Publié le 19 décembre 2017 à 18h12 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 17h50
Les deux auteurs du présent article entendent encore régulièrement des interrogations profondes sur la légitimité de la sécurité privée et la responsabilité de ses acteurs. Cela conduit, une fois encore, à réaffirmer la place désormais incontestable qu’occupent les entreprises spécialisées dans la chaîne globale de sécurité nationale.
Certes, on peut comprendre que cette réalité demeure une évolution difficile à intégrer dans un pays façonné par une si forte tradition jacobine. L’État régalien constitue un symbole si puissant en France que l’idée que la sécurité (longtemps l’apanage du pouvoir central) échappe dans une certaine mesure aux autorités, relève encore de la révolution copernicienne.
Toutefois, il faut bien comprendre que nous ne vivons pas depuis vingt ans une privatisation de la sécurité (comme le prétendent quelques commentateurs trop imprégnés de passions idéologiques), mais la lente construction d’une chaîne de coproduction de la sécurité qui mêle des administrations, des sociétés de sécurité privé, des entreprises proposant des solutions technologiques de protection (notamment dans le secteur de la cybersécurité ou de la surveillance), des associations, des universités et des centre de recherche publics et privés.
Cela n’empêche à aucun moment l’État de rester le chef d’orchestre de la sécurité dans l’Hexagone. C’est toute la logique de l’État stratège : fixer le cap, bâtir la politique publique -c’est-à-dire évaluer, synthétiser et faire des choix, coordonner les différents intervenants, réglementer, réguler et, au besoin, sanctionner.
Refuser ce processus de complexification des canaux opérationnels de la sûreté nationale, et donc de diversification de ses opérateurs, revient à encourager notre pays à s’enliser dans l’archaïsme. Il n’est plus possible, en 2018, de demander au gouvernement de prendre en charge l’intégralité de la préoccupation de sécurité.
D’abord parce que le coût de cette dernière ne cesse de s’alourdir et que les conséquences fiscales se révèleraient rapidement insoutenables pour les citoyens. Ensuite parce qu’il est rationnel que les acteurs économiques en général et les grands groupes en particulier financent leur protection (tout en maximisant les possibilités de coopération avec les pouvoirs publics) en regard de leurs attentes spécifiques, de leurs contraintes particulières, du cadre juridique existant (le respect de la propriété privée : les forces de l’ordre doivent sécuriser l’espace public, non privé), et de changement des mentalités (les exigences de la RSE – Responsabilité sociale d’entreprise).
Enfin, parce que l’insécurité se tisse à la convergence de réalités et de perceptions (qui méritent toutes deux l’attention), mais que le paradoxe de Tocqueville (plus un phénomène désagréable diminue, plus ce qu’il en reste apparaît insupportable) pousse forcément à l’accroissement des besoins de sécurité.
Au final, il ne s’agit plus aujourd’hui de disserter sur l’intérêt d’un secteur privé de la sécurité : il existe fortement et ne va pas cesser de prendre de l’ampleur. La bonne question est de mettre sur pied tous les dispositifs institutionnels et de formation nécessaires pour qu’il remplisse ses missions avec efficacité ; c’est-à-dire en veillant à établir et conserver un niveau de qualité que nos démocraties sont en droit d’attendre de professionnels qui doivent exercer un métier pas comme les autres (avec des règles spécifiques) dans le cadre de contraintes socio-économiques qui s’avèrent celles de n’importe quelle entreprise…
left> Eric DELBECQUE est le chef du pôle intelligence économique de l’IFET (Institut de formation des élus territoriaux) auteur du: Bluff sécuritaire Éditions du Cerf |
Dan Bellaiche est le président de la société de sécurité privée Protectim Security Services |