Publié le 18 avril 2018 à 14h04 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h46
Parfois je me demande si cet homme est bien à sa place, si la fonction lui sied parfaitement et si en fait, il est l’homme de la situation. Et c’est bien de cela que je veux parler, que je souhaite commenter : La situation de la SNCF… !
Vaste sujet, débat dangereux m’a-t-on dit, sur lequel il vaut mieux ne pas s’aventurer de peur d’être classé dans une catégorie d’agitateurs désireux de se démarquer d’un mouvement de contestation auquel il ne faut pas, par peur d’être, par la pensée unique, qualifié de «Macroniste» comme si défendre celui que nous avons récemment élu à la fonction suprême était soudain devenu aussi mauvais que son prédécesseur. Mais tout n’est pas aussi évident, pas aussi manichéen puisque les impératifs liés à la réforme de la SNCF sont bien là et font le forcing dans les gares et dans les réunions syndicales où Jean-Claude invective Robert en renversant sa bière à l’idée même de voir s’envoler un modèle de transport ferroviaire inadapté, vétuste et presque rétrograde. Mais Jean-Claude a soif. Il a la pépie en pensant à son Directeur , au strabisme prononcé et aux paroles approximatives, alors il s’empare d’une autre bière en négligeant les effets de l’éthanol sur son raisonnement et évidement sur ses propos. Jean-Claude fait fi d’une retraite à cinquante ans accordée aux conducteurs de TGV, il oublie le transport gratuit à vie et les avantages que son ami Rachid n’ait même pas capable d’imaginer du fond de son entrepôt miteux où il effectue depuis de trop nombreuses années les mêmes gestes abrutissant pour un Smic généreusement donné par un patron abject.
Mais pendant ce temps Guillaume Pepy court les plateaux télé pour rappeler que la grève a un coût et que déjà elle impacte sérieusement les finances d’une société déjà bien malade. Dans un langage feutré, il se dit encore solidaire des millions de Franciliens agglutinés sur les quais des gares, il affirme encore comprendre la colère qui les anime sans toutefois désapprouver une grève et des grévistes qu’il est incapable de rassurer. Langue de bois, en chêne massif ! Guillaume lui n’est pas à la bière, il sirote un thé dans un cabinet ministériel où il est allé glaner des informations et des directives qu’il doit appliquer sous peine que le bouton rouge déclenchant son siège éjectable soit actionné. Il tremble, il sue et même s’il ne se désespérera pas sur le quai du RER pour rejoindre son bureau, il n’ose pas confier à son chauffeur qu’il reste obsédé par les ficelles faisant de lui un pantin d’un gouvernement déterminé à changer, à réformer le pays et notamment la SNCF. Il ne maîtrise rien même pas le sort d’une société antédiluvienne dont on lui a confié les rênes !
Du fond de sa berline aux vitres teintées, il songe. Il pense à un statut et à cette belle entreprise créée le 31 Août 1937. Il voit les premières motrices et les fours à charbon, il aperçoit les gueules noires des conducteurs y envoyant de grandes pelletées de carburant, il croise le regard d’un des leurs retirant ses lunettes de protection et laissant apparaître ses yeux rougis par la chaleur et ses paupières épargnées par les escarbilles. Est il ému ? Je l’ignore … Sa voiture fend les embouteillages et passe furtivement devant les locaux des syndicats. Entend il les braillements de Jean-Claude et les canettes de bière s’entrechoquant et se mêlant aux propos décousus et surréalistes des grévistes obnubilés par des changements qu’ils refusent sans chercher à les comprendre ? Entend-il la détermination du gouvernement et les décisions tranchées d’un jeune Président ne connaissant pas la négociation ?
Moi, je revois mon grand-père. Je me souviens de son visage rieur mais marqué par le charbon, de ses mains noires libérant sous un mince filet d’eau claire une poussière qui plus tard lui offrira un cancer du poumon. Il en succombera à à peine 60 ans… Il était cheminot, il conduisait les machines dévorant des tonnes de charbon, dévorant insidieusement les hommes n’ayant même pas le temps de profiter de leur retraite. Cette retraite dont il avait bénéficié peu de temps avant. Il crachait du sang, il toussait à s’en faire péter les poumons. C’est bien le charbon et la SNCF qui eurent raison de lui…
Mais aujourd’hui qu’en est il ?
Même si je ne monte jamais dans la cabine du conducteur à chaque utilisation d’un TGV je n’ai jamais remarqué de panaches de fumées noires et de gueules salies par les fours hurlant. Je n’ai jamais constaté de tas, sur les quais, de galets noirs en transit avant d’être dévorés par les flammes et donner aux masses métalliques une motricité pour emporter des bidasses ou des amoureux transis. Mais les conducteurs des trains à grande vitesse bénéficieront d’une retraite à 50 ans sans doute par respect pour leurs aïeux prématurément occis par la bactérie Bacillus anthracis ou assassinés par un cancer foudroyant du système respiratoire.
Guillaume lui s’en moque, il se calfeutre dans l’habitacle feutré de sa berline … Jean-Claude ne parvient pas à étancher sa soif, il a toujours la pépie. Les usagers épuisés eux prennent leur mal en patience en attendant des jours meilleurs et des trains disponibles pour les conduire au travail. Moi … Qui s’intéresse à moi et à ce que je pense d’une grève bloquant tout un pays et vouée à l’échec ? Tiens … La réponse est dans la question !
Marc La Mola [[Marc La Mola a été flic durant vingt-sept années. Après des débuts à Paris, il rejoint sa ville natale, Marseille et choisit les quartiers Nord pour y exercer. C’est aussi là qu’il a grandi. Officier de Police Judiciaire, à la tête d’un groupe d’enquête de voie publique, il a traîné dans ces quartiers pour en mesurer les maux. Il a touché du doigt la misère et la violence de ces secteurs de la Ville. Marc La Mola a sans doute trop aimé son métier et c’est en 2013 qu’il décide de mettre un terme à sa carrière. Il retourne à la vie civile pour écrire. Il est aujourd’hui auteur, romancier et scénariste. Chez Michalon Éditions il a publié : «Le sale boulot, confessions d’un flic à la dérive», «Un mauvais flic, lettre ouverte à Manuel Valls», «Quand j’étais flic …». Ces trois témoignages relatent les moments forts de sa carrière et ses différentes prises de position. C’est chez ce même éditeur qu’il publiera en mars 2017, «Police, Grandeur et Décadence» dans lequel il explique comment la police en est arrivée à descendre dans la rue pour manifester son mécontentement. Il est encore romancier. Il publie chez Sudarenes Éditions un polar à l’accent Marseillais, «Le sang des fauves». En juin 2017 le personnage de ce premier polar revient dans «Vallis Clausa», deuxième volet des enquêtes de son personnage Randy Massolo, un flic torturé. Il est aussi scénariste et a signé l’écriture de plusieurs synopsis optionnés par des maisons de production. Il enseigne également l’écriture de scénarios à l’École supérieure du cinéma Cinemagis de Martigues (13)]]