Publié le 27 mars 2021 à 9h05 - Dernière mise à jour le 9 décembre 2022 à 14h18
La question de l’habitat est centrale à Marseille. Elle a même, avec le drame de la rue d’Aubagne une portée tragique. Mais il importe de mesurer que les difficultés liées à la rénovation et l’attractivité des centres villes anciens est un phénomène européen pour sa partie «usure naturelle du bâti», mais pas nécessairement dans son approche politique comme économique.
Marseille peut devenir un laboratoire en matière de réhabilitation, de rénovation et, dans le même temps, de construction de la ville méditerranéenne, résiliente, durable. Le champ des possibles est devant nous. Ainsi, en août 2019, dans une précédente tribune j’écrivais notamment: «Noailles est un étendard qui doit enfin être revendiqué. Marseille se revendique ville monde, Noailles est un lieu qui va au-delà des mots et de maux, c’est un lieu monde». Clairement, avec passion et fierté, Marseille doit enfin assumer son statut de « grand bazar », et peut être même accepter d’être désirée…
Peu d’avancées depuis le drame de la rue d’Aubagne
Mais avant tout, un constat s’impose : peu d’avancées depuis le drame de la rue d’Aubagne, le 5 novembre 2018, qui a coûté la vie à 8 personnes. Les arrêtés de mise en péril sont nombreux mais il n’existe pas de dispositifs privés permettant la prise en main à l’échelle d’un îlot, par exemple. Et le mitage des immeubles rend difficile la mise en œuvre de cette rénovation par des professionnels. La collectivité peut se doter d’outil tel que la Spla-In (Société publique locale d’aménagement d’Intérêt national) mais dont la vocation est la production de logements sociaux appuyée en cela par les Établissements publics fonciers (EPF). Or il est indubitable qu’une dégradation de l’habitat se poursuit. Une spirale descendante qui entraîne avec elle la paupérisation du tissu économique, la vacance des commerces, notamment ceux de proximité, et l’abandon progressif de l’entretien des bâtiments.
Heureusement la jeune génération est là, urbaine et engagée
La tâche est immense, le politique n’a pas été à la hauteur. Et le politique, en démocratie, c’est en premier lieu, nous, citoyens, électeurs. Mais heureusement la jeune génération est là, urbaine et engagée. Elle souhaite majoritairement habiter en centre-ville, à condition que les sujets de pollution, de végétalisation, d’agriculture urbaine, de sécurité, de loisirs, de mobilités… soient résolus. Et il ne peut plus être question de « boboïsation », de remplacer les populations, il s’agit de monter en gamme avec elle.
Il est plus que temps de créer un outil agile et prospectif
A partir de ce constat je pense qu’il est plus que temps de créer un Think & Do tank, un outil agile et prospectif pour permettre aux professionnels privés soucieux de l’attractivité de leur territoire, de développer une réflexion sur le sujet, pour comprendre ou définir la bonne échelle d’intervention et enfin d’agir concrètement, en développant des opportunités en collaboration avec la collectivité. C’est aussi une invitation à s’immiscer dans les sujets d’espaces publics – toujours en jonction avec l’espace privé – et à faire preuve d’ambition mais aussi de pugnacité pour l’amélioration de la qualité de l’espace public, élément indispensable à l’apaisement de la cité, à son attractivité, sa créativité. Et l’on sait bien à quel point les classes créatives sont les graines du renouveau.
Il importe aussi de repérer les leviers juridiques pour agir, de benchmarker des véhicules financiers inédits, et même de proposer aux citoyens de participer à l’amélioration de leur quartier, de leur ville. Un travail qui doit commencer par les immeubles en arrêtés de péril, leur devenir immédiat, leur situation au regard de leur emplacement dans la ville, et se poursuivre avec la réflexion, l’adjonction du patrimoine des institutions. Il s’agit également de proposer à la collectivité (ville, métropole) d’imaginer un véhicule commun ad hoc.
Permettre à ce territoire de devenir un laboratoire européen de la rénovation
Créons des opportunités de business vertueux intégrant des citoyens engagés. Voyons grand et démarrons petit pour permettre à ce territoire de devenir un véritable laboratoire expérimental européen de la rénovation, revitalisation, attractivité des centres anciens. Et se dire que l’on n’a rien à perdre à essayer, si ce n’est le temps et l’énergie que certains professionnels engagés sont prêts à offrir pour ensemble ; réfléchir, échanger, devenir plus intelligent, forts de nos expertises, sur ce centre-ville et sa population.
Je précise enfin que cette initiative n’a pas pour but d’être contre quiconque mais d’être avec tous. Des collectifs, des groupes, travaillent sur la ville, et produisent déjà du contenu exceptionnel. L’idée serait plutôt d’encourager les professionnels de l’industrie immobilière, les spécialistes de l’urbain, les «activistes» de la ville de demain, à apporter leur pierre à l’édifice sur la question du centre-ville, en travaillant en mode collaboratif et transverse !
Fabrice Alimi est le Président de la Fédération Française des Clubs Immobiliers
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