Publié le 22 mars 2022 à 17h56 - Dernière mise à jour le 29 novembre 2022 à 12h28
Le récent débat télévisé entre Anne Hidalgo et Christophe Castaner, restera peut-être, comme le symptôme d’une Gauche en perpétuelle recomposition. Le curseur théorique, flottant, permettant de distinguer les positionnements partisans, ne cesse, depuis déjà plusieurs années, de se déplacer.
De nouvelles galaxies, à Gauche, semblent se dessiner, frappant d’obsolescence les anciennes appartenances idéologiques. La première, incarnée par la campagne d’Anne Hidalgo, demeure dans le registre de l’incantation. Cette gauche « historique », entretient la mémoire des belles figures du passé. On se réfère presque existentiellement «aux Grands anciens», tels que Jaurès ou Léon Blum. «Dans sa demeure» de l’Hôtel de ville de Paris cette Gauche «rêve et attend». Idéaliste, elle a manqué le tournant de la mondialisation. La voilà crispée sur son héritage, peu en mesure de trouver les mots justes pour séduire la France périphérique ainsi que les catégories populaires et moyennes saisies par la peur du déclassement.
«La Gauche de l’incantation»
Les solutions avancées sont par ailleurs tributaires d’une vision intéressante, mais datée, de notre monde contemporain. Relance par la consommation et l’impôt, politique naïve de la demande, la Gauche de l’incantation considère que le développement économique est une affaire de volonté. La réalité, malheureusement, est tout autre. Un principe de vérité doit guider l’action publique. Sans ce paramètre, et cette contrainte, il paraît assez difficile de réduire les inégalités ou encore de lutter contre le chômage. Voilà pourquoi «la Gauche de l’incantation» fut aussi celle des désillusions. Rien n’est pire, à nos yeux, que le nihilisme engendré par les espoirs déçus.
Soyons cependant très clair, nous possédons des tempéraments, des traits psychologiques et des sensibilités similaires à cette Gauche là. Nous croyons aux vertus de la justice et de la démocratie. Nous privilégions l’option préférentielle pour les plus faibles.
Nous portons simplement une différence de méthode. Responsable et rigoureux nous souhaitons la confrontation avec le réel. Nous avons conscience des changements profonds engendrés par la mondialisation, le bouleversement climatique, l’instabilité internationale et l’émergence de la société civile sur la scène publique. Risques multiples, soif d’engagement, défi écologique, urgence d’une Europe puissance, nous voulons saisir à bras le corps l’ensemble des problématiques traversant notre époque!
«La Gauche de la fracture»
Notre vision du monde, fermement laïque et républicaine, se distingue nettement de ce que nous appelons. De Yannick Jadot à Sandrine Rousseau, un simple constat émerge. Le «vivre ensemble» partout, s’effrite et se fend. Profitant des tensions, «la Gauche de la fracture», tente de capitaliser électoralement sur toutes les divisions. C’est ainsi que nous pouvons interpréter les propositions et petites phrases des responsables d’EELV.
Lorsque Yannick Jadot évoque le raccourcissement des vacances scolaires, il s’appuie sur une analyse lucide de l’état des relations entre citoyens et institutions publiques. La critique, en creux, des «privilèges» du professorat est censée séduire une partie de la population. Celle, en particulier, dont la perte de confiance dans les institutions républicaines est la plus notable. Nous assistons, en effet, a une dilution des rapports entre usagers et services publics. «L’action» et «la parole» de ces structures semblent, chaque jour, perdre de leurs pertinences. «La Gauche de la fracture» joue alors avec les méfiances et les incompréhensions. Elle espère par là consolider un socle électoral néo-populiste.
Cette stratégie est, bien évidemment, éloignée de nos préoccupations. Nous désirons pour notre part délivrer du sens à l’action publique. Notre Gauche réaliste affermit l’autorité de l’état, répare les fractures, rassure les usagers et prend soin des plus fragiles. Elle considère que l’unité de la nation est le bien le plus précieux.
«La Gauche autoritaire»
La troisième gauche, quand à elle, est de nature « autoritaire ». Dirigiste économiquement, elle réhabilite les valeurs jacobines et centralisatrices. Il s’agit d’une Gauche prenant acte de l’immense colère traversant la société française. Plébéienne, elle fait le choix d’incarner cette agressivité latente. La «Gauche autoritaire» donne à la violence une dimension quasi salutaire. De tradition marxiste, elle considère que la violence est susceptible de vaincre les oppositions, de forcer le sens de l’Histoire, ou encore de dévoiler la réalité des rapports sociaux. Jean-Luc Mélenchon incarne, avec un talent non négligeable, cette tradition héritée de la Révolution Française.
Notre Gauche ne peut néanmoins se satisfaire d’une telle valorisation de l’agressivité. Nous misons sur le dialogue, la bienveillance et l’apaisement. La démocratie, elle même, substitue à la violence la construction partagée d’un espace politique où la parole, plus que la colère, devient structurante. Nous croyons aux débats et à la Liberté des idées. Notre idéal démocratique est en ce sens non négociable.
«La Gauche des réalités»
Voilà pourquoi, nous affirmons être porteur d’une quatrième Gauche, celle des «réalités». Christophe Castaner a pu, lors de sa discussion avec Anne Hidalgo, en dresser les traits essentiels. «La Gauche des réalités» refuse l’incantation, les fractures et l’autoritarisme. Elle s’avère Laïque, Républicaine, sociale-démocrate et assume un projet d’écologie responsable. Elle place, en outre, sa confiance dans l’activité pratique de la société civile, mise sur l’intelligence collective, se veut féministe et entrepreneuriale.
Notre gauche réconcilie la Nation, accorde toute sa place à la jeunesse et dialogue avec la société entière. Nous voulons une gauche ouverte, innovante, capable de travailler avec les humanistes de tous bords. Notre Gauche enfin , est celle qui crée du «commun» pour assurer la dignité de tous. En somme, une Gauche dynamique et bientôt prête à gouverner.
[(Christophe Madrolle est Président de l’Union des Centristes et des Écologistes (UCE) et conseiller régional Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Raphaël Rubio est Diplômé de Science politique (Science po Toulouse) et d’Histoire des idées politiques. Professeur de Philosophie. Écrivain. Journaliste chroniqueur indépendant.)]