Publié le 23 février 2021 à 7h30 - Dernière mise à jour le 9 décembre 2022 à 14h18
Notre territoire d’Aix-Marseille-Provence détient une légitimité géographique et historique dans ses liens avec la Méditerranée et l’Afrique. L’ambition de faire d’Aix-Marseille-Provence une «capitale» de l’Euro-Méditerranée a ainsi été presque «naturellement» choisie comme un des trois axes stratégiques de l’agenda du développement économique, adopté en 2017, quand la Métropole a été créée. Il y a une réelle volonté que notre territoire soit le territoire référent à partir duquel se déploie la politique «Afrique» de la France.
Si cette ambition repose sur des éléments tangibles, travaillés et reconnus par tous (une identité humaine, des liens diversifiés avec la Méditerranée), notre territoire est encore très dispersé sur le sujet et n’a jamais réussi, malgré des tentatives sans suite comme la Semaine économique de la Méditerranée, à organiser une approche collective structurée et construire une offre de service afin de bénéficier pleinement de ce positionnement qui nous différencie dans la compétition internationale.
Une feuille de route ambitieuse
La Métropole vient de conduire une étude sur le sujet. Grâce à des entretiens auprès de plus de 60 acteurs très différents – acteurs économiques, institutions, acteurs de la formation, de l’innovation, de la coopération et même de la culture -, nous avons voulu réaliser un argumentaire revu, concret et partagé de ce positionnement envers l’Afrique, et proposer une feuille de route dédiée à cette ambition.
Nous avons choisi d’élargir le périmètre de la Méditerranée à l’Afrique. Le dynamisme économique (+ 5% de croissance en moyenne depuis 2014 jusqu’à la crise sanitaire) de l’Afrique est en effet une véritable opportunité pour notre territoire. De nombreux acteurs métropolitains sont déjà actifs en Afrique sub-saharienne, et il y a un continuum entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne avec certains pays nord-africains comme le Maroc qui ont développé des liens très structurants avec leurs voisins du Sud. Les résultats de cette étude confirment, s’il le fallait encore, que notre territoire, doté du 1er port français et du 1er hub aérien régional vers l’Afrique, du 1er hub numérique vers l’Afrique en Europe, est au centre de réseaux, de partenariats et de nombreuses connections avec l’Afrique.
Nous bénéficions de leaders économiques engagés sur le terrain africain, issus aussi bien de grands comptes comme CMA CGM, la Compagnie fruitière, Veolia… que de PME du réseau Africalink (fort de ses 165 entreprises membres) initié par la CCI Aix-Marseille-Provence avec le soutien de la Métropole.
Des acteurs installés sur l’ensemble du territoire
Nous accueillons depuis 4 ans le premier événement start-up Afrique de France, avec Emerging Valley. 250 start-up et PME africaines candidatent chaque année à des appels à projets du territoire, et des acteurs majeurs comme l’AMU, première université francophone, et l’IRD, établissement national ayant son siège à Marseille, sont très engagés dans les partenariats de recherche, d’innovation et de formation en Afrique. De nombreux acteurs installés sur le territoire métropolitain proposent également des actions de coopérations et d’assistance technique à valeur ajoutée (Campus du Développement de l’AFD, ANIMA, AVITEM…). Au total, plus de 5 000 talents africains (étudiants, entrepreneurs, cadres…) sont accompagnés chaque année sur notre territoire.
Les entretiens réalisés ont montré également que l’Afrique n’est pas un sujet seulement pour l’export ou pour la prospection d’investisseurs (même si notre territoire recueille près de 20% des investissements en France en provenance d’Afrique. En comparaison d’autres destinations, les investissements africains sont en volume faibles).
L’Afrique est un sujet plus global pour le territoire qui concerne à la fois quelques atouts spécifiques du territoire (sur des filières cibles, comme les industrielles culturelles et créatives, identifiées grâce à ce travail) et des enjeux partagés avec l’Afrique que sont la jeunesse, l’innovation ou la formation. Surtout, les acteurs rencontrés, si différents soient-ils, ont tous fait part de leur envie de travailler encore plus avec l’Afrique et de travailler ensemble dans une démarche globale. Car notre territoire comprend en effet sans doute mieux que d’autres ce qu’est véritablement l’Afrique et l’Afrique reconnaît également notre territoire. Il suffit de voir les millions de fans de l’Olympique de Marseille en Afrique !
Et pourtant si Aix-Marseille-Provence est légitime pour devenir ce référent, pour devenir ce Hub entre l’Europe et l’Afrique, l’étude a montré aussi que d’autres territoires français ont pu se montrer plus actifs et mieux organisés pour occuper le terrain sur ce positionnement. Ne faut-il pas, par exemple, s’interroger pourquoi l’État n’a pas choisi Marseille pour accueillir le Sommet Afrique-France ?
Attirer et valoriser les talents qui travaillent avec l’Afrique
Voilà pourquoi nous voulons aller plus loin et plus haut : nous devons déployer ces liens privilégiés pour inciter les entreprises africaines en plein développement à venir chez nous, les entreprises locales à échanger avec l’Afrique, et les entreprises étrangères qui veulent travailler avec l’Afrique à le faire depuis notre territoire. Nous devons attirer et valoriser tous les talents qui travaillent avec l’Afrique.
Voilà pourquoi, sous l’impulsion de la Présidente Martine Vassal, nous avons voulu cette démarche auprès de tous ces acteurs pour voir comment nous pouvons jouer collectif, comment nous pouvons parler la même langue.
Voilà pourquoi nous proposons aux acteurs du territoire à s’engager tous ensemble dans une démarche Provence Africa Connect, pour mettre en synergie les acteurs et les services existants, aider tous les porteurs de projets liés à l’Afrique (start-up, entreprises, associations) à identifier des opportunités, monter des alliances avec l’Afrique, répondre à des appels d’offre, des marchés, des projets ; aider aux financements, optimiser la participation à des événements structurants en lien avec l’Afrique comme le Forum Mondial de l’Eau à Dakar, en mars 2022, faire réussir des projets structurants comme Afric’Agora, le lieu totem proposé par la CCIAMP et augmenter l’attractivité du territoire à l’international et sa lisibilité dans son positionnement vers l’Afrique.
C’est une démarche au long cours nécessitant une bonne coordination des acteurs et des différentes dimensions (financement, business, innovation, formation, coopération, culture) qui font la relation avec l’Afrique. C’est un sujet qui mérite une union sacrée du territoire !
C’est une démarche qui a du sens pour notre territoire, encore plus après la crise Covid 19, qui nous a démontré combien notre dépendance vis-à-vis d’une production trop éloignée est une menace et qui offre de nouvelles opportunités, partagées avec l’Afrique, sur la transition écologique ou la résilience.
C’est une démarche qui sera source de richesse partagée, d’emplois et d’innovations.
[(Didier Parakian est vice-président de la Métropole délégué aux Fonds européens, relations avec les Institutions européennes, relations internationales.)]