Top 14 : le RCT veut voir double !

Publié le 31 mai 2013 à  1h00 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  15h57

Quinze jours après son sacre européen à Dublin, le RCT est à 80 minutes d’un exploit retentissant : gagner la même année la H-Cup et le Top 14. Mais pour réaliser ce doublé historique, il faudra battre le Castres Olympique ce samedi 1er juin à 21h en finale du Top 14 au Stade de France. Et ce ne sera pas une mince affaire tant les Tarnais, bien souvent mésestimés par les observateurs, sont une équipe redoutable comme ils l’ont démontré la semaine passée face à Clermont. Alors si toute la rade est prise d’hystérie collective en rêvant à ce fabuleux doublé, Bernard Laporte et les joueurs gardent, eux, la tête froide, comme ça leur a si bien réussi jusqu’ici.

Si le RCT est sacré champion de France ce samedi contre Castres, Mourad Boudjellal s'engage à ne plus dire de mal, pendant un an, de la Fédération Française de Rugby. Voilà une promesse bien difficile à tenir tel qu'on connaît le bouillant président toulonnais.
Si le RCT est sacré champion de France ce samedi contre Castres, Mourad Boudjellal s’engage à ne plus dire de mal, pendant un an, de la Fédération Française de Rugby. Voilà une promesse bien difficile à tenir tel qu’on connaît le bouillant président toulonnais.

« Quand on a couché avec Miss Monde, on est content avec Miss France aussi » : ces mots lancés par le truculent président toulonnais Mourad Boudjellal, lors d’un entretien accordé à nos confrères du Parisien, traduisent à eux seuls l’état d’extase dans lequel est plongé le port du Levant depuis une quinzaine de jours. Après un titre européen conquis de haute lutte face à Clermont à Dublin (16-15) il y a deux semaines, le RCT est à 80 minutes d’écrire une des plus belles de l’histoire du rugby français : gagner la même année la H-Cup et le Bouclier de Brennus, un exploit que seul le Stade Toulousain a réalisé en 1996. Mais sans rien enlever aux mérites des Haut-Garonnais, il s’agissait d’un autre temps : les clubs anglais ne jouaient pas encore la Coupe d’Europe et la finale de cette dernière s’était jouée en janvier, cinq mois avant celle du championnat de France dont l’élite rassemblait encore 20 clubs. Rien à voir avec l’enchaînement des phases finales des deux compétitions en seulement quinze jours comme à l’heure actuelle.
Alors forcément, s’il avait dit avant la demi-finale que « les Toulousains pouvaient venir en claquettes », que le Top 14, il n’en avait « rien à cirer », Mourad Boudjellal, impressionné par la motivation de ses troupes nullement rassasiées par la conquête du Graal européen, rêve désormais à haute voix de ce doublé historique. « Nous sommes face à un truc historique. Je ne sais pas si, dans l’histoire du rugby, d’autres clubs seront en mesure de réaliser le doublé. Mais pour Toulon, s’il le fait, il n’y en aura plus. On jouera peut-être d’autres finales du Top 14, mais, le doublé, c’est trop difficile. Nous sommes devant un moment unique », insiste le président varois toujours auprès dans les colonnes du Parisien. Avant d’ajouter : « Je suis un peu comme au passage de l’an 2000. Certains prédisaient la fin du monde. Je retiens mon souffle. Le passage pour moi, ce sera ce samedi à 23 heures. » Alors en cas de victoire, « il n’est pas exclu qu’on prenne la mairie de Paris et qu’on y plante un drapeau « rouge et noir » », souligne Mourad Boudjellal dans son style inimitable.

Un Bouclier de Brennus pour que la fête soit complète dimanche

Le président varois a même allé jusqu’à préciser, ce jeudi 30 mai à l’AFP, qu’une victoire ce samedi 1er juin en finale du Top 14 face à Castres l’amènerait à faire la paix avec la Fédération Française de Rugby (FFR). « Si par hasard on fait le doublé, je promets que je vais me calmer. Je ne dirais pas de mal de la fédération pendant un an, je m’y engage. Et je m’engage aussi à mettre un portrait de Pierre Camou (NDLR : le président de la FFR) dans mon bureau », assure-t-il. Et, sentant sans doute que cette promesse sera bien difficile à tenir, le bouillant président varois endosse déjà les habits du repenti. « C’est pour me punir de tout ce que j’ai pu dire. Je mettrai une belle photo de Pierre Camou au-dessus de mon bureau. Il y a une photo du président de la République dans la salle des fêtes, nous on aura Pierre Camou, ce sera une façon de s’excuser », explique-t-il.
A l’image de Mourad Boudjellal, c’est tout Toulon, cité toujours prompte à s’enflammer pour les exploits de son équipe de rugby, qui vit sur un petit nuage depuis quinze jours. Il n’y a quasiment plus une vitrine d’enseigne commerciale qui n’affiche ce fameux brin de muguet cher à Félix Mayol (*). Une hystérie collective que décrit le président varois dans les colonnes du Parisien. « Ce matin (NDLR : dimanche dernier), je suis allé sur le marché, les gens klaxonnaient, me disaient merci, me demandaient de les embrasser. (…) Quand je vois tous les gamins venus des cités qui sont venus célébrer la victoire de Toulon sans un seul incident… Des gens de différentes classes sociales, de différentes ethnies, sont réunis, et c’est important par les temps qui courent », s’émerveille-t-il à haute voix.
Seulement à force de l’avoir repoussée afin que les joueurs restent concentrés sur le Top 14, il faudra désormais y ajouter un Bouclier de Brennus pour que la fête du sacre européen, qui aura lieu quoiqu’il arrive ce dimanche 2 juin dans les rues de Toulon, soit totale. Dans une cité sevrée depuis 21 ans de ce « satané morceau de bois », tel que l’avait appelé le pilier Manu Diaz un soir de finale maudite en 1985, le « peuple de Besagne » rêve désormais de rajeunir et de revivre les grands moments de liesse qui avaient accompagné les sacres de 1987 et 1992.

Castres, une équipe dure à l’impact, dotée d’un pack surpuissant et d’une charnière très talentueuse

Mais pour cela, le RCT devra venir à bout, ce samedi 1er juin au Stade de France à 21h, d’une redoutable équipe du Castres Olympique qui, dans le sillage de son pack surpuissant, a remporté une victoire nette et sans bavure face aux Clermontois (25-9). Une formation tarnaise, trop souvent mésestimée par les observateurs du rugby hexagonal qui la maintiennent dans l’ombre des trois mastodontes Clermont, Stade Toulousain, Toulon, qui s’est qualifiée cette année sa quatrième phase finale consécutive : une performance dont ne peuvent pas se targuer les « rouge et noir » puisqu’ils étaient passés à la trappe il y a deux saisons. D’ailleurs sur les bords de la rade, personne ne prend les Tarnais à la légère, à commencer par Mourad Boudjellal. « Castres est une équipe un peu similaire à Toulon, dure à l’impact. Elle est dirigée par deux grands entraîneurs, Laurent Travers et Laurent Labit », confiait-il au Parisien, avant d’ironiser sur les faveurs des pronostics dont jouissent désormais les Toulonnais : « Nous serons favoris samedi, mais on voit qu’en ce moment, les favoris passent à la trappe ».
Dans un style différent, le manager toulonnais Bernard Laporte ne dit pas autre chose. « Castres, c’est Kockott (NDLR : demi de mêlée) que tout le monde voulait prendre, c’est Tekori (NDLR : deuxième ligne)qui va à Toulouse, c’est Martial, c’est Tales le nouveau numéro dix de l’équipe de France, c’est Samson (NDLR : deuxième ligne qui a évolué de 2010 à 2012 au RCT) qui joue aussi en équipe de France. Ils ne sont pas là par hasard », a-t-il analysé auprès de nos confrères de rugbyrama.fr. Et de faire un parallèle avec l’équipe de Montpellier qui était passé tout près du sacre il y a deux ans face au Stade Toulousain (défaite 15-11), pourtant grandissime favori de la finale. « On a vu que cela ne s’était pas joué à grand-chose. Castres est dans la constance. Cette équipe est toujours là. Si elle n’arrivait pas en finale, elle était toujours barragiste ou demi-finaliste. Le hasard n’existe pas », insiste « Bernie ».

Carl Hayman et Nick Kennedy bons pour le service

Pour contrer la puissance des Castrais en mêlée, secteur dans lequel ils ont dominé les Clermontois, le RCT pourra compter sur le retour du pilier néo-zélandais Carl Hayman. Suspendu l’an dernier en finale et absent pour cause de blessure la semaine passée face à Toulouse, il a été déclaré apte pour le service. C’est également le cas du seconde ligne anglais Nick Kennedy, qui a reçu un coup au genou à Nantes face aux Toulousains, mais qui pourra tenir sa place au Stade de France. Puisque tout le monde est sur le pont, le RCT devrait donc se présenter dans une configuration classique avec une composition proche de l’équipe qui a débuté à Dublin. Delon Armitage à l’arrière, le tandem Bastareaud-Giteau au centre, Palisson et Wulf aux ailes, Sir Jonny Wilkinson à l’ouverture, une troisième ligne bâtie pour le combat avec l’ancien castrais Chris Masoe, l’Argentin Juan-Martin Fernandez-Lobbe et le Sud-Africain Danie Rossouw, une seconde ligne Botha-Kennedy, et les deux piliers Andrew Sheridan et Carl Hayman. Les seules incertitudes concernent les postes de demi de mêlée, où l’ancien castrais Sébastien Tillous-Borde, titulaire à Dublin, et Frédéric Michalak, titularisé à Nantes, sont en balance, et celui de talonneur, où Sébastien Bruno, qui a toujours débuté ces dernières semaines, est en concurrence avec Jean-Charles Orioli, auteur d’une très belle entrée en jeu dans la dernière demi-heure à Nantes.

« C’est leur histoire »

Des hommes auxquels Bernard Laporte a tenu à ne rajouter aucune pression, se déclarant, auprès de rugbyrama.fr, « pas plus » excité que durant la phase régulière. « On fait de la compétition pour jouer ces matchs-là. On est champion d’Europe mais on ne s’est pas envolé. On reste les pieds sur terre. Là, il y a une autre compétition et on savourera ce qu’il y a à savourer s’il y a un titre. C’est aussi simple que ça, la vie », assure-t-il. Des déclarations dans la lignée de celles qu’ils avaient faites la semaine dernière en zone mixte, après la victoire contre Toulouse. « C’est leur victoire, c’est leur histoire. Nous, on joue pas, on fait qu’entraîner. Moi, je dis « bravo à eux ». Voilà. C’est des mecs, il y en a certains qui ont gagné des choses, il y a d’autres qu’ont rien gagné, mais t’as l’impression que tous, ils ont rien gagné et qu’ils sont bien ensemble, ils veulent pas que ça s’arrête. Et pour le club, c’est merveilleux : faire quatre finales en deux ans. Qu’est-ce que tu veux de mieux ? », avait-il commenté à chaud.
Reste désormais à gagner cette finale pour que la fête de ce dimanche soit complète. Si l’on se fie aux affrontements directs entre deux équipes durant la phase régulière, l’avantage revient à Toulon qui mène 6 à 4 en termes de points terrain avec une victoire bonifiée 33-12 à Mayol et un bonus défensif glané dans le Tarn (défaite 25-20). Mais la statistique ne veut pas dire grand-chose, comme l’ont montré les surprises enregistrées ces deux dernières semaines (**). D’autant plus qu’une finale, c’est toujours un match au contexte très particulier…

Marc BESAGNE

(*) Le chanteur toulonnais Félix Mayol (1872-1941) se produisait toujours sur scène avec un brin de muguet accroché sur le revers de sa veste. Il lui avait été offert par une spectatrice le soir de sa première afin que ça lui porte chance. Il l’a par la suite toujours arboré au cours de sa carrière. Féru de rugby, c’est grâce à ses deniers personnels que fut construit, en 1919, le stade qui porte son nom, à deux pas de l’Hôtel de Ville de Toulon. Et c’est en l’honneur de ce mécène, qui offrit alors un stade à son club, que le brin de muguet est devenu l’emblème du Rugby club Toulonnais.

(**) Sur la saison régulière, Clermont avait remporté 6 points terrain face au RCT contre 3 aux « rouge et noir », et les Toulousains 5 contre 4 aux Toulonnais.

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