Publié le 14 janvier 2017 à 11h10 - Dernière mise à jour le 29 novembre 2022 à 12h31
Il est intéressant de lire parallèlement les ouvrages de David Thomson et Vincent Nouzille concernant la lutte anti-terroriste. Ils témoignent parfaitement tous deux de quelques caractéristiques du débat hexagonal sur ces questions.
Le texte de Nouzille, intitulé Erreurs fatales. Comment nos présidents ont failli face au terrrorisme (Fayard), se polarise sur les carences du dispositif de renseignement et laisse finalement l’impression que le combat contre le salafisme djihadiste se joue d’abord et avant tout sur le terrain d’une réponse sécuritaire paralysée par les querelles de personnes, les failles institutionnelles et les arrière-pensées corporatistes ou personnelles des uns ou des autres.
Le livre ne manque pas d’intérêt et constitue un point de vue documenté mettant en lumière des questions techniques pertinentes. Toutefois, l’ouvrage (malgré son sous-titre) ne pointe pas suffisamment du doigt la responsabilité intellectuelle et morale écrasante de nos élites politiques et de notre haute fonction publique. Ces dernières ne mesurent pas l’ampleur de la problématique qui se pose à eux.
A contrario, le livre de Thomson, Les Revenants. Ils étaient partis faire le jihad, ils sont de retour en France (Le Seuil), place la discussion sur l’échiquier social et culturel, démontrant parfaitement que la racine du défi sécuritaire auquel nous faisons face plonge au cœur de notre cécité politique, laquelle dure depuis trois décennies. Il décrypte aussi par ricochet nos scléroses idéologiques. L’auteur expose clairement que notre absence de saisie réelle de ce que signifie psychologiquement le djihadisme se situe au cœur de notre difficulté à le combattre.
Le salafisme djihadiste est une véritable opération de harcèlement des sociétés ouvertes qui vise effectivement -Gilles Kepel a raison- à créer des fractures sociales et culturelles déstabilisant les démocraties européennes, en France en particulier. Si l’on ne s’attaque pas à la dynamique de fragilisation de la cohésion nationale opérée par une politique économique vide de sens et un acharnement malsain contre le concept de nation, notre pays continuera sans repos à produire des barbares à l’identité problématique qui s’engouffreront dans toutes les formes de tentations totalitaires.
La réponse au terrorisme islamiste ne repose pas uniquement sur nos forces de sécurité, loin de là… Continuer à vouloir traquer des boucs émissaires dans la chaîne de protection du ministère de l’Intérieur ou dans les services de renseignement nous empêche de voir où sont les vraies questions. L’arbre qui cache la forêt, comme d’habitude…
Eric Delbecque Président de ACSE