Publié le 29 septembre 2022 à 10h48 - Dernière mise à jour le 8 novembre 2022 à 12h40
La Fondation méditerranéenne d’études stratégiques (FMES) a organisé en partenariat avec la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) la première édition de son nouveau grand rendez-vous géopolitique annuel, les Rencontres stratégiques de la Méditerranée (RSMed) qui ont attiré plus de 1 000 visiteurs par jour au Palais Neptune de Toulon les 27 et 28 septembre 2022.
Les RSMed ont débuté par un discours d’inauguration du directeur de l’institut FMES, Pascal Ausseur, qui a rappelé «les enjeux d’un dialogue de fond» et «l’importance de la réflexion stratégique face à la fragmentation croissante du monde». Xavier Pasco, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique a pour sa part souligné l’approche originale des RSMed «par son brassage innovant d’idées», et a insisté sur la nécessité «de décentrer le regard», en tenant ces RSMed à Toulon, sur les rives de la Méditerranée. Alice Guitton, Directrice de la Direction générale des relations internationales et de la stratégie -DGRIS- du ministère des Armées, a souligné «la centralité de la Méditerranée» dans les dynamiques géopolitiques actuelles : «contestation de l’ordre international, retour de la guerre de haute intensité, guerre hybride …». Enfin, l’amiral Gilles Boidevezi, préfet maritime de la Méditerranée, Commandant en chef pour la Méditerranée, a mis en exergue l’objectif des RSMed qui est, par le dialogue, «de dégager des pistes d’action afin de s’extraire des contraintes et aller vers un horizon meilleur».
Guerre en Ukraine : un choc pour la zone Méditerranéenne
Ces rencontres ont proposé un programme riche avec dix tables rondes, animées par plus de 40 experts, chercheurs, hauts responsables et représentants industriels, autour de trois grandes thématiques : Recompositions géopolitiques, défis sécuritaires transverses et ruptures technologiques dans les conflits récents.
Les journées ont été ponctuées par deux témoignages, celui de Daniel Rondeau, écrivain et membre de l’Académie française, puis celui de Véronique Roger-Lacan, ambassadrice, déléguée permanente de la France auprès de l’Unesco. Ces derniers ont apporté un autre regard sur le monde et la Méditerranée.
En marge des recompositions géopolitiques, c’est principalement la guerre en Ukraine qui est revenue dans de nombreuses tables rondes. Présentée comme un véritable choc à plusieurs titres pour la zone Méditerranéenne, chacun aura pu saisir le réel impact de cette guerre dans la réflexion stratégique générale.
Les conséquences directes de ce conflit, à savoir les déstabilisations des sociétés vulnérables aux approvisionnements gazier et céréalier et la prolifération de crises périphériques dans le monde ont été questionnées. S’il n’existe stratégiquement aucun intérêt pour les pays du Golfe à prendre position, ces derniers utilisent au contraire leur centralité dans le domaine énergétique pour affirmer leur autonomie stratégique vis-à-vis de Washington. Sur la scène internationale, les rivalités des grandes puissances (Chine, Russie, États-Unis et, -en devenir ?- Europe) sont également passées au crible. Bien que l’impact de la guerre en Ukraine sur les visions stratégiques chinoises et américaines soit faible, le poids des défis et crises internes de ces deux pays impacte leurs prises de positions actuelles.
L’espace méditerranéen: un potentiel catalyseur de conflits
En ce qui concerne les défis sécuritaires transverses pour l’Union européenne (UE) et le bassin méditerranéen, la problématique est claire : éveiller les consciences pour ne pas être reléguée au rang de spectateur. En ce sens, l’UE est à un tournant décisif et est invitée à préparer son autonomie stratégique. Quant à l’espace méditerranéen, en tant que lieu de transit où se croisent les enjeux énergétiques, alimentaires, migratoires et climatiques, il est un potentiel catalyseur de conflits. La thématique du multilatéralisme et du renforcement des partenariats a ainsi fait l’objet d’un large consensus.
Un futur conflit dans l’espace?
Un autre grand thème abordé au cours de ces rencontres a tout naturellement porté sur les ruptures technologiques. Dès l’introduction de la table ronde sur l’évolution contemporaine du spatial, le sujet était posé : le postulat selon lequel un futur conflit de haute intensité débordera dans l’espace n’en est plus un, la question n’étant plus «si » mais plutôt «quand», et comment il sera appréhendé. Quant à l’enjeu stratégique des drones, si certains systèmes n’en sont qu’aux phases de test dans ses versions militaires (drones sous-marins, de surface) et doivent relever encore des défis techniques importants, certains étaient déjà bien intégrés dans les drones aériens, utilisés depuis longtemps sur des théâtres d’opération en Méditerranée et au Moyen-Orient.
Développer les coopérations et partenariats
Lors de ses échanges avec l’amiral Henrique Gouveia E Meilo, chef d’état-major de la marine portugaise à la table ronde des chefs d’état-major, l’amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la marine française a proposé trois grands moyens d’anticiper la défense contre les attaques futures : «Développer les coopérations et partenariats -pour se connaître et se comprendre mais aussi pour mettre ses moyens au service les uns des autres-»; «anticiper et prévenir -pour bien voir les nouveaux équilibres- et dissuader le recours à la force -gagner la guerre avant la guerre-». Avant de conclure avec cette citation de John Maynard Keynes: «Ce qui se passe n’est pas l’inévitable mais l’imprévisible» ou «Be prepared for unprepared».
Le public, venu en nombre et de tous horizons, a salué la qualité des intervenants et l’originalité des tables rondes qui permettait la confrontation entre experts du monde académique, opérationnel et industriel. Les échanges des Rencontres Stratégiques de la Méditerranée, où les regards se croisent et les points de vue se confrontent, ont contribué au succès de cette première édition. Rendez-vous les 9 et 10 novembre 2023 pour une deuxième édition, encore plus internationale, toujours à Toulon.
La rédaction