Publié le 2 mai 2023 à 8h42 - Dernière mise à jour le 6 juin 2023 à 12h58
Le coup de com’ est immense. Dans une salle plongée dans le noir, quelques rayons lasers laissent apparaître comme une cathédrale de lumière. Le public hurle. Il distingue alors un animateur, qui, sur scène, tente sans succès de poser sa voix. Le décor, lui, a des faux airs de magie. Guéridons, tablettes et autres écrans géants, donnent, en ce sens, l’illusion de la force. Et pour cause. L’événement est de taille : le magazine « Valeurs actuelles » organise une série de « Grands débats » dont les objectifs sont clairs : agir sur un plan métapolitique, être Gramscien, en somme remporter le combat culturel.
Pour ce faire le média de Droite tente de favoriser des discussions inédites. L’une d’elles vient de défrayer la chronique. Le militant animaliste Hugo Clément s’est, en effet, prêté à l’exercice du débat avec le Président du RN Jordan Bardella. Une rencontre entre deux mondes, qui malgré tout, suscite bien des interrogations.
La première est que le Rassemblement National est un parti sulfureux. Infréquentable, il demeure définitivement hors République. Qu’importe son poids électoral. Toute discussion ne serait que connivence. Certaines voix, pourtant, appellent au panache, l’extrême droite mérite d’être regardée dans les yeux. La règle démocratique, en outre, invite à la confrontation des projets. Dialoguer, parler, démontrer rationnellement le caractère aberrant des propositions du RN, sont des devoirs civiques. Peut-on dès lors continuer à nous voiler la face ? Marine Le pen, est aux portes du pouvoir. La politique de l’autruche mènerait droit au gouffre…
Nous considérons que débattre, non pas « avec » mais « contre » le Rassemblement National, est une nécessité. Les campagnes électorales fixent, à ce titre, un cadre précis et permettent l’expression légitime des idées. Arguments contre arguments, nous devons monter au front et accepter la joute oratoire. Le geste posé par Hugo Clément est cependant d’une nature différente. Son manque de discernement l’a conduit en terre étrangère. C’est bien dans les cadres fixés par l’extrême droite, et quasiment sur son terrain, que le militant animaliste est parti batailler. Loin de convaincre, il, a, malgré lui, renforcer la stratégie métapolitique de son adversaire. Dans cette perspective la question de l’écologie fut prise en otage.
Il semble assez évident que le logiciel du RN soit peu orienté vers la protection de l’environnement. Un coup d’œil sur son programme suffit pour nous l’apprendre : sortie du Green deal européen, moratoire sur le solaire et l’éolien, promotion de la voiture individuelle, contournement des accords de Paris. Cerise sur le mauvais gâteau industriel, le parti de Marine Le Pen écrit sans rire que « l’écologie étouffe la Démocratie » ou encore que les énergies renouvelables sont « irrationnelles ». L’écocide est ici volontaire. Ce qui, paraît-il aurait décidé Hugo Clément à aller « polliniser » le Rassemblement National.
Le résultat fut, en réalité, catastrophique. En guise de verdissement, le RN a pratiqué une sorte de « contre-pollinisation », où l’écologie se trouve dégradée au rang de simple « localisme ». Le mythe maurassien des « patries charnelles » et le fantasme « localiste « de Régions ethniquement cohérentes alimentent, le projet d’une certaine extrême droite. L’objectif est de promouvoir l’enracinement identitaire, et le conservatisme social, puisque, en l’espèce chacun reste à sa place : le producteur local dans sa boutique, le paysan sur la terre de ses ancêtres et l’étranger loin du village. Par ailleurs, les forêts et les eaux, sanctuarisées, feraient office de nouveaux temples, gardiens du sang français.
Ce modèle de société organique où les élites jouiraient sans entraves de privilèges d’Ancien Régime, ne peut être confondu avec l’écologie. Hugo Clément a malheureusement donné le change. Grand perdant du débat, il a fourni l’occasion à Jordan Bardella d’entretenir l’ambiguïté entre localisme et écologie.
Rappelons-le, l’écologie politique pense, avant tout, universel et diversité. Elle estime que les réponses à la crise climatique et à l’effondrement du vivant sont globales. Elle défend, par ailleurs le fait minoritaire. Elle ne peut par conséquent, désirer verdir un parti dont la discrimination reste l’ADN.
A quoi bon, finalement, vouloir porter la bonne parole écologiste au Rassemblement National ? Peut-on imaginer, justement au niveau local, la construction de projets environnementaux communs avec des élus RN ? La réponse est, à nos yeux, négative. Inaugurer des poumons verts et des zones de fraîcheur avec des responsables nationalistes seraient un contresens historique. L’écologie n’est pas soluble dans la discrimination et la division permanente du corps social. Notre programme demeure démocratique et européen. Soyons très clairs: nous ne planterons jamais de fleur avec l’extrême droite.
[(
-Christophe Madrolle est le président de l’Union des centristes & des écologistes (UCE).
-Raphaël Rubio est secrétaire général de l’association Égali-terre)]