Publié le 3 novembre 2020 à 11h00 - Dernière mise à jour le 29 novembre 2022 à 12h29
Depuis plusieurs mois, une tentation hante la France. Son « spectre », terrible, s’étend et se diffuse. Certains responsables politiques pactisent avec lui. D’autres l’invoquent. Une minorité enfin, tente de le conjurer. Mais à quel prix ? Ce fantôme, en substance, possède un nom et un visage. Il peut faire trembler la République. Nous l’appellerons l’adémocratie.
La sensibilité adémocratique, en effet, considère que le point faible de nos sociétés libres réside paradoxalement dans les principes démocratiques. Face aux risques, il conviendrait alors de réaliser une déprise, véritable renoncement, vis à vis notamment, de nos réflexes humanistes et libéraux. En somme, la dialectique est dangereuse: défendre la Démocratie reviendrait à mettre entre parenthèse certaines libertés publiques. L’adémocrate, croit, de façon typique, faire corps avec le principe de réalité. Il pense, familièrement, nommer un chat un chat. Son vocabulaire demeure fleuri : ensauvagement, guerre, obéissance, surveillance, massacre et pour les plus extrémistes, petit ou grand remplacement… Jadis réservé à une frange de la Droite dure, voire maurassienne, le discours adémocratique gagne, de nos jours, l’esprit et les consciences d’une immense partie de la classe politique. À droite comme à gauche, ce sont les valeurs et pratiques républicaines, qui, insidieusement, se voient revisitées par la logique adémocratique.
L’adémocrate réduit considérablement le champ de la laïcité
Il en va, par exemple, de la laïcité. L’adémocrate en réduit considérablement le champ. Aux yeux de ce dernier, laïcité rime avec autorité. Elle ne serait qu’un bouclier, purement passif, destiné à briser le glaive des religions. L’adémocrate oublie, dès lors, à quel point la promesse laïque s’imbrique avec celle de la République : Émanciper l’individu. La problématique laïque pose en effet la question du savoir. S’affirmer comme citoyen libre suppose l’accès à un discours «logos» rationnel et universel. Cette démarche conditionne un «arrachement», un dialogue perpétuel, et pacifique, entre sa propre culture et la parole scientifique dépassionnée. En ce sens la loi de 1905 suffit. La laïcité n’est ni « ouverte » ni hypocritement anti-religieuse. Elle reste un outil juste et efficace.
L’idéal républicain et laïque tend vers la Liberté
Nous voulons affirmer par là combien notre République, contrairement à ce que pourrait imaginer l’adémocrate, possède, en soi, les ressources destinées à affronter tous les défis. Nul besoin alors d’en écorner les fondements. Nous devons, par conséquent, ne jamais perdre de vue une chose : L’idéal républicain et laïque tend vers la Liberté. Sans elle, toute lutte s’avère vaine. Militants écologistes, féministes, démocrates et laïques, nous considérons la République comme la solution. L’Histoire l’a toujours prouvé. Les régimes républicains sont les plus solides. Les guerres, d’ailleurs, ne se remportent qu’en compagnie de bataillons de citoyens libres. Osons donc rompre avec le pessimisme et la doxa adémocratique. Faisons le pari laïque de la démocratie. Celui des femmes et des hommes émancipés. Ils seront les fers de lance du combat, français, républicain et universel contre les barbares et les obscurantismes.
Caroline Gora est millitante féministe. Professeure de Lettres à Miramas.
Christophe Madrolle est travailleur social et militant écologiste.
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