Publié le 15 novembre 2017 à 0h16 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h46
Le Conseil d’État a estimé lundi que la ville de Marseille avait eu tort d’annuler la location d’une salle de spectacle au polémiste Dieudonné, en jugeant que cette annulation représentait «une atteinte grave à la liberté d’expression».
La ville de Marseille a signé en avril 2017 avec la société de production de Dieudonné, un contrat de location du Dôme. Mais, après une levée de boucliers de politiques, du CRIF et nombre d’autres associations en septembre, la mairie a annoncé qu’elle n’accueillerait pas le spectacle de l’humoriste controversé, estimant que la représentation prévue le 19 novembre était «susceptible d’engendrer des troubles à l’ordre public».
Dieudonné a alors saisi le tribunal administratif. Celui-ci a débouté la ville mais Marseille a déposé une requête devant le Conseil d’État. Ce dernier a confirmé lundi le jugement du tribunal administratif. La plus haute juridiction administrative juge que l’annulation de la location de la salle, «qui revient à interdire la tenue d’un spectacle (…) porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’expression».
A la suite de cette décision, la ville de Marseille annonce dans un communiqué
«Le conseil d’état vient de décider de rejeter la requête de la Ville de Marseille qui demandait l’annulation du spectacle de Dieudonné prévu ce dimanche 19 Novembre.
Après avoir condamné à maintes reprises, ce multirécidiviste de la haine, la justice l’autorise à se produire. Nous en prenons acte, la déception est grande tant cet individu cristallise la contestation.» Il est à noter que ce jugement favorable à Dieudonné survient après une série de revers judiciaires pour le polémiste. Mercredi, la justice a ordonné son expulsion du théâtre parisien où il se produit depuis quinze ans et l’a condamné pour antisémitisme pour son spectacle « La bête immonde».
Bruno Benjamin, le président du Crif Marseille-Provence déclare pour sa part dans un communiqué : «La question qui se pose ou commence cette liberté de s’exprimer et ou s’arrête t’elle ? Peut-on tout évoquer sur les êtres ? Peut-on s’enorgueillir de laisser ce pseudo- comique se produire ? En d’autres temps la justice ne s’embarrassait pas de ces diffuseurs de la honte et du mensonge. L’état d’esprit qui régnait , était celui de la concorde et de la sauvegarde des valeurs ! Dieudonné peut se produire quand d’autres ont été censurés ? Et quels autres ! De grands et illustres comiques leur talent était incontestable. Rappelez vous Coluche qui eut le malheur de déclarer sa candidature à l’élection présidentielle. Jacques Martin à juste titre accusé de sacrilèges envers l’église. Desproges qui en a fait de même ! Bedos qui a soutenu Karl zéro qui était suspendu d’antenne. L’épopée Hara Kiri avec le professeur Choron etc. Pour ceux là, nous parlions seulement de dérision…..et pourtant la censure était prononcée. Alors que des expressions d’intolérance et du rejet de l’autre s’expriment lorsqu’il s’agit de Dieudonné, alors que le message distillé stigmatise une des composantes de la nation et que l’énoncé comique suscite des réactions d’hostilité. Les limites à la liberté d’expression s’arrêtent ou le désordre s’installe. L’analyse qui consiste à laisser dire ou faire ne s’applique pas à la matière de discours « comiques » lorsque la transgression atteint des limites insupportables pour ces personnes victimes de cet acharnement. La justice a tranché dans l’ambivalence entre le droit et l’esprit qui aurait du être retenu dans ce cas de figure.»
Anna CHAIRMANN