populaires». « Nous ne nous attendions pas à un tel succès. Et je dois dire que cela fut toujours émouvant de voir tous ces gens venir en famille, avec fierté et sérénité, participer à ces manifestations. Cette appropriation populaire est un grand encouragement. La population est en demande d’une culture de participation ».
Il tire comme première conclusion de cette aventure : « Le travail collectif a un effet positif. Nous n’y sommes pas habitués, c’est vrai des politiques mais aussi du monde de la culture et je ne parle pas de l’économie où l’individualisme est porté aux nues. Alors il nous faut travailler à l’après 2013 dans le prolongement du beau travail accompli depuis 5 ans ».
Bertrand Collette est chargé de mission coordination territoriale et grands chantiers au sein de MP2013 rappelle que 660 millions d’euros avec des financements croisés ont été investis. Puis de chiffrer à 1 600 000, le nombre de personnes qui a participé aux grandes manifestations populaires. « 3 800 000 personnes se sont rendues à des expositions, cela transforme les habitudes de ce territoire avec un doublement minimum de la fréquentation des expositions. Et 894 000 personnes ont participé aux autres manifestations avec un succès remarquable pour toutes les manifestations un peu atypiques comme le GR2013, les chants harmoniques, la folles histoire des arts de la rue ». Il avance ensuite que les villes d’Aix et d’Arles ont largement bénéficié de cette année Capitale, tout comme, à un autre niveau, Salon et Aubagne.
« Tout reste à inventer »
Bruno Suzzarelli, le directeur du Mucem, non sans plaisir, annonce : « Ce 6 novembre, nous allons dépasser le 1 500 000 visiteurs du Mucem depuis l’ouverture dont 1/3 prend un billet pour venir visiter une exposition. 80% de nos visiteurs viennent de France. Le public français vient à 60% de la région. Le public étranger est à 75% européen ». Il plaide enfin pour une coopération entre les institutions culturelles, les institutions politiques du territoire. « Tout reste à inventer ».
Les impacts des projets culturels territoriaux
Vient le temps du deuxième débat sur les impacts des projets culturels territoriaux. Sandrina Martins revient sur une des initiatives les plus originales de MP2013, les ateliers de l’Euroméditerranée : « Cette opération, visant à faire venir en résidence un créateur dans une entreprise, a permis un dialogue Nord/Sud, elle a aussi visé en premier lieu les salariés. Des salariés qui, faut-il le rappeler, sont d’autant plus productifs qu’ils se sentent bien dans leur entreprise. Et nous avons l’exemple d’un créateur égyptien qui a pu travailler avec des salariés, des étudiants, des enseignants, toute une série de personnes qu’il n’aurait pas pu rencontrer dans un cadre institutionnel ». Jugeant : « Mais cette aventure montre aussi que les artistes sont mobiles et cette mobilité est aujourd’hui menacée ».
« La culture peut réduire le chômage »
Carlos Martins, le directeur de Guimarães (Portugal) 2012, explique que la ville compte 60 000 habitants dans le périmètre urbain et 160 000 en tout. « La ville, jeune, est touchée par la crise. On compte 20% de chômeurs, le pourcentage monte à 40% chez les jeunes. Les personnes les plus talentueuses quittent la région ce qui conduit à un problème structurel. Face à cela nous avons compris que la culture peut réduire le chômage, surtout si elle cible les jeunes. Nous avons saisi que nous devions ajouter de la valeur à nos activités économiques et sociales. C’est dans ce cadre que nous avons été candidat et que nous avons travaillé sur des dynamiques qui perdureraient au-delà de l’année capitale, surtout, nous avons tout fait pour que les habitants soient co-responsables de tous les dispositifs. Et la population, à 97%, a trouvé positive voire excellente l’année capitale. Et la ville est aujourd’hui plus connue, l’économie et le tourisme se sont développés. Nous avons créé une exposition d’art contemporain, un institut du design, des incubateurs, nous avons maintenant 24 start-up en ville ».
Ozlem Ece se fait l’écho du programme IKSV à Istanbul, porté avant tout par le mécénat et qui a donné naissance à des festivals, des biennales dont l’impact économique est fort, l’apport sur le plan culturel, comme en termes d’image important, avant de regretter la trop faible participation de l’État à la culture.
Louis Aloccio, vice-président délégué à la coopération internationale de la CCI avoue : « Nous sommes mal placés pour donner des leçons tant nous avons des identités fortes sur ce territoire ce qui fait que chacun est habitué à travailler seul. Et bien la démarche de projets utiles à chacun, a permis de mettre son énergie dans une logique positive ».
Sylvain Pasqua, coordinateur des Capitales européennes de la culture à la Commission européenne précise que les exemples de Guimarães et de Marseille prouvent que la Capitale est tout aussi pertinente dans les grandes que les petites villes. Avant d’ajouter : « Mais il existe une vie en dehors de la Capitale. Nantes qui refuse d’avoir le label en expliquant qu’elle entend être en permanence une Capitale et cela marche. Mais, pour cela, il faut atteindre d’une part un seuil d’attractivité et d’autre part se construire sur la durée ».
Michel CAIRE
Plus d’info et Programme de la SEM