Tribune de Me Fabien Perez : Faut-il rétablir le cumul des mandats ?

Publié le 28 décembre 2024 à  21h12 - Dernière mise à  jour le 31 décembre 2024 à  11h57

Bien décidé à continuer d’exercer ses fonctions de maire, le nouveau Premier ministre en a profité pour rouvrir le débat sur le non-cumul des mandats parlementaires avec des fonctions exécutives locales. Par cette déclaration prononcée lundi 16 décembre depuis son siège d’édile au conseil municipal de Pau, François Bayrou a estimé qu’il faut en finir avec une classe politique hors-sol, qui n’a pas de racines territoriales. Il semble voir dans la remise en cause du non-cumul des mandats un moyen de revaloriser la fonction du représentant national par la voie du local.

Destimed Afabien Perez
Me Fabien Perez,conseiller municipal de Marseille en charge des financements européens ©DR

Cette demande est portée ces dernières années par des élus du centre et de la droite, ou plus rarement à gauche comme le maire de Marseille Benoît Payan (une interview au « Figaro »  du 13 novembre 2023) qui appelle à assouplir l’interdiction sur le cumul des mandats inscrite dans la loi organique du 14 février 2014. Cette loi interdit aux élus de cumuler les fonctions exécutives locales (maire, maire adjoint, président ou vice-président d’un conseil départemental ou régional) avec celles de député ou de sénateur. Il s’agissait à cette époque, de réagir face à un constat délétère pour la démocratie : celui de la mainmise par quelques indéboulonnables élus de partis, généralement âgés et masculins, sur le pouvoir politique.

Avant cette loi, les partisans du non-cumul des mandats, pour la plupart socialistes, estimaient que la double casquette d’élu local et national était incompatible avec un engagement plein et entier au Parlement.

Rappelons qu’en 2012, 476 députés sur 577 (82%) et 267 sénateurs sur 348 (77%) étaient en situation de cumul ce qui faisait de la France une exception en Europe jusqu’à la loi de 2014.

Si le maire de Marseille fustige l’apparition d’une génération d’élus nationaux jugés « un peu hors-sol », adeptes de la « politique politicienne », qui manqueraient de légitimité pour faire entendre leur voix dans les hémicycles, il oublie de souligner les bienfaits de cette loi qui a donné un nouveau souffle démocratique à notre vie politique par un large renouvellement et rajeunissement de nos élus, et une féminisation sans précédent du personnel politique.

Franchement, est-il de raisonnable de croire que l’on peut diriger à mi-temps une ville de l’importance de Marseille et s’impliquer sérieusement, en parallèle, à Paris dans la préparation de nos lois ?

La remise en cause du non-cumul des mandats intervient en pleine crise de confiance des Françaises et des Français dans le personnel politique, qui s’est vivement exprimée durant le mouvement des « gilets jaunes » et qui a atteint, aujourd’hui son paroxysme.

Nos concitoyens sont de plus en plus convaincus qu’on ne change pas la vie avec la politique et désappointés par l’incapacité de l’État à apporter des réponses concrètes aux problèmes du quotidien : délitement des services publics, millefeuille territorial, complexité normative…

En revanche, cette loi n’a pas empêché une incongruité marseillaise qui permet à une élue locale de présider à la fois un conseil départemental et un établissement public de coopération intercommunale, en l’occurrence la Métropole Aix-Marseille Provence, en application des dispositions de l’article L 5211-2 du Code général des collectivités territoriales.

Enfin, les élus d’aujourd’hui sont-ils plus coupés des réalités du terrain que ceux qui pouvaient cumuler ?

N’oublions pas que la majorité des parlementaires gardent un pied dans les territoires, notamment en cumulant leur mandat de manière parfaitement légale avec une fonction d’élu local non exécutif. En effet, beaucoup de députés ou de sénateurs sont également conseiller municipal, départemental ou régional et, de facto, ils côtoient constamment les administrés de leur territoire.

Par ailleurs, si le mandat parlementaire est national, il incite les députés et sénateurs à sillonner leur circonscription ou à tenir des permanences pour maintenir un ancrage local indispensable à leur réélection.

Pour conclure, rappelons le discours du président de la République devant le parlement réuni en Congrès le 3 juillet 2017, dans lequel il plaidait pour une limitation des mandats dans le temps au motif que la politique n’est pas un métier et ne doit pas le devenir.

Fabien Perez est avocat et conseiller municipal de Marseille en charge des financements européens

Articles similaires

Aller au contenu principal