Publié le 13 février 2020 à 10h07 - Dernière mise à jour le 4 novembre 2022 à 12h47
Daniel Boccardi a été le fondateur et le dirigeant pendant 14 ans de Créa-Sol, un institut de microfinance dont le siège est à Marseille, lancé pour soutenir ceux qui n’arrivent pas à obtenir un prêt bancaire classique. Ces dernières années, l’institut a permis de financer 3 000 micro-entreprises pour créer 4 500 emplois.
Pour avoir une chance de réussir sur le long terme, notre système économique ne pourra s’exonérer plus longtemps de la mise en œuvre d’une véritable économie de proximité, au plus près de la population. Or, s’il est des zones qui en sont aujourd’hui totalement exclues, ce sont bien nos cités de quartier, totalement délaissées et livrées à elles-mêmes, concentrant les familles les plus défavorisées et en grande précarité financière. Indépendamment des difficultés de transports qui les confinent souvent aux pieds de leurs immeubles, aucune vision économique ne leur permet d’espérer une amélioration de leur situation financière, ni pour eux ni pour leurs enfants, et qui les résigne peu à peu dans cet état de fait.
Le système économique français est aujourd’hui basé sur la réussite individuelle, réservée à ceux qui ont accès à l’éducation, à la formation, à la socialisation, mais laisse sur le bord du chemin ceux qui en sont exclus. Pourtant, il est impératif de se donner les moyens de rapprocher ces deux mondes, au risque de voir se creuser un écart qui sera bientôt irréversible et dont l’absence de perspective peut s’avérer très dangereuse pour l’avenir de notre société. Loin de dénoncer la réussite des uns, nécessaire au dynamisme économique de notre pays, il est indispensable qu’elle soit un minimum organisée pour permettre aux autres de rebondir. La réussite individuelle n’a de sens que si, dans une certaine mesure, elle est partagée. Les citoyens prennent peu à peu conscience de l’obligation de mieux répartir les richesses et de l’obligation morale des grands groupes financiers – et notamment de ceux du CAC40 – de s’impliquer dans une vision plus solidaire de l’économie. D’ailleurs, les clients de base n’hésitent plus à considérer comme élément de différenciation les entreprises capables de prendre en compte, dans leur activité, les enjeux sociétaux et environnementaux.
Il nous faut accélérer sans plus tarder ce processus de justice sociale et l’organiser localement de façon concrète et pragmatique. Ce sera une des responsabilités qu’auront à assumer les maires de chaque commune. Un plan de revitalisation économique de chaque cité devra être mis en place auquel devront être associées les collectivités territoriales (la Région, la Métropole, le Département) mais aussi les entreprises, les banques, les associations, et surtout … les citoyens eux-mêmes.
Parmi les pistes possibles, une, pragmatique, consiste à créer de l‘activité directement dans les cités, celles en priorité qui sont le plus défavorisées, en encourageant la création de commerces ou d’activités de proximité gérées par des créateurs d’entreprises issus de ces mêmes cités. Des activités composées essentiellement de salariés qui en sont également issus. En ce sens le statut de micro-entrepreneur peut faciliter bien des choses. Les aides à la création d’entreprises, l’accès au microcrédit, les dispositifs d’accompagnement des porteurs de projets sont autant d’outils efficaces, qui ont le mérite d’exister mais dont ces populations sont à ce jour trop éloignées. On pourrait ainsi imaginer réquisitionner des locaux commerciaux inutilisés dans chaque cité et les mettre à disposition d’un créateur d’entreprise, artisan, épicier, boulanger, dépanneur informatique, structure d’aide à la personne, etc. Le rôle des collectivités territoriales serait alors de prendre en charge pendant les deux, trois premières années, tout ou partie du loyer, de participer aux frais d’installation ou d’investissement, à charge au créateur d’être financièrement autonome après une période contractuellement déterminée.
Les entreprises, les banques, les grands groupes, dans le cadre de leur politique de RSE (Responsabilité Sociale et Environnementale) doivent jouer le jeu, en apportant leur contribution financière ou commerciale dans le cadre d’un mécénat financier voire d’un mécénat de compétence. Il faut rappeler que le microcrédit ne peut pas être rentabilisé et équilibré sans mécènes, prenant en charge une partie des coûts de fonctionnement des structures spécialisées, et ce dans le cadre de leur politique sociale. Ils y sont tenus aujourd’hui. Les fonds versés permettent de prendre en charge les frais de gestion des ces structures qui peuvent alors emprunter sur le marché pour prêter au taux le plus bas possible, entre 4 à 5 %, et la différence permet de couvrir le risque. Accompagner les porteurs de projets, les aider à créer leur propre activité, est non seulement un facteur de développement économique et de lutte contre le chômage mais c’est aussi un facteur de cohésion sociale qui permettra à chacun de s’épanouir et qui, au-delà des différences multiculturelles, favorisera le bien vivre-ensemble. C’est un challenge collectif qu’il nous faut relever pour revitaliser enfin des zones ou tout espoir semblait perdu.