Publié le 17 juin 2020 à 10h39 - Dernière mise à jour le 4 novembre 2022 à 12h47
Durant le confinement, nous sommes restés auprès de nos clients en leur proposant notamment d’échanger autour d’un CaféVisio. De ces moments, partagés autant avec de grandes entreprises internationales que de PME familiales ou encore avec des scale-up, j’ai vu émerger des points de convergence, que j’ai appelés les 3 leçons managériales du pendant.
La crise, agitatrice des relations
A l’image du couple confiné, la crise a été un accélérateur ou un révélateur des relations entre le dirigeant et son ou ses collaborateurs. Comme si en situation exceptionnel, le regard changeait sur le potentiel de son équipe, dans le sens où le dirigeant a beaucoup appris sur ses collaborateurs et a vu des interrogations devenir convictions. Il y a eu deux effets : la bonne surprise et la grande déception. Pour certains, c’était latent. C’est le cas de Christophe, CEO d’une start-up qui voit (enfin) son carnet de commande exploser au moment où son usine doit fermer pour 15 jours. Depuis quelques mois il s’interrogeait sur un des piliers de l’entreprise, «techniquement je n’ai rien à redire, mais c’est la personnalité. Je n’ai jamais eu autant besoin d’agilité, et il est de plus en plus réfractaire au changement ». Dès les premiers jours du confinement, le doute fait place à l’évidence, audace et engagement manquent à l’appel, Christophe lance le process de rupture conventionnelle et le recrutement pour le remplacer. Et puis il y a l’effet révélateur de pépite : «Quand je réalise que j’ai recruté cette collaboratrice il y a 20 mois, et qu’il a fallu cette crise pour que je comprenne que je la sous-exploitais totalement !». Oui, Ava s’est montrée redoutable, elle a montré des compétences clés, la bonne posture et l’ambition pour accélérer et réussir l’accès aux places de marchés. Malgré les points de vente fermés, le chiffre d’affaires a connu un bon de 150% en 2 mois par rapport à l’année précédente. Il y a aussi Gilles, PDG d’une entreprise de 400 personnes présente sur 4 continents qui a vu un de ses jeunes cadres prendre son envol : «En 15 jours il a solutionné un nombre conséquent de problématiques en faisant preuve de souplesse, de créativité et de pragmatisme. Finalement tout ce que j’aime et que je n’avais jamais formulé dans mes recrutements». C’était vrai hier, ce le sera encore plus demain : recruter les meilleurs pour son entreprise passe par le parfait match au niveau de vos valeurs. Les dirigeants qui réussissent à définir les valeurs de l’entreprise, celles qui reflètent leur raison d’être, leur personnalité et qui guident l’ensemble des équipes, parviennent à recruter les éléments qui réussissent ! Les consultants en recrutement sont outillés pour évaluer les personnalités compatibles avec la culture de l’entreprise.
La posture et la communication du dirigeant revues et corrigées
J’ai entendu: «Je suis passé de directeur général à capitaine d’équipage», «depuis le début de cette crise j’ai tellement changer en tant qu’homme, père et manager» … Nous sortons tous changés. De nombreux dirigeants ont senti peser une bien plus grande responsabilité sur leurs épaules : rassurer, protéger, mobiliser, passer la vague. En quelque sorte un nouveau rôle sociétal, qui leur a demandé de communiquer beaucoup et différemment. «Conduire le changement dans l’incertitude m’a épuisé mais m’a tellement appris sur moi », m’a confié Pierre, Directeur de clinique. Plusieurs entrepreneurs que j’ai interrogés ont décidé d’être coachés durant le confinement, ils ont été bluffés des effets et m’ont parlé d’eux d’une façon que je ne connaissais pas. Lorsque nous démarrons une chasse, nous demandons au N+1 quel manager est-il? Nous proposons aux dirigeants de passer un test qui évalue leur profil managérial et leadership. Cela les aide à se décrire, et par conséquent à aller chercher les profils adéquats en terme de savoir être.
Entre méfiance et ambition
Sur les 58 entretiens menés durant cette période, 85% des DG et DRH avaient prévu des créations de postes de cadres dirigeants et d’experts de haut niveau cette année, que ce soit pour soutenir une croissance, des projets ambitieux ou une stratégie de transformation. D’une part, la plupart d’entre eux n’avaient pas tranché sur le maintien ou non de ces recrutements, d’autres part ils voulaient savoir «qu’ont décidé les autres, la tendance c’est plutôt aventurier ou poule mouillée ?». Cette métaphore aussi caricaturale soit elle, montre la dualité dans les processus cognitifs relatifs à la prise de décision. Pour les PME qui n’ont pas de DAF ou de DRH, on voit que les organigrammes bougent déjà. Compte-tenu des enjeux auxquels les entrepreneurs ont été confrontés, ils ont décidé d’internaliser ces fonctions clés pour pouvoir se recentrer là où ils créent de la valeur. Des sociétés qui formaient petit à petit leurs collaborateurs sur le digital, veulent à présent acquérir une réelle expertise en recrutant. Vont-ils gérer seuls ces recrutements ? «Je ne le souhaite pas, j’ai tellement pris conscience de la valeur de mon temps et de l’impact des biais cognitifs dans mon jugement ! » nous confiait il y a quelques jours Sandra, CEO d’une biotech. Pour finir, on entend parler de la société et du manager d’avant et de demain. Pourtant nous sommes encore bien dans le «pendant». Les dirigeants regardent, par essence, le plus loin possible, toutefois ils doivent gérer les problématiques et leurs équipes actuelles. Ces leçons du «pendant».
Julie de Bohan est directrice du Développement chez Charles Richardson – Atelier de recrutement à Marseille