Publié le 22 novembre 2019 à 9h26 - Dernière mise à jour le 4 novembre 2022 à 12h47
Marseille se recueille un an après la tragédie de la rue d’Aubagne. Un drame qui nous oblige, tous. Et le travail que cela réclame en matière d’architecture et d’urbanisme est énorme. Il est une autre action qui s’impose, l’inclusion. Or, en ce domaine il est des choses qui évoluent à Marseille. C’est fragile encore mais cela existe. Une dynamique voit le jour avec, déjà, des résultats significatifs mais que l’on ne peut malheureusement pas encore mesurer, faute de la mise en place d’outils.
Tandem -Le Hub du Mentorat a été lancé en 2018. Il s’agit de la concrétisation d’une démarche initiée par la mission « Emploi » de la CCI Marseille Provence avec le soutien du Conseil Départemental des Bouches-du-Rhône, la Métropole Aix-Marseille-Provence, et l’engagement des acteurs de l’emploi. Une ambition collective qui consiste à agir en faveur de l’emploi et l’entrepreneuriat en expérimentant des solutions alternatives dans une dynamique collaborative en s’appuyant sur ce qui existe déjà. Ni coaching ni tutorat, la relation mentorale est une relation égalitaire, sans hiérarchie, basée sur le désintéressement financier. Le mentoré peut attendre de cette relation une zone bienveillante d’échanges et de confrontations d’idées, une aide à la décision, une relation de confiance. Et cela marche. A tel point que cette démarche se renforce. Et que de nouveaux dispositifs d’inclusion se mettent en place. Ainsi, le 16 septembre dernier dans la salle des séances de la CCI a été signé une Charte tripartite entre l’État, via la Préfecture, la CCI et un chef d’entreprise leader. Elle concerne le dispositif 10 000 entreprises initié par Emmanuel Macron en 2018. Il avait alors réuni 100 grandes entreprises à Paris en leur demandant d’être exemplaires en matière d’inclusion. Ce dispositif a été repris au niveau local. La Direccte (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, du travail et de l’emploi) au vu des résultats du Hub du Mentorat, a décidé de donner à la CCI la compétence opérationnelle et nous travaillons depuis quelques semaines dans une logique participative avec l’ensemble des opérateurs de l’inclusion- santé, logement, emploi, formation, handicap- en direction de tous ces exclus qui constituent une partie significative de notre population. La logique d’exclusion à cause de la «mauvaise» adresse, du nom qui ne conviendrait pas…, du manque de transport… Il faut en finir avec cela, il n’y a pas de bonnes raisons qui conduisent à l’exclusion. Et, une nouvelle fois, on mesure à quel point le monde économique est le terreau à partir duquel tout est possible. Il permet de bondir ou de rebondir. Et il n’est plus question d’imaginer être un chef d’entreprise pertinent en étant imperméable à son environnement car, le développement de l’entreprise se construit en lien avec le territoire. Les mentalités changent. On ne peut espérer embaucher des talents et les conserver si on ne produit pas aussi du sens, une histoire qui pourra être construite et partagée avec les collaborateurs le personnel. Il est temps de mesurer que le triptyque empathie, bienveillance et entraide contribue au succès de l’entreprise. Et ils sont nombreux à l’avoir compris. Ainsi, si l’objectif est de regrouper 400 entreprises en 3 ans, j’espère que nous irons bien au-delà. La vraie difficulté à laquelle nous sommes confrontés c’est l’éloignement des mondes, un repli sur soi. Toute une série de fractures ont rendu le dialogue et la compréhension de l’Autre de plus en plus complexes. C’est là où le succès de ce dispositif est un devoir tant l’insertion et l’évolution passent par le travail. «Les Chômeurs de Marienthal» ouvrage de Paul Lazarsfeld, Marie Jahoda et Hans Zeisel paru en 1933 démontre que l’absence de travail génère l’absence de lien social, le repli, la perte de notion du temps, le dégoût de soi. Il ne reste, trop souvent, que la peur de l’Autre qui peut conduire à la haine. J’ai rencontré récemment des jeunes dans une cité, tous motivés pour s’en sortir. Mais les blessures sont telles que, chez nombre d’entre eux, on sentait une difficulté à sortir de la cité, comme une peur du vide. Une jeunesse riche en potentiel que l’on a rendu honteuse et pour qui sortir de la cité est synonyme de fatalité de l’échec. Et cela alors même qu’ils ont une éducation familiale, des diplômes. On est dans la phobie. Tout un travail de maillage s’impose, l’entreprise doit aller dans les cités, tendre la main, elle trouvera des blessures pouvant cacher des pépites. Il faut aussi travailler dès l’enfance, favoriser le rapprochement entre enfants des quartiers Nord et Sud, faire venir les entreprises à l’école, expliquer les métiers aux enfants.
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