Publié le 27 février 2017 à 17h46 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h45
Le racisme décomplexé serait-il de retour en force dans notre pays et les réseaux sociaux ne seraient-ils pas devenus un déversoir pour des milliers de gens ayant besoin de cracher leur haine sous prétexte de défendre une quelconque identité ou les forces de l’ordre? Sans doute moi-même dois-je traîner un peu trop sur Facebook et dois-je être trop assidu dans mes lectures. Toujours est-il que j’y constate un retour étrange de propos infects à connotation raciste et j’y découvre des individus aux propos injurieux dès qu’un avis est différent de celui qu’ils exposent.
Les événements récents ayant mis les policiers au pilori nous avons assisté à une levée de boucliers d’un pan entier de la population qui, à l’opposé d’une autre partie ou plutôt d’une caste, s’est lancé à la recherche d’arguments plus ou moins fondés afin de défendre bec et ongles l’institution police. Citant parfois Alain Soral et tantôt Laurent Obertone certains répandent leur gerbe verbale dans laquelle on retrouve très souvent des relents des années 30. Dois-je offenser les plus jeunes en rappelant la genèse du nazisme et sur quel terreau fertile il a trop rapidement poussé jusqu’à devenir l’incarnation même du mal le plus absolu ? Facebook ne serait-il pas en passe de devenir le véhicule de ce que l’on appelait alors la propagande? J’ai conscience que ce que j’écris peut choquer mais lorsque l’on voit le niveau de certains posts ne suis-je pas en droit de m’interroger et d’écrire ce qui me tord, depuis plusieurs mois, l’esprit ?
Je m’étonne donc de lire ou d’entendre des propos stigmatisant telle ou telle catégorie de personnes, d’ethnies ou d’origines sociales et ce sans aucune forme de censure. Si la liberté de dire et de penser est une base de notre démocratie elle comporte néanmoins des limites, celles de l’infraction pénale, de la provocation à la haine, ou même du révisionnisme. Certes ces dernières semaines nous ont permis de vivre des moments forts de violence, d’être les témoins de scènes d’interpellation policières et d’assister depuis nos fauteuils confortables à toutes sortes de discours, dont les miens, et il est vrai que tout cela peut délier les langues ou du moins les mots voire même favoriser les idées extrêmes puisqu’elles ne semblent plus malvenues. Je crains que bientôt elles soient même les bienvenues …
Mais il faut, me semble-t-il, raisonner aujourd’hui sans oublier hier. Restant un témoin privilégié de tout ce qui touche à la fonction policière et de ses impacts sur la société je ne peux m’empêcher de craindre un retour de la bête immonde et notamment dans les rangs de notre police. Il est dès lors très difficile d’écrire sur ce sujet sans craindre de froisser les uns ou d’être traduit devant les tribunaux par les autres mais ce sujet me tient tant à cœur que je ne peux l’éluder. Alors comment l’aborder sans mélanger le vrai et le faux, le supposé et l’authentique et enfin le fantasme et la réalité ? Simplement en restant ce que je suis, un citoyen au passé de policier de terrain passionné de faits de société, un boulimique de lecture et ayant la chance d’écrire et surtout d’être lu.
Si l’on fait un saut de puce dans le passé, jusqu’au mois d’octobre dernier et les premiers mouvements de protestation des policiers, il est aisé de revoir les flics taper le pavé, s’approprier l’hymne National et reprendre les arguments d’un parti d’extrême droite à savoir «On est chez nous» et «La racaille dehors». Sans porter de jugement, je m’étonne d’entendre ces hurlements qu’aucun des flics n’ignore qu’ils proviennent de ce parti à la patronne peroxydée et qu’ils sont repris à chacun de ses défilés. Si à cela on rajoute la phrase semblant être devenue le cri de ralliement d’une jeune police à savoir : «Force et honneur» empruntée dans un film de Ridley Scott et n’ayant rien d’historique, le cocktail est pour moi au minimum ridicule et au maximum imbuvable. Mais la sémantique a son importance et ces mots restent représentatifs d’une obédience à une idéologie nauséabonde et d’une tendance à quémander le retour de la force publique comme ultime recours à une situation, certes gravissime, mais encore pas désespérée.
En effet, je sais à quoi sont exposés quotidiennement les policiers. Je sais les insultes qu’il reçoivent, je connais la haine qu’éprouvent à leur égard les voyous des cités et je sais encore que les flics n’ont pas suffisamment de recul pour apprécier réellement la situation même s’ils la prennent en pleine gueule.
Mais bordel les gars réveillez vous !
Dois-je faire hurler en vous rappelant qu’au Camp des Milles et au Vélodrome d’hiver il n’y avait aucun uniforme ennemi ? Que feriez vous si demain le parti de madame Le Pen vous donnait des ordres infects ?
Mais il semble encore que ces fonctionnaires de police n’aient pas entendu ou aient feint de ne pas entendre leur représentant syndical affirmer sur un plateau télé, à une heure de grande écoute, que «Bamboula» était convenable … !
De l’autre côté je peux lire aussi des posts appelant à la haine du flic et de ce qui l’incarne et parfois même incitant les lecteurs à tuer des policiers … Effrayant ! Mais ce qui m’inquiète c’est en fait le constat que je suis en mesure de faire lorsque je m’attarde dans les rangs de la police. Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt, Marine Le Pen caracole au sommet des intentions de vote et parvient, d’après les sondages, à séduire essentiellement les jeunes. J’espère que ce ne sont pas les mêmes jeunes qui pullulent dans les effectifs de notre police … Mais d’ailleurs ils ne le cachent plus, ils l’assument même et parfois le revendiquent.
Alors je m’inquiète, je ne suis pas rassuré à l’évocation d’une tendance inéluctable qui, telle un virus, a été inoculé dans une police déjà bien fébrile eu égard aux multiples agressions qu’elle subit. En effet, la police n’est qu’un échantillon représentatif de notre société et en quoi se différencierait-elle de cette dernière ?
Elle n’est constituée que de femmes et d’hommes en prise directe avec les multiples maux de la société et la mission du flic n’est plus d’attraper le voleur, il n’est plus que l’infirmier pansant les blessures d’une société moribonde. Et les blessures sont purulentes et souvent infectées.
Alors flicard tu t’étonnes d’être devenu une cible pour toute une population, tu ne comprends pas pourquoi les anarchistes, qui t’ont d’ailleurs toujours détesté, descendent dans la rue pour aller t’affronter et cracher leur haine démultipliée depuis les récents événements. Mais dis-moi flicard pourquoi es-tu surpris lorsque le syndicat de la magistrature soutient les mouvements contre les violences policières, pourquoi es-tu encore étonné de voir une société dans son ensemble te mépriser, te dénigrer et t’abandonner ?
Certes quelques aficionados de l’uniforme subsistent et se réfugient dans le camp de l’extrême droite pour accabler un quinquennat minable, pour défendre ce qui peut encore l’être sans grand succès et tenter de récupérer tes voix et ceux de tes collègues.
Mais flicard t’es-tu questionné sur ce que tu es devenu ?Je ne le pense pas car je t’ai vu sombrer dans les abysses et je t’ai contemplé adhérer sans retenue à une politique dévastatrice du métier de policier.
Je vais te raconter une histoire, ton histoire …
Il y a quinze ans tu n’avais que 10 ou 12 ans et tu portais des culottes courtes en faisant de la bicyclette à l’orée des bois de notre pays. Trop jeune pour savoir ce que tu serais dans une décennie tu ne regardais à la télé que les dessins animés ineptes de TF1.
Moi vois-tu j’étais déjà flic et j’ai vu lentement arriver une politique conduite par un petit homme agité, il s’appelait Nicolas Sarkozy. Cette politique était novatrice dans le service public mais elle avait déjà fait ses preuves et des ravages dans le privé, elle allait introniser le chiffre et des primes aux résultats pour chambouler radicalement la police que j’avais connue et aimée.
Nous ne devenions que des percepteurs et des interpellateurs lobotomisés au service d’une machine à ravager la société, j’ai refusé de l’appliquer. Toi tu grandissais lentement et tu as abandonné ton vélo pour une automobile puis à à peine vingt ans tu tentais le concours de gardien de la paix. Une année dans une école te donnait les bases du métier et puis tu as été lâché dans un département sinistré, le 93. Là tu as été confronté à la haine, la violence, les viols en réunion et tant d’autres choses abominables que vivent les gens évoluant dans ces cités dévastées par une politique de la ville absente. Tu as pris cela dans la gueule comme d’autres prennent le chômage ou le cancer. En quelques mots tu devenais le baromètre d’une tempête qui ravageait ta tête et te poussait inexorablement à te retrouver dans des propositions politiques d’extrême droite. Tu t’es très vite senti abandonné par les autres, les socialistes et les Républicains bien trop obnubilés par le partage du gâteau. Tu as vu passer des ministres, tous plus mauvais les uns que les autres et un soir devant ta télé tu as capté les mots directifs de Marine et tu as cru qu’il n’y avait qu’elle pour apporter les solutions à tes problèmes. Et puis tu as dérapé …
Relève toi flicard et regarde ce que tu es devenu, relève toi s’il te plaît …
J’ai peur de ce que tu pourrais faire.
Lire aussi de Marc La Mola [[Marc La Mola a été flic durant vingt-sept années. Après des débuts à Paris il rejoint sa ville natale, Marseille et choisit les quartiers Nord pour y exercer. C’est aussi là qu’il a grandi. Officier de Police Judiciaire, à la tête d’un groupe d’enquête de voie publique, il a traîné dans ces quartiers pour en mesurer les maux. Il a touché du doigt la misère et la violence de ces secteurs de la Ville. Marc La Mola a sans doute trop aimé son métier et c’est en 2013 qu’il décide de mettre un terme à sa carrière. Il retourne à la vie civile pour écrire. Il est aujourd’hui auteur, romancier et scénariste. Chez Michalon Éditions il a publié : «Le sale boulot, confessions d’un flic à la dérive», «Un mauvais flic, lettre ouverte à Manuel Valls», «Quand j’étais flic …». Ces trois témoignages relatent les moments forts de sa carrière et ses différentes prises de position. C’est chez ce même éditeur qu’il publiera en mars 2017, «Police, Grandeur et Décadence» dans lequel il explique comment la police en est arrivée à descendre dans la rue pour manifester son mécontentement. Il est encore romancier. Il publie chez Sudarenes Éditions un polar à l’accent Marseillais, «Le sang des fauves». En juin 2017 le personnage de ce premier polar revient dans «Vallis Clausa», deuxième volet des enquêtes de son personnage Randy Massolo, un flic torturé. Il est aussi scénariste et a signé l’écriture de plusieurs synopsis optionnés par des maisons de production. Il enseigne également l’écriture de scénarios à l’École supérieure du cinéma Cinemagis de Martigues (13)]]
–Affaire Théo « Il est où le ministre, il est où … ? »
–Police : Vous avez dit proximité ?
–Aulnay-sous-Bois : Bravure … Bavoure … Non Bavure tout simplement !
–A propos de Chiffres …
–Soufflet …
–Cannabis… Canebière !
– 29 …
–Mise à mort …
–Légitime déviance