Publié le 24 mars 2022 à 19h53 - Dernière mise à jour le 4 novembre 2022 à 18h40
Pour tout le monde ce fut un choc. Créée le 10 mai 2018 au théâtre de la Tempête et repris en juillet 2018 au Gilgamesh Belleville d’Avignon dans le cadre du Festival Off, «Le maître et Marguerite» de Boulgakov, (1891-1940) adapté pour le théâtre et mis en scène par Igor Mendjisky est un chef-d’œuvre absolu.
Cette pièce chorale est à la fois une fable irréelle emplie de réalités, une fantasmagorie, un conte fantastique, une satire politique, et une bouleversante histoire d’amour. Achevée par Elena Sergueïevna Boulgakov, la troisième épouse et légataire testamentaire de l’auteur, cet épais roman parut en 1967 à Francfort, ne fut publié en URSS qu’en 1973, après avoir fait l’objet d’une version mutilée et censurée.
Mais de quoi s’agit-il ? On peut résumer ainsi l’œuvre que Igor Mendjisky a tiré du livre : «Deux auteurs russes, Ivan et Berlioz, sont abordés par un professeur entouré de ses étranges acolytes -dont un chat qui parle. Ce prénommé Woland leur prédit la mort prochaine de Berlioz par décapitation, ce qui se produit, sur les rails d’un train. Ivan, épouvanté, est interné dans un asile psychiatrique. Il y rencontre « le Maître », auteur d’un roman sur la rencontre entre Ponce Pilate et Yeshoua Ha-Nozri. Le Maître révèle à Ivan que Woland n’est autre que Satan. Pendant ce temps, Marguerite, la maîtresse du Maître, déterminée à le retrouver, scelle un pacte avec le diable.»
Mis bout à bout, et avec évidemment des coupures (le roman compte 600 Pages), «Le maître et Marguerite» sur scène est un kaléidoscope magique du chef-d’œuvre romanesque de Mikhaïl Boulgakov, sorte de variation sur « Faust » transposée en Union Soviétique. Avec virtuosité, intelligence et un sens du condensé narratif, Igor Mendjisky signe une adaptation théâtrale éblouissante qui donne à entendre les trois histoires du texte dans une vision moderne, autant qu’intemporelle. Sa propre mise en scène insiste sur l’aspect fantaisie et jeu d’échecs du roman et l’apport de la bande son et de la musique permet de définir les différentes atmosphères des récits en faisant glisser le spectateur d’un espace à l’autre. Homogène travail de troupe des comédiens, (on notera la présence sur scène d’Igor Mendjisky), flamboyance des costumes, effroi et fantasmagorie se succédant en quelques instants, «Le maître et Marguerite » ainsi donnée est une leçon de théâtre dont on sort éblouis. Beauté formelle, éloge de la liberté, leçon de vie, c’est Inoubliable !
Jean-Rémi BARLAND
«Le maître et Marguerite» de Boulgakov. Adaptation et mise en scène par Igor Mendjinsky. Au Toursky ce vendredi 24 mars à 20 heures. Plus d’info et réservations : toursky.fr
[(
Nouvelle traduction et lecture intégrale en CD de Pierre-François Garel
En parallèle au spectacle, vient de paraître aux éditions Inculte/Dernière marge, une nouvelle traduction du roman «Le maître et Marguerite» effectuée par André Markowicz et Françoise Morvan. On constate ainsi à quel point Boulgakov dénonce dans un rire féroce « les pouvoirs autoritaires, les veules qui s’en accommodent, les artistes complaisants, l’absence imbécile de doute ». Acteur surpuissant à la voix prenante, Pierre-François Garel, marathonien de la lecture en propose aux éditions Thélème une version intégrale. Par ses soins ce monument littéraire apparaît dans sa cruauté première, son style brut, son souffle, son humour, son universalité. Un chef-d’œuvre sonore cette fois-ci et un bonheur d’écoute sans égal.)]