Adoptée le 13 décembre 2000 sous le gouvernement Jospin, la loi relative à la Solidarité et au Renouvellement Urbain (SRU) se voulait un juste rééquilibrage social dans nos territoires et répondre à la pénurie de logements sociaux. Elle impose à toutes les communes de plus de 3 500 habitants de diversifier leur offre résidentielle à hauteur de 25% au nom de la mixité sociale, sous peine de sanction financière. Quoi de plus normal, serait-on tenté de réagir. Sauf qu’à y regarder de plus près rien n’est simple.
Si la loi SRU est née du bon sentiment de loger les gens, son article 55 fixant le taux de logements sociaux à 25% dans ces communes s’avère aujourd’hui souvent inapplicable, faute de foncier disponible pour cause de cours d’eau, de massifs forestiers ou autres risques naturels. Si quelques maires irréductibles (généralement de droite) refusent, comme un choix politique, la construction d’HLM sur leur commune, il n’en est rien pour la quasi totalité des édiles concernés. C’est le sens de la lettre au nouveau ministre du Logement, Guillaume Kasbarian, que viennent d’adresser, conjointement, les maires des 40 communes des Bouches-du-Rhône déclarées en
« carence » faute d’avoir produit suffisamment de logements sociaux.
Car ce qui est possible ou réaliste dans certaines communes, se révèle impossible ailleurs. A l’exemple de la commune de Cuges-les-Pins dont 80% du territoire sont en zone boisée non constructible, 10% en zone agricole protégée et encore 10% constructibles mais avec des contraintes pour risque de ruissellement. Comment, dans ces conditions, construire les 360 logements sociaux imposés par le quota de 25%. Depuis son élection comme maire (SE) en 2014, Bernard Destrost a fait passer le nombre de logements sociaux de 4,27% à 10,81% mais comment aller au-delà quand le foncier manque ?… Pour autant, le préfet vient encore de sanctionner la commune : une nouvelle amende cette année de quelque 170 000 euros pour « carence » ! Cette application aveugle et autoritaire de l’article 55 de la loi SRU asphyxie injustement le budget communal, déjà très tendu depuis la suppression de la taxe d’habitation.
Cette injustice territoriale est dénoncée partout en France par les maires, de toutes tendances politiques, des petites et moyennes communes confrontés à ce même dilemme : 659 communes « carencées » sur les 1 031 concernées par la loi SRU. L’application systématique de sanctions institutionnelles, juridiques et pécuniaires croissantes ne résout pas le grave problème de logements en France. Pire, certains y voient un injuste transfert de responsabilité des gouvernements sur les maires…
Le Premier ministre, Gabriel Attal a souhaité intégrer le logement intermédiaire dans les objectifs de logements sociaux de la loi SRU. Mais cette possibilité ne résoudrait pas l’équation quand le foncier manque en raison, notamment, des différents risques naturels majeurs et des contraintes toujours plus nombreuses (risque d’inondation, d’incendie, principe de zéro artification nette des sols, etc). Appliquer uniformément la loi de façon aveugle et sans prendre en compte les efforts des communes ni la réalité du terrain fragilisent injustement les
communes « carencées » qui n’ont d’autre alternative, face aux amendes annuelles, que d’augmenter les impôts locaux, de réduire leurs investissements et leurs offres de services… sans pour autant pouvoir construire des logements.
Il est grand temps de repenser cette loi SRU afin de tenir compte des réalités territoriales et des différentes normes techniques et juridiques imposées par l’État. Sauf à persévérer dans cette déconnexion totale du réel sur fond de démagogie.
Jean-Louis Lecroisey est conseiller municipal délégué (Horizons) à Cuges-les-Pins (13)