Publié le 17 septembre 2017 à 13h27 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 17h38
Si tant est que les policiers manquaient de motifs légitimes pour descendre dans la rue il leur suffisait d’écouter la déclaration, faite à la veille des manifestations, de leur directeur Eric Morvan pour confirmer ce fossé qui les séparent d’une planète sur laquelle vivent les autorités politiques et policières. Une planète -où paraît-il «le quotidien des policiers s’est amélioré», dixit – qui bien évidemment ne peut pas être notre bonne vieille terre et encore moins notre bon vieux pays où les effectifs de police sont depuis des lustres exsangues et souffrent professionnellement et psychologiquement.
Mais que voulez-vous lorsque l’on évolue dans des ministères dorés à l’or fin on a du mal à s’imaginer que les «flicaillons» eux, évoluent dans des commissariats où les excréments débordent des toilettes, où les peintures jaunies et crasseuses ornent les murs des bureaux et où les bagnoles poussives trimballent des policiers exténués et seulement mus par une abnégation sans bornes voire même incompréhensible.
Citant le nouveau siège de la PJ Parisienne en référence de la modernisation des locaux de police, monsieur Morvan faisait fi des innombrables commissariats de sécurité publique insalubres où évoluent, certes non pas la crème de la PJ mais des flicards dont tout le monde se moque puisqu’ils ne gèrent que la police du quotidien, celle dénigrée par tous, celle de la plèbe …
Eh oui n’en déplaise à une certaine partie de la population, il faut savoir que dans notre pays il existe deux polices : celle classée comme l’élite et dont vous n’aurez certainement jamais affaire, la police Judiciaire et le 36, Quai des Orfèvres vitrine d’une police qui n’existe plus depuis bien longtemps, puis celle que madame et monsieur tout le monde vont se coltiner au quotidien, la sécurité publique le véritable parent pauvre de l’institution. Bref, il ne s’agit pas d’opposer les services de police puisque de manière générale ils sont tous dans le même bateau, enfin la même galère, pour aller s’échouer sur les récifs des politiques de sécurité ayant volontairement assassinées une institution régalienne au profit d’opportunités locales.
Mais en ce samedi 16 septembre, les policiers avaient appelé les gendarmes, les pompiers, les surveillants de l’administration pénitentiaire et les citoyens à se regrouper sur sept sites distincts afin de manifester leur ras la casquette. A Marseille, nous étions donc environ soixante selon la police et environ une soixantaine d’après … toujours la police. Si on rajoute les journalistes et les policiers encadrant la manif nous flirtions avec les quatre-vingts personnes. C’est donc à soixante que nous avons battu le pavé sous le soleil de cette fin d’été. Des banderoles étaient exhibées, des slogans étaient entonnés alors que les quelques policiers de service se regroupaient autour du site en actionnant les klaxons deux-tons et les rampes de gyrophares.
Dans les rangs ont pouvait entendre les commentaires et les railleries sur les récentes déclarations de monsieur Morvan, on entendait certains chercher des excuses à tous ceux qui s’étaient fait porter pâles pour expliquer l’insuccès de la manifestation et on tirait des plans sur la comète pour se redonner un espoir disparu depuis une quinzaine d’années.
Pour expliquer ce mécontentement, il faut se remémorer les incidents ou plutôt les drames dont les forces de l’ordre ont été victimes et notamment le jet de cocktails Molotov dans une voiture de patrouille en région parisienne. Cet acte abominable allait donner le ton de ce qui allait être un véritable conflit ouvert entre les effectifs de base et leurs autorités mais aussi contre leurs propres représentants syndicaux. Dans les rangs de la sécurité publique, direction à part entière de la police nationale, deux syndicats se disputent la première place. L’un ne cache pas sa liaison avec feu le parti socialiste alors que le second clame haut et fort sa relation amoureuse suivie avec les Républicains, à peine en meilleur état à ce jour. Voilà ce qu’il se passe lorsque les leaders syndicaux gravitent eux aussi près des ors de la République et se laissent séduire par des pont d’or et autres promesses de secondes carrières au sein même des partis sus-cités, on grille ses cartouches auprès des adhérents de base réalisant qu’ils sont bernés depuis de longues années.
Mais dans cette connivence entre les ministres et les syndicats il faut y voir une véritable hécatombe des structures officielles des relations professionnelles. Aujourd’hui le dialogue est rompu puisque les manifestants refusent d’être récupérés par leurs organisations syndicales et les autorités refusent de parler à toute entité n’appartenant pas à une organisation officielle représentative des policiers. Ne reconnaissant pas la légitimité des MPC (Mouvement des Policiers en Colère) et de FFOC (Femmes de Forces de l’Ordre en Colère) le ministère s’arc-boute face à ces groupes spontanés organisateurs des mouvements de protestation.
Le dialogue est rompu …
Mais le vrai malaise lui est bien dans les commissariats !
Dans ce conflit il ne faut pas se limiter à voir le malaise d’une corporation, il faut y voir les carences d’un État à assurer le minimum de sécurité qu’il doit à ses citoyens. Car même si le service public en France ne semble plus être la priorité la sécurité n’en demeurait pas moins une mission incombant à l’État ou du moins jusqu’à ce qu’une municipalisation des effectifs de police du quotidien s’organise, se structure pour ne devenir à moyen terme l’unique alternative à une corporation moribonde.
Le convoi minuscule presque ridicule empruntait le cours Lieutaud pour finir devant la Préfecture. Les épouse de policiers hurlaient encore afin de capter l’attention des riverains trop préoccupés par leurs achats et leurs propres soucis. Elle se sont mobilisées, se sont organisées pour fédérer par-devers une majorité de flics mécontents, elles n’ont réussi à rameuter qu’une poignée de mécontents dont une grande partie à la capillarité blanchâtre confirmant leur situation de retraité.
J’ai suivi par solidarité sans comprendre ce que réellement je foutais là au milieu d’une troupe divisée en pensant à ceux qui devaient défendre leurs propres intérêts, brillant, ce jour, par leur absence. J’ai battu le pavé pour la première fois de ma vie en pensant soutenir une corporation qui m’avait tant apporté, à laquelle j’avais aussi beaucoup donné. Je n’ai participé qu’au début de la fin d’un mouvement mal structuré, mal monté ne desservant à mon sens que la cause que ces policiers souhaitent défendre. Visiblement la police ne se différencie pas beaucoup du reste de la société, elle est individualiste !
Dans les autres villes, ils n’ont pas réussi non plus à mobiliser en masse les effectifs de policiers ni même les citoyens. Ils vont ranger les banderoles, retirer les tee-shirts arborant des slogans de soutien pour retourner dans leurs commissariats miteux en espérant peut être que leurs colères seront entendues même si leurs voix, ce samedi, sont restées à peine audibles.