Publié le 16 avril 2021 à 12h58 - Dernière mise à jour le 4 novembre 2022 à 12h47
En vue du Conseil de la Métropole présidé par Martine Vassal, le groupe LR proposait une motion intitulée «Appel à l’expression d’une politique culturelle de l’enracinement et de l’amour de la France». Devant la pression montante, la droite décida la veille du Conseil métropolitain de retirer cette motion, véritable diatribe aux relents racistes, xénophobes et néocolonialistes qui enfreint les lois contre le racisme et les discours de haine.
Un tissu d’âneries délirantes sur la «déconstruction culturelle», «les indigénistes», «les décoloniaux» et «islamogauchistes» mettant en cause les recherches historiques et scientifiques sur les sciences humaines, autant d’inepties d’autant plus graves, lorsqu’elles visent à définir le sens d’une politique culturelle. Les actrices et acteurs culturels pourront juger la conception qu’a la droite de la culture.
Pour autant loin d’être le seul fruit d’un délire idéologique, cette motion infâme cherchait à opposer la Métropole à sa ville phare, Marseille. Après avoir perdu la mairie, la droite s’époumone à la tête de la Métropole, à renforcer la promotion par tous les moyens de sa conception néfaste de la société, rejoignant les précédentes motions présentées lors des dernières séances de cette assemblée. Soutien inconditionnel à une conception sécuritaire de la police et charge raciste contre l’accueil des réfugiés, sauvés de la noyade en Mer Méditerranée. Cette motion devait ainsi compléter un triptyque idéologique qui rappelle les heures noires de la Collaboration : de la police vichyste qui arrêtait et parquait les étrangers, des réfugiés juifs que l’on marquait d’une étoile pour les déporter, de la culture dite « dégénérée » dont on détruisait les œuvres par le feu.
Promotion d’une culture rance, rétrécie, d’exclusion, totalitaire dans sa prétention à arbitrer entre le beau et le laid, le vrai et le faux, ce texte est une déclaration d’amour à l’extrême droite. Pire : elle est tout simplement, comme le dirait Darmanin, plus radicale qu’une déclaration d’extrême-droite. C’est un véritable « torchecul », en référence à Rabelais, aux antipodes des préoccupations des actrices et acteurs culturels, en grande souffrance, sans perspectives, souvent dans la précarité la plus extrême, comme le sont les étudiantes et étudiants des écoles d’art, les artistes plasticiens sans statut et les travailleurs intermittents du spectacle et de l’événementiel.
Osez parler d’enracinement de la France avec des propos aussi éloignés de la réalité de l’histoire de notre pays, de notre Région et de notre cité, Marseille, témoigne de la volonté d’imposer une doctrine en se réfugiant derrière une identité soi-disant provençale caricaturée et bafouée, niant sa portée universaliste, humaniste et émancipatrice. Tout cela pour promouvoir le «Rocher Mistral» à la Barben, parc d’attractions ruineux, écocide et déjà obsolète.
Notre histoire, notre mémoire, notre Nation, c’est celle de la Révolution et de la Résistance. Notre Provence c’est celle de René Char les armes à la main luttant à Ceyreste contre l’armée d’occupation, et la police de la collaboration. Celui qui chante la brûlure du soleil, les sorgues et les oliviers, mais qui sait que Marseille et la Provence appartiennent à celui qui vient du large.
Nous aurions pu attendre que la droite à la Métropole se hisse au moins au niveau de la Région pour témoigner de compassion à défaut de soutien financier au monde de la culture. Même pas ! Cette radicalisation témoigne que cette droite ne supporte pas la remise en cause des dominations de classes, de genre, de «race» et «d’ethnie».
Ne lui en déplaise, aujourd’hui les femmes se lèvent pour affirmer avec force que le harcèlement, le viol et les violences, la domination qu’elles subissent au quotidien, elles n’en veulent plus. Oui aujourd’hui les LGBTQI affirment leur liberté individuelle, qui passe par un accès au droit de se marier, de fonder des familles, d’être nommés comme ils le veulent, de ne plus être discriminés. Oui le masculin ne l’emporte plus sur le féminin, le colonisateur ne l’emporte plus sur le colonisé, le maître sur l’esclave, le violeur sur le violé, l’hétérosexuel sur l’homosexuel.
Oui il s’agit là de progrès historiques, oui l’ordre du monde change, enfin, et la langue avec lui, et la culture devant lui, toujours. Cette droite, au sens propre, réactionnaire, arcboutée contre le sens de l’histoire, dans la même Réaction qui a tenté d’abolir la République que le peuple avait conquise de haute lutte.
Au nom de l’histoire, elle pratique l’amnésie. Elle utilise des slogans inventés par les milieux politiques et idéologiques de la droite extrême et de l’extrême droite destinés à délégitimer et à intimer l’ordre de se taire à toutes celles et tous ceux qui refusent l’hystérie sécuritaire et les violences policières, la haine et les discriminations racistes et xénophobes, les atteintes aux libertés et à l’État de droit. Calquer son discours sur celui l’extrême droite pour séduire son électorat, n’a qu’une conséquence : achever de lui ouvrir une voie royale sur le plan politique.
À l’opposé, nous, élus de gauche, écologistes, citoyennes et citoyens, nous portons à travers le Manifeste pour «un état d’urgence culturel» – qui a reçu plusieurs milliers de signatures – une autre conception de la culture, une conception émancipatrice qui donne le sens du rassemblement nécessaire pour changer la vie, pour donner un nouveau souffle à l’imaginaire, à la création artistique et à l’éducation populaire, à la démocratie. L’art c’est le refus des dominations et des inégalités. La culture, c’est la liberté.
Jean-Marc Coppola est adjoint à la culture à la mairie de Marseille