Publié le 10 novembre 2014 à 20h14 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h24
En clôture de la Semaine économique de la Méditerranée, le Centre pour l’Intégration en Méditerranée et la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur ont engagé le débat sur le thème «Tourisme en Méditerranée vecteur de développement intégré et durable, de valorisation des patrimoines et d’échanges culturels». Tout au long de la journée un espace de dialogue s’est créé entre les différentes parties prenantes œuvrant à un tourisme intégré et durable en Méditerranée (ministres, élus locaux, régionaux et nationaux, société civile, bailleurs de fonds). Face à un tourisme qui ne cesse de croître en Méditerranée, il s’est agi d’apporter de nouveaux éclairages sur les thèmes constitutifs d’un développement touristique inclusif, à savoir la question de la maîtrise des flux touristiques, de la durabilité, la diversification économique génératrice de revenus et d’emplois, et la préservation des patrimoines culturels et naturels.
La Conférence s’appuie sur une étude réalisée par le Femise (Forum Euroméditerranéen des instituts de Sciences Économiques), à la demande de la BEI. Un document qui met en avant le fait que, «certes, il y a de la croissance très dépendante des conditions internes aux pays de la zone. Cette caractéristique touche toute la région, y compris la zone Nord de la Méditerranée, avec des difficultés sur l’emploi (taux de chômage très élevés) en particulier chez les jeunes et des difficultés à faire participer ou à intégrer des pans entiers de population».
Alors Henri Roux Alezais, le président de l’Institut de la Méditerranée avance : «Compte tenu des difficultés pour les États à assurer la cohésion sociale, une économie sociale et solidaire s’est développée. Son but premier n’est pas le profit, mais celui de remettre l’humain au cœur de l’économie. Elle peut aider la Méditerranée dans son développement et permettre de renouer les liens entre performance économique et justice sociale et offrir une approche complémentaire aux activités traditionnelles».
«J’ai mal vécu, en tant que Député, en tant que Président de Région, l’injure qui a pu être faite aux pays de la Méditerranée, au plus fort de la crise, en les traitant avec mépris de Club Med »
Michel Vauzelle, le président de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, revient sur les enjeux, tire un bilan politique de cette semaine. Une nouvelle fois, il exprime son inquiétude «face aux déséquilibres de l’information qui met l’accent sur ce qui est violent et rend moins compte de phénomènes moins visibles mais, porteurs d’espoir. Et on assiste à une défiguration de l’Islam, grande religion de Paix et de fraternité, et de ce que porte les pays arabes. Si rien ne change, alors oui on peut craindre le pire pour notre République lors des élections à venir, avec une menace portée par un courant raciste, xénophobe». Et, une nouvelle fois, de marteler: «La politique méditerranéenne n’est pas pour la France, l’Europe, une politique étrangère, pas une politique de voisinage comme il est dit à Bruxelles mais nous sommes dans la cohabitation, la communauté de destin». Puis de lancer : «Et je dois dire que j’ai mal vécu, en tant que Député, en tant que Président de Région, l’injure qui a pu être faite aux pays de la Méditerranée, au plus fort de la crise, en les traitant avec mépris de club Med».
Il en vient à l’importance de l’éducation, la formation professionnelle, nécessaire pour le développement de l’économie, de l’emploi. Constate que le parlement euro-méditerranéen ne peut pas jouer son rôle du fait du poids écrasant de l’Europe, plaide pour un rôle renforcé de l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée avant d’affirmer: «L’Europe ne pourra pas se construire en tournant le dos à la Méditerranée».
Jean Roatta, adjoint au maire de Marseille, délégué à la Coopération euro-méditerranéenne, se fait l’écho des propos de Jean-Claude Gaudin, le sénateur maire de Marseille qui n’a pu intervenir : «Avec cette semaine nous avons pu voir que, sous certaines conditions, le tourisme favorise le dialogue et la compréhension mutuelle, ce qui est plus que jamais nécessaire en Méditerranée».
Il en vient à l’économie sociale et solidaire: «Ce thème est devenu incontournable dans les réflexions sur la régulation de la mondialisation, en particulier dans le contexte de crise économique que traversent de nombreux pays». «La Méditerranée, poursuit-il, à la suite des Printemps arabes et au regard des défis qui se posent actuellement, a besoin de nouveaux modèles. L’économie sociale et solidaire peut contribuer à l’émergence d’un modèle économique qui place l’humain au centre, un modèle économique inclusif, avec un accent particulier sur les femmes et les jeunes».
«Se battre pour la Méditerranée, c’est le refus du renoncement et le refus de la fatalité»
Pour Jean-Claude Gaudin : «Il convient d’intensifier les coopérations entre nos partenaires sur les domaines de la jeunesse, la santé, l’enseignement, la justice, renforcer le rôle des femmes, lutter contre les bidonvilles, l’habitat insalubre, cela permettrait notamment d’importants transferts de savoir-faire». Et d’affirmer : «Se battre pour la Méditerranée, c’est le refus du renoncement et le refus de la fatalité».
Jean-Hervé Lorenzi, du Cercle des Économistes rappelle : «Nous traversons une période économique bouleversée, nous sommes confrontés à une situation nouvelle dans laquelle on ne sait pas comment réintroduire du bon sens et du développement dans nos économies». Et donc de souligner l’importance de la question de l’Économie sociale et solidaire.
Jean-Louis Reiffers avance: «Il ne faut pas prendre au premier degré les événements actuels. La société civile est là, elle veut de l’intégration, du travail en commun. Mais qui est capable de financer aujourd’hui des projets multilatéraux ? Personne. Alors on a ici ou là des compromis politiques intéressants, en premier lieu en Tunisie ».
Delphine Borione, secrétaire général adjointe de l’Union pour la Méditerranée, donne des chiffres accablants en ce qui concerne l’intégration économique: « 90% des échanges en Méditerranée se font au Nord, 9% entre le Nord et le Sud et l’Est et 1% entre pays du Sud. L’opportunité de l’Économie Sociale et Solidaire dans ce contexte est immense d’autant que dans ce modèle les jeunes et les femmes ont une place importante».
«Nous devons travailler de façon inclusive, engagée, coordonnée : c’est ce que chaque acteur de la Méditerranée attend»
Puis d’en venir à l’Union pour la Méditerranée : «Certains semblent l’ignorer mais nous existons toujours. Nous travaillons sur de grands projets d’intégration mais aussi sur les dimensions socio-économique. Nous agissons selon le principe de géométrie variable. Cela nous permet de lancer des projets pilotes, d’offrir la possibilité aux États-membres de se les approprier. Et puis, nous avons des partenariats au niveau des politiques publiques. Nous travaillons sur des projets : de développement urbain durable, de formation et de création d’emplois ou encore de protection de l’environnement. Et puis il y a la question, transversale, du droit des femmes et des jeunes. Nous devons travailler de façon inclusive, engagée, coordonnée : c’est ce que chaque acteur de la Méditerranée attend».
Le propos de Sid-Ali Boukrami, Algérie, est sans équivoque : «La chute de la croissance en Europe nous inquiète énormément car nous avons toujours été solidaires de l’Europe et nous subissons fortement cette baisse de croissance». Et de regretter enfin: «L’Europe n’a pas de politique énergétique».
Shantayanan Devarajan, chef économiste de la région Mena (Middle East and North Africa -Moyen-Orient et Afrique du Nord), à la Banque Mondiale, considère : «Le développement n’est pas au rendez-vous. Nous n’avons pas réussi parce que nous n’avons pas appliqué le libre-échange». Et de justifier son propos à partir de l’exemple de la Tunisie de Ben Ali…
«La présidence luxembourgeoise de l’Union Européenne sera placée sous le thème: investir dans les hommes et les femmes »
Pour Mourad Ezzine, manager du Centre pour l’Intégration en Méditerranée : « Il s’est passé, avec les constitutions, des événements très importants sur la rive Sud qui n’ont pas été appréciés à leur juste valeur en Europe. Une Europe qui n’a pas saisi l’occasion pour réfléchir aux relations Nord/Sud». Pour remédier à cela il avance trois points : «Reconstruire une chaîne de valeurs, il faut les reconstruire par une coproduction Nord/Sud. La deuxième priorité concerne le développement rural. C’est là que l’on trouve le plus fort taux de pauvreté. Si on ne fait rien pour offrir des débouchés à ces personnes alors il sera très difficile de lutter contre l’exclusion. Il s’impose, troisièmement, de soutenir l’économie de la connaissance».
Nicolas Schmit, le ministre du travail, de l’emploi, de l’économie sociale et solidaire du Luxembourg considère : «Il existe un patrimoine culturel en Méditerranée mais aussi, malheureusement, le chômage des jeunes». Il annonce que la présidence luxembourgeoise de l’Union Européenne sera placée sous le thème : «Investir dans les hommes et les femmes, il faut travailler, au niveau européen, sur la qualité de la formation, son adéquation avec les besoins de l’économie».
C’est à Philippe de Fontaine Vive, le président de l’Ocemo et le vice-président de la Banque Européenne d’Investissement (BEI) que revient le mot de la fin : «Il faut repenser l’intégration régionale à travers l’idée de Nation. Car il est extraordinaire de voir que les révolutions n’ont pas été régionales mais que chacune a été nationale. La première, la Tunisie, a d’ailleurs eu un mot d’ordre national». Puis, de se prononcer à son tour pour en finir avec les leçons post-coloniales, et, par rapport au discours de la Banque Mondiale, de rétorquer : «Il est temps de remettre en cause le modèle ultra-libéral». Considérant que l’Économie sociale et solidaire «ouvre des perspectives de relance dans le bassin méditerranéen des création d’emplois et cela sans attendre la délocalisation de grandes entreprises». Et de mettre en avant : «Le Luxembourg est le seul pays européen pour le développement du micro-crédit dans les pays du Sud».
Michel CAIRE