Publié le 14 juillet 2017 à 15h45 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 17h17
Un an depuis Nice… Où en sommes-nous ? Au même point sans doute : le niveau de la menace djihadiste demeure très élevé. Les coups portés à Daech en Irak et en Syrie ne permettront pas d’en finir avec le radicalisme islamiste. Ce dernier développe aujourd’hui une violence diffuse, qui n’a pas besoin d’un centre de commandement, d’un point névralgique, pour déclencher les spirales de la barbarie. D’une certaine manière, la propagande salafiste djihadiste s’est largement autonomisée.
L’évolution des modes opératoires en témoigne. L’éventail de possibilités auquel il faut savoir faire face est aujourd’hui très large. Cela va de la ceinture d’explosifs au couteau de cuisine en passant par la voiture, le poids lourd et la kalachnikov. Un simple marteau peut faire l’affaire… Quant aux cibles potentielles, elles apparaissent innombrables. Tout événement rassemblant du public ou à forte charge symbolique peut susciter l’intérêt meurtrier d’un terroriste islamiste. Ce constat n’a pas vocation à propager un climat mental anxiogène parmi nos contemporains, mais à leur faire admettre l’idée que les démocraties, les sociétés ouvertes, se définissent comme des groupes humains par définition vulnérables.
Être libre suppose d’accepter une part irréductible de risque. Le refuser, c’est encourager une surenchère sécuritaire qui démontrerait de surcroît une parfaite inefficacité. La surveillance généralisée ne constitue pas une option souhaitable et crédible : moralement douteuse, elle mène en outre à une évidente impasse.
L’islamisme radical violent sévira encore durant plusieurs années, peut-être même une décennie. En tout état de cause, si l’on entend l’endiguer sur notre sol, il faudra traiter les causes qui l’alimentent en continu. Reprendre le contrôle des « territoires perdus » de la République, cesser de déconstruire absurdement le récit national en attisant la haine de soi, mettre un point d’arrêt aux expressions néfastes et manipulées du communautarisme religieux, voilà quelques-uns des chantiers auxquels il faut décisivement s’attaquer.
Le salafisme djihadiste prospère sur nos incohérences et notre lassitude morale. La plupart des nations envisagent leur futur comme un projet à bâtir, fondé sur la fierté de partager une histoire et des valeurs. Dans l’Hexagone, on se demande parfois si nos intellectuels, nos politiques, nos élites culturelles et nos leaders d’opinion en général ne font pas la course à l’auto-dénigrement collectif. Assumer son identité, individuelle ou nationale, ne suppose pas de se flageller à chaque instant. N’importe quel psychologue ou psychanalyste le précise d’emblée à ses patients. La repentance et la mauvaise conscience qui agitent régulièrement notre scène médiatique creusent une tranchée douloureuse et dangereuse entre les Français. Pour quel résultat ? L’incapacité à formaliser une stratégie de puissance pour les cinquante ans à venir. On ne peut guère ensuite s’étonner qu’une phalange de jeunes gens paumés, psychologiquement instables et fortement carencés, aillent chercher dans des idéologies radicales de quoi soutenir un désir de sens, même si ce dernier puise ses ressources dans le crime et la paranoïa.
Tout cela exige en réalité de ne pas laisser reposer l’ensemble du combat anti-terroriste sur nos seules forces de l’ordre. A cet égard, dénoncer perpétuellement les « failles » de nos «services», ou le manque de coopération au sein de notre appareil de sûreté, ne mène pas loin. Sans aucun doute, améliorer le partage d’informations et la coordination entre les maillons de la chaîne de sécurité nationale reste un objectif à faire progresser sans repos ; mais nos unités de police et de gendarmerie, nos militaires et notre communauté du renseignement réalisent un travail considérable et méritant la reconnaissance de la nation. Ce qui s’affirme prioritaire, c’est de mobiliser les citoyens et de bousculer la conscience assoupie de nos élites…