Publié le 25 septembre 2013 à 12h14 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 16h19
Le Site-Mémorial du camp des Milles accueille depuis le 20 septembre et jusqu’au15 décembre, l’exposition « Bellmer, Ernst, Springer, Wols, au camp des Milles ». Une co-production Marseille-Provence 2013 et la Fondation du Camp des Milles qui s’intègre dans le cycle de manifestations « Créer pour résister », organisé par la Fondation. Et, dans ces lieux, lourds d ‘histoires, d’Histoire, d’engrenages terribles qui conduisent, comme ne cesse de le répéter Alain Chouraqui, le Président de la Fondation, « de l’ordinaire des Milles à l’extraordinaire d’Auschwitz », les œuvres prennent toute leur puissance. Face à l’absurde, la barbarie, elles sont un hymne à la vie, à la création, à l’humanité. Elles happent le spectateur qui arrivent là œil, esprit et affect aux aguets après une visite du site qui se révèle toujours aussi poignante. Impact d’autant plus fort que des documents, pièces administratives, lettres… rendent compte d’un quotidien dans lequel demain n’est qu’aléatoire. Ici à l’inquiétude et l’espoir à l’œuvre, dans le premier temps du camp, succédera la crainte sourde de la deuxième période, et la terreur de la troisième.
La visite du camp se décline en trois temps : Le volet Historique – connaître l’histoire des internements et des déportations des Milles vers Auschwitz (1939-1942) ; le volet Mémoriel – découvrir un camp quasiment intact qui fut un « Vel d’Hiv du Sud » sous autorité française ; le volet Réflexif – inédit sur un lieu de mémoire : des clés de compréhension pluridisciplinaires sur les mécanismes humains qui peuvent mener au génocide. Trois axes de lecture pour comprendre ce qui a été en jeu dans ces locaux, ce qui l’est, en permanence, dans la société.
Dans ce bâtiment furent internées entre 1939 et 1942, plus de 10 000 personnes dans des conditions de plus en plus dures. Réfugiée en France, la plupart fuyait le totalitarisme, le fanatisme et les persécutions en Europe. L’histoire du Camp des Milles témoigne de l’engrenage des intolérances successives, xénophobe, idéologique et antisémite qui conduisit à la déportation de plus de 2 000 hommes, femmes et enfants juifs depuis le Camp des Milles vers le Camp d’extermination d’Auschwitz, via Drancy et Rivesaltes. Ils faisaient partie des 10 000 Juifs de la zone dite « libre », qui, avant même l’occupation de cette zone, ont été livrés aux nazis par le gouvernement de Vichy, puis assassinés dans le cadre de la « Solution finale ».
Le site mémorial insiste aussi sur le fait que, face au racisme, à la lâcheté et à l’indifférence, des résistants aux Milles comme ailleurs sauvèrent l’honneur de la France et de l’humanité. « C’est très important pour nous de montrer aussi que la résistance est toujours possible. Et cela marche, lorsque les gamins tout comme les adultes sortent ils ne sont pas écrasés par le lieu mais tout au contraire positifs ».
L’exposition est centrée sur les premières années de la guerre, sous la IIIe République et sous Vichy. Elle met en avant quatre artistes, parmi tous ces artistes, ces intellectuels qui Juifs, opposants, qui avaient fui le Nazisme pour trouver refuge en France et qui brillent de mille feux sur un plan artistique. Là, le refuge se trouve être un piège. Ils sont d’abord arrêtés comme nationaux d’un pays en guerre avec la France. Ceux qui ne pourront partir resteront là, en tant qu’opposants au Nazisme, avant de connaître, pour certains, le départ vers les camps.
Juliette Laffon, commissaire de l’exposition, explique que l’exposition regroupe une cinquantaine d’œuvres des années 1939 à 1941, presque exclusivement des réalisations sur papier. « Sont exposés des dessins exécutés durant la détention des artistes mais aussi dans les mois qui ont précédé leur internement et suivi leur libération sachant qu’il est parfois difficile de les dater avec précision. Il nous a semblé intéressant de prendre également en compte le travail effectué au cours de l’année 1941, qui se situe dans la continuité ».
« Les dessins de Ferdinand Springer offre un précieux témoignage de la vie aux Milles »
Puis d’avancer : « L’ensemble des dessins de Ferdinand Springer offre un précieux témoignage de la vie aux Milles tandis que les peintures de Max Ernst proposent une vision minérale pétrifiée de la nature. Les aquarelles de Wols aux dimensions modestes et d’une fine écriture graphique traduisent les peurs qui le hantent. Hans Bellmer est représenté par des portraits et par un ensemble de dessins dans lesquels s’exprime déjà une obsession à façonner le corps par la combinaison d’éléments anatomiques et la déformation des membres, le recours au procédé de détournement ». L’exposition se termine sur une série d’aquarelles de petit format que Ferdinand Springer a développé à son retour à Grasse. « L’expérience des Milles n’est sans doute pas étrangère à ce tournant décisif dans son œuvre ».
L’exposition est complétée, dans tous les sens du terme, par le travail de son autre commissaire, Bernadette Caille, qui propose une documentation, souvent inédite, relative à la vie quotidienne durant leur internement. Elle explique : « Les fonds d’archives concernant le camp des Milles offrent des visages et des peines, des émotions et des pouvoirs créés pour les contrôler. Mais c’est aussi grâce à ces traces de soumission ou de résistance que l’on peut aujourd’hui se figurer les règles qui ont régi le camp jusqu’à sa fermeture en décembre 1942, et tenter de retracer les drames dont les pierres ont été les témoins, en silence ».
Michel CAIRE
Exposition du 20 septembre au 15 décembre de 10 heures à 18 heures.
Tarif : 6€. Contact : 04 42 39 17 11
plus d’info : Camp des Milles