Publié le 5 novembre 2014 à 10h28 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h24
Peut-on faire du bon théâtre sans avoir à défendre un grand texte ? Vaste question à laquelle on répond normalement que c’est impossible. Et pourtant ! Avec « La société des loisirs » de François Archambault nous nous trouvons confrontés à une contradiction. En apparence l’écriture de l’auteur est relâchée, faite de bons mots qui fusent mais que l’on oublie aussitôt, projetés que l’on est dans une sorte de comédie de boulevard un rien outrancière au niveau des situations exposées. Et pourtant tout fonctionne, on ne s’ennuie pas une seconde, on suit les circonvolutions du couple formé par Marie (Cristiana Reali) et Marc (Philippe Caroit) avec un sourire amusé, et on se dit au final que François Archambault sait construire des personnages, proposer des répliques efficaces preuve qu’il serait un vrai auteur. Aidé en cela par une mise en scène très intelligente de Stéphane Hillel qui privilégie les mouvements des uns et des autres correspondant aux élans du cœur, à leurs états d’esprit successifs, une scénographie assez artistique d’Edouard Lang et des lumières de Laurent Béal travaillant comme au cinéma en sortes de fondus enchaînés, François Archambault atteint sa cible. Avec une mini-intrigue certes, mais percutante.
Nous voilà dans un appartement cossu. Marie et Marc forment un couple à priori sans histoire. Ils ont un enfant. Bientôt deux, puisque Marie est enceinte. Mais on sent chez eux une fêlure. Sinon pourquoi auraient-ils décidé d’inviter Antoine (Pierre Cassignard) leur meilleur ami pour lui annoncer lors d’un dîner d’adieu qu’ils ne souhaitent plus le voir ? Celui-ci, loin de s’en offusquer trouvera la proposition à son gré, et accompagné de Anne (Lison Pennec) il leur montrera que le sexe est le moteur de son existence. Une proposition de Marie de faire l’amour à trois, et tout bascule. Marc se remettra-t-il psychologiquement de cette situation incongrue ? Pièce pouvant sombrer dans la vulgarité et qui s’y abstient toujours comme par miracle, « La société des loisirs » dénonce beaucoup de choses, et notamment le culte de l’image, du profit, du commerce, de la consommation, de la vitesse, et des faux-semblants. La grande qualité de ce spectacle que l’on peut voir au Jeu de Paume d’Aix vient surtout du jeu subtil des quatre comédiens. Et notamment celui de Cristiana Reali, belle, lumineuse même dans un rôle ingrat, qui fait tomber ses répliques avec une précision assez conséquente. Il manque certes une dimension plus textuelle, mais, évitant une fin indécise, « La société des loisirs » raconte une belle histoire d’amour fou où chacun est sauvé par l’empathie de l’autre. Et par son généreux regard.
Jean-Rémi BARLAND
Au Jeu de Paume du mercredi 5 au samedi 8 novembre à 20h30