Publié le 2 février 2021 à 19h29 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 12h36
Le collectif « Tous Acteurs » qui rassemble et fédère plus de 140 partenaires économiques du territoire [[Chambres Consulaires, Fédérations et Groupements Interprofessionnels et Professionnels, Associations de Zones d’Activités, Associations de Commerçants…]] vient de proposer un débat sur le thème «de nouveaux défis pour un nouvel élan» avec la philosophe Julia de Funès et l’économiste Nicolas Bouzou. Des vœux connectés tout autant philosophique qu’économique suivi par près de 1 000 participants.
de nouveaux défis pour un nouvel élan» » title= »La philosophe Julia de Funès et l’économiste Nicolas Bouzou sont intervenus dans un débat sur le thème «de nouveaux défis pour un nouvel élan» » class= »caption » align= »center » />
Nicolas Bouzou ouvre le débat en considérant que, sur le plan économique, la réponse du gouvernement, et de tous les pays développés, a été «plutôt bonne». Pour lui, il faut se rappeler de la situation dans laquelle nous étions en mars. «La récession était incroyablement forte avec une baisse du PIB de 30% au pire du premier confinement. La dernière fois que nous avons connu un tel phénomène c’était en 1942». Face à cela, avance-t-il : «Le gouvernement a fait le choix de soutenir au maximum les entreprises et les salariés autant pour des raisons économiques que morales. Sur le plan moral parce que les faillites ne viendraient pas sanctionner une mauvaise gestion. Ensuite du point de vue économique la crise prendra fin et il faudra alors être le plus grand nombre pour participer à la relance». Le gouvernement a ainsi mis en place une politique en trois volets: «Il s’agit, premièrement, d’éviter les faillites avec le PGE, deuxièmement de protéger les salariés avec le chômage partiel, troisièmement de soutenir la micro-économie avec les fonds d’aides». Nicolas Bouzou se veut «très optimiste à moyen terme».
Les faillites en 2020 ont baissé de 25% par rapport à 2019
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Nicolas Bouzou souligne encore : «Le chômage a moins augmenté qu’ailleurs grâce à la vitesse à laquelle tout cela s’est mis en place». Il insiste même sur des faillites qui ont baissé en 2020 de 25% par rapport à 2019. «Une année plutôt bonne parce que le dispositif a été surdimensionné mais, on a eu raison d’en faire trop». Certes, poursuit-il: «Tout ceci coûte très cher mais c’est moins grave que si nous n’avions rien fait». Concernant le PGE, il parle d’une mesure « très efficace» mais qui a «accru l’endettement des entreprises» et place ainsi la France parmi les pays dont «les entreprises sont les plus endettés d’Europe». Pour remédier à cela, favoriser la reprise, l’économiste se prononce en faveur d’un dispositif dans lequel l’État prendrait une partie de la dette des entreprises des secteurs les plus touchés par les mesures de fermeture. Il ajoute que si notre monde a des facettes anxiogènes il en est d’autres de très positives: «En un an nous avons trouvé des vaccins contre la Covid c’est un résultat de la modernité».
Ce n’est pas en perfectionnant la bougie que l’on invente l’électricité.
Julia de Funès voit aussi dans cette crise un moment de rupture conduisant à de grands moments de progrès: «Il faut parfois des sauts épistémologiques pour changer de paradigme». Elle cite, pour expliquer son propos, Pierre-Gilles de Gennes qui indiquait que «ce n’est pas en perfectionnant la bougie que l’on invente l’électricité.» «Nous voyons pointer des innovations tel que le télétravail. De même il était de bon ton de critiquer le digital, ce n’est plus le cas aujourd’hui et les entreprises les plus agiles, les plus intelligentes, sont celles qui s’en sortent le mieux. Les vaccins sont une innovation majeure. Et, dans la période que nous traversons nous avons vu une solidarité, un collectif émerger». Certes, poursuit-elle: «On peut faire des catastrophes collectivement. Mais là, on a vu une solidarité se mettre en place. Et, contrairement à ce que l’on pense il ne suffit pas d’un objectif commun pour être solidaire. C’est nécessaire mais insuffisant. On a toujours un but commun dans une entreprise mais il y a aussi beaucoup de gens qui peuvent se sentir démotivés, désengagés et ne font pas corps avec l’équipe».
La conscientisation d’une menace ou d’un danger
Cette période de crise, pour Julia de Funès: «Nous montre la condition supplémentaire nécessaire pour être solidaire: la conscientisation d’une menace ou d’un danger, le sentiment d’être menacé dans son individualité». Et c’est ainsi, pour la philosophe, qu’une solidarité s’est exprimée avec les métiers de première ligne. «Nous avons applaudi de nos balcons le personnel soignant. C’était sympathique mais très insuffisant car nous savons, depuis des mois, des années, qu’ils ont besoin de plus de reconnaissance et de moyens». Elle insiste sur un troisième point: «On ne peut pas tout sécuriser car cela bloque. Il faut avancer, on a besoin d’entrevoir le risque comme une opportunité et pas seulement comme une menace».
«Le sens du travail change, il est désacralisé»
Julia de Funès précise sa pensée sur le télétravail. «Il va permettre de différencier vie professionnelle et vie personnelle. Il faut certes un logement adéquat mais on ne retournera plus au travail comme avant. Le sens du travail change, il est désacralisé. Il n’est plus un lieu mais une pratique. Il cesse d’être une finalité ce qui était absurde. Le travail n’a de sens que s’il est au service d’une finalité. De ce fait le télétravail, en permettant de ne plus se déplacer permet de replacer le travail». Un phénomène qui renforce une évolution de la société: «Pour les plus jeunes le travail n’est pas une finalité mais un moyen. Et l’entreprise, en plus de la performance économique doit avoir un projet, faire sens, être au service d’une cause plus grande qu’elle».
éviter le «mur de dettes»
Vient le temps des questions réponses. Corinne Innesti, présidente de la CPME 13 insiste sur le fait que les aides doivent perdurer et sur les solutions à trouver pour éviter le «mur de dettes». Nicolas Bouzou répond qu’il faudra effectivement que l’État apporte une réponse qui, rappelle-t-il, passe par une reprise par l’État de certaines dettes. Mais, ajoute-t-il: «C’est encore tôt. Pour le moment on doit continuer à soutenir les entreprises tant que la crise n’est pas passée». A ce propos Monique Cassar, présidente de la délégation 13 de la Chambre de Métiers et de l’Artisanat, ne cache pas son inquiétude considérant que nombre d’artisans «disparaîtront avant la fin de la crise». L’économiste suggère en réponse le recours « à la commande publique. Les chambres des métiers peuvent émettre des propositions aux collectivités, grâce au numérique».
Jean-Luc Chauvin souhaite «un développement plus harmonieux des territoires»
Jean-Luc Chauvin, le président de la CCI Aix Marseille Provence souhaite que la sortie de crise se conjugue avec un «développement plus harmonieux des territoires et une fin de la centralisation extrême. Est-ce que demain, il ne faudra plus être sur Paris mais là où on est bien?». «C’est un enjeu majeur» pour Julia de Funès. Au-delà elle insiste sur deux points, premièrement «l’importance d’être acteur c’est à dire autonome, ne pas être là seulement pour obéir mais pour prendre des risques». Pour ce faire, elle souligne l’importance de la confiance: «Quand on fait confiance à ceux qui ont envie d’agir c’est rentable car ils adoptent un comportement digne de confiance». Nicolas Bouzou revient sur la sortie de l’État Jacobin: «Il faut pour cela des politiques publiques volontaristes pour répartir l’activité économique sur le territoire. Il faut revitaliser les villes moyennes mais cela ne suffit pas. Il faut tout faire en même temps. Si on veut tout réenclencher il faut aussi des écoles, La Poste, des médecins… ». il met également l’accent sur l’importance de la 5G «elle est beaucoup plus efficace et moins chère que la fibre. Quand j’entends des Maires refuser la 5G mesurent-ils qu’ils marginalisent économiquement leur ville?».
Bruno Cagnol affiche son opposition au non-remboursement du PGE
Bruno Cagnol, le président du Top 20 entend «avec horreur des bruits de report en 2022 des élections départementales et régionales». Il espère que cette décision «à fin politique» ne sera pas prise. Juge le télétravail pertinent «là où les embouteillages sont importants» mais s’inquiète de la perte de lien social qu’impose cette nouvelle pratique. Il affiche son opposition au non-remboursement du PGE, sauf, peut-être, pour certains «Le message serait terrible car alors pourquoi payer ses impôts, ses dettes?». Juge le Plan de relance sous-estimé et surtout trop lent, dénonçant ainsi une inertie» et de conclure: «Les gens veulent travailler plutôt qu’avoir des aides». Nicolas Bouzou ne cache pas son désaccord: «Le temps de la relance n’est pas arrivé, nous sommes encore dans le soutien aux entreprises. Si, aujourd’hui, un grand plan de relance était lancé il ne bénéficierait qu’à certaines entreprises». Il prend un exemple: «Si on lance de grands chantiers alors que les restaurants et les hôtels sont fermés on ne maximise pas les effets du Plan. Après, peut-être que le Plan est un peu sous-estimé mais, encore une fois, nombre d’acteurs ne sont pas aujourd’hui en capacité de prendre part à la relance. Je pense donc que le grand plan de relance aura lieu en 2022 et il suffit de regarder l’histoire pour constater que, à la suite de crises d’une telle ampleur il y a toujours eu plusieurs plans de relance».
«l’engagement politique reste essentiel»
Patricia Blanchet-Bhang, présidente d’U2P 13, met en exergue les impacts de la crise sur les TPE, mesure l’efficacité du travail collectif mais s’inquiète: «Au moment où nous avons plus que jamais besoin d’union les élections tant consulaire que politique ne risquent-elles pas de briser cette union?». Nicolas Bouzou comme Julia de Funès entendent la rassurer, invite à ne pas craindre le débat, la confrontation. L’économiste note: «La continuité démocratique est un repère. Ces élections sont donc très importantes, notamment les régionales car les régions vont avoir un rôle essentiel dans la relance» Julia de Funès ajoute: «Il faut une implication forte des citoyens car l’engagement politique reste essentiel».
Michel CAIRE