Série-télé. « Mr. Sunshine »: un rayon de soleil coréen à savourer pendant cette période de confinement par le Pr. Hagay Sobol

Publié le 29 avril 2020 à  18h00 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  11h16

Privés de notre essentiel, l’interaction avec autrui, et de mouvement, il ne nous reste plus qu’à nous tourner vers l’imaginaire pour élargir notre horizon confiné. Aussi, je vous invite à voyager dans l’espace et dans le temps en direction de la Corée féodale grâce à une saga romantique sur fond historique, aux multiples rebondissements, faite d’amours impossibles, de couples maudits, de vengeances, de résistance à l’oppression, de lutte des classes mais également de rédemption. Disons-le tout net, «Mr. Sunshine» [[Série disponible en streaming sur Netflix]] , du réalisateur sud-coréen Lee Eung-Bok, est un pur délice !

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Le pitch…

L’histoire se déroule de la fin du XIXe au début du XXe siècle dans le royaume de Joseon, l’actuelle Corée. Un jeune orphelin, Choï Yoo-Jin, fils d’esclaves, pour sauver sa vie, s’enfuit dans un bateau en partance pour le Nouveau Monde. C’est en tant qu’Eugène Choï, citoyen américain, officier des Marines et Consul général des États-Unis d’Amérique qu’il reviendra des années après pour se venger de ceux qui l’ont asservi et tué ses parents. Joseon, très affaibli, est alors en proie aux appétits des grandes puissances, la Chine, les pays européens, la Russie et le Japon. Les USA ayant un rôle des plus ambigus. D’abord hanté par un désir impitoyable de vendetta envers ce pays de misère et sa classe dirigeante cruelle, sa volonté se transformera peu à peu en attachement pour le peuple opprimé, les sans grades, les laissés pour compte qui malgré toutes les vicissitudes, sont la force vive de la Corée. Il le devra à son amour irrépressible et partagé pour une jeune aristocrate, Ko Ae-shin qui bousculant tous les codes de l’époque se révolte contre sa condition et son statut de femme pour embrasser la résistance à l’envahisseur japonais, les armes à la main.

Un film à grand spectacle en 24 épisodes

Au cours des 24 épisodes de cette fresque épique, nous croiserons une multitude de personnages et de situations. Des portraits traités avec soin qu’ils soient fictifs ou réels. Ce savant mélange entre Histoire et fiction nous permet tout à la fois de nous divertir et de découvrir une région du monde largement méconnue des occidentaux, et les fondements de la géopolitique internationale d’aujourd’hui. Chaque épisode est réalisé avec un luxe de détails et une maestria époustouflante, alternant scènes de batailles spectaculaires et scènes intimistes. Les prises de vue sont magnifiques et le montage rythme avec précision la narration. Chaque image est un tableau. Combien de fois, j’ai «mis sur pause» pour admirer l’esthétique, l’originalité d’un cadrage, la beauté des émotions qui s’en dégagent. En tant que photographe, je dois dire que j’ai beaucoup appris. Même s’il existe une continuité dramatique, chaque épisode est un film avec son intrigue qui nous tient en haleine de bout en bout sans que l’on se rendre compte qu’une heure vingt s’est écoulée. C’est addictif. On aurait envie de voir tous les épisodes en continu.

Un opéra baroque

La bande originale est splendide, elle résonne longtemps après l’écoute. Mais ce n’est pas la seule référence musicale. L’alternance entre les scènes d’actions virtuoses et les plans fixes sur les visages et les corps immobiles des protagonistes qu’ils soient isolés, en couple ou en groupe accentue la référence à l’opéra baroque. Ceux de Haendel, Vivaldi ou encore Rameau où alternent les récitatifs déroulant l’action, les arias pour l’expression des sentiments et les chœurs représentant le peuple. Comme à l’opéra, pour savourer pleinement le spectacle, il faudra s’approprier les codes et les paradoxes propres du «Drama coréen». Des émotions longtemps réfrénées, une grande pudeur, avec à peine quelques baisers échangés, tranchant avec la violence de la guerre.

Un jeu d’acteurs mémorable

Si la réalisation est soignée, le jeu des acteurs est superlatif. L’émotion naît parfois de quelques gestes, d’un regard ou d’un sourire à peine esquissé. Il faut cependant s’habituer aux larmes, car on pleure beaucoup dans les séries coréennes. Au centre de la distribution, les deux stars, l’héroïque Lee Byung-hunle interprétant le Capitaine américain et la sublime Kim Tae-ri jouant le rôle de la jeune aristocrate rebelle et métaphore de l’âme coréenne inébranlable et déterminée que chacun veut s’approprier. Mais le reste de la distribution est également mémorable car les personnages participent à l’action avec des moments forts où les acteurs peuvent faire montre de leur talent. Les quelques longueurs et les états d’âme des protagonistes ne réussissent cependant pas à émousser l’intérêt du spectateur qui en redemandera.

Une épopée universelle

Cette série nous touche car malgré la distance, ses fondamentaux sont universels et intemporels. Elle raconte le destin singulier d’un pays dont l’identité s’est forgée à travers la résistance contre l’oppression sous toutes ses formes. En luttant contre l’hégémonie de ses puissants voisins qui ont tenté à plusieurs reprises de le faire disparaître. Une identité forgée dans «l’exil», car pour continuer la lutte nationale, les rebelles partiront en Mandchourie. Mais également en s’opposant à l’injustice de son système de castes, avec ses «intouchables». A titre d’exemple, petit-fils de révolutionnaire russe, de rescapés de la Shoah et de résistants, dont la famille a lutté pour l’autodétermination du peuple juif, je me sens connecté avec cette histoire étrangement proche et moderne.

Quoi de neuf Docteur ?

La Corée ayant démontré son expertise dans la lutte contre le Covid-19, permettez-moi en tant que médecin de vous faire une prescription jusqu’au déconfinement total : régalez-vous à raison d’un à deux épisodes de «Mr. Sunshine» par jour après les repas et en famille.

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