Publié le 8 octobre 2020 à 11h29 - Dernière mise à jour le 4 novembre 2022 à 12h47
La France, dit-on, est une contrée complexe. Grand État doté de solides traditions démocratiques, notre Nation demeure parfois farouchement conservatrice. Les paralysies, nombreuses, poussent généralement le pouvoir politique à temporiser. Les changements sont lents, voire imperceptibles. Nous sommes le pays du temps long et, paradoxalement, celui de la révolte. La crise de la Covid-19, bouscule cependant nos façons de faire. Authentique accélération de l’Histoire, nous devons réagir et bouleverser nos certitudes. Les conservatismes doivent céder ! Sous peine d’effondrement.
Un exemple typique de ce « mal français » concerne cette apparente contradiction consistant à fermer les restaurants et laisser grand ouvert les établissements scolaires. Pourquoi en effet, à Marseille et en Guadeloupe, donner l’impression de vouloir « punir » les restaurateurs. Quel sens accorder à des décisions aussi radicales, lorsque, par ailleurs, des professeurs se trouvent « confinés » au cœur de classes minuscules et mal aérées. Selon certains parents d’élèves la situation serait dramatique. Des lycées, véritables clusters cachés, resteraient ouverts avec plus de 50 cas positifs. Ces décisions illisibles trouvent leurs origines dans un « blocage de civilisation ». Nous ne pouvons de la sorte continuer à travailler et enseigner selon des schémas datant du siècle dernier. Le monde du travail et celui de l’éducation, doivent d’urgence affronter l’hydre du conservatisme. La solution est systémique. Changer de paradigme constituera la meilleure forme de protection contre le virus. Un big bang du télé-travail doit ainsi être immédiatement réalisé. Partout où cela est possible, ce dernier devra s’imposer. Son efficacité se situe tant sur le plan économique que sanitaire. Il constitue de plus une aspiration majeure chez nombre de salariés. Là encore, nous invitons managers et cadres dirigeants à faire preuve de responsabilité. Nos informations sont catastrophiques. Des chefs de service, dans le secteur public territorial, sont menacés par leur direction. Leurs « crimes » ? Réclamer du télé-travail en faveur de certains agents. Le constat est alors sans appel : conservatisme, rigueur administrative, autoritarisme et bureaucratisme convergent pour maintenir debout un cadavre très sec: celui du travail issu d’un autre temps. Ouvrons enfin le champs des possibles. Une grande réflexion sur la nature et le sens du « Labeur », doit être organisée.
«Soyons enfin à la hauteur des défis de notre millénaire»
Ne soyons effrayés devant aucune idée. Brisons les tabous : revenu d’existence, portabilité des droits, crédit loyer pour les entreprises, statut solide protégeant les artistes et les créateurs, ces propositions devaient être expérimentées et évaluées à grande échelle. La société civile à nos yeux est un gisement de talents. Son foisonnement demeure vital ! Le même conservatisme écrase aujourd’hui l’enseignement. Un article du Monde tire d’ailleurs la sonnette d’alarme. Un cluster sur trois serait situé à l’école et à l’université. Une nouvelle fois les témoignages font froid dans le dos. Une professeure de Langue, en situation de handicap, se voit interdire des aménagements pédagogiques. Mal entendante, et ne pouvant légitimement enfreindre la distanciation sociale pour écouter les élèves, l’exercice de son travail devient problématique. En dépit de multiples appels, Rectorat et administration restent de marbre. Cette inertie touchant l’enseignement est, pour nous, significative. Elle exprime une crise de la transmission, qui, sans tarder, doit être prise à bras le corps. L’alternative, dans ce cas, ne se situe plus entre la fermeture totale des établissements et le maintien d’une éducation « présentielle ». L’heure est venue de repenser entièrement nos actes pédagogiques. Les propositions sont nombreuses. Nous nous positionnons en faveur d’une pédagogie mixte : petits groupes, alternance, selon certains jours, entre distanciel et présentiel, soutien individualisé, repérage des décrocheurs, pluralisme des supports, enseignement par projet, meilleure utilisation des technologies connectées, ouverture de l’école sur la société civile, l’enseignement doit être à la fois renouvelé et adapté au risque exercé par la Covid-19. Nous sommes d’ailleurs favorable à la constitution de classes pilotes. Ces structures élaboreraient tout un arsenal d’innovations pédagogiques. Elles seraient, après évaluation, le fer de lance d’une éducation enfin adaptée aux contours du XXIe siècle. Le monde de demain sera ainsi prêt à affronter le caractère multiforme du risque : nouvelle organisation du travail, innovation pédagogique, et confiance absolue dans la jeunesse. Les chantiers sont nombreux et exigeants . Soyons enfin à la hauteur des défis de notre millénaire.
Caroline Gora est millitante féministe. Professeure de Lettres à Miramas.
Christophe Madrolle est travailleur social et militant écologiste.