Tribune de Me Gérard Blanc : ingouvernables les Français ?

On vous l’avait promis. Le pays devait  basculer à l’extrême droite avec une majorité absolue. Bardella, façade rutilante de la vieille entreprise familiale du dégoût de la France, avait formé son gouvernement, les députés dans toutes les circonscriptions étaient fin prêts. On vous avait promis, à grand renfort d’éditos et de sondages, l’inéluctabilité de ce scénario.

Destimed Me Gerard Blanc
Me Gérard Blanc, membre du bureau Renaissance ©DR

Nous avons contemplé l’abîme de près : il est peuplé d’incapables xénophobes et de renoncements. Renoncement à tout le travail de normalisation de ces dernières années. Réduite à l’essentiel, la grammaire du Rassemblement national reste simple, pour ne pas dire simpliste : sujet, verbe, immigration.

On vous a promis pour eux malgré tout une majorité absolue, puis une victoire proche de la majorité absolue, puis relative, puis une arrivée en tête. Nous avons contemplé l’abîme de près et le verdict des Français est clair : le Rassemblement national est troisième.

Le bal continue, la musique a changé. Vous l’entendez partout depuis hier, ce cycle électoral surprise aurait rendu un verdict incompréhensible avec une chambre sans majorité -comme c’était déjà le cas depuis 2022- et donc un gouvernement introuvable. Un verdict des urnes peu clair puisque non conforme aux éditoriaux et aux envolées lyriques des chefs de partis ?

Et pourtant elle est là à chaque rendez-vous, la France. Et elle est on ne peut plus claire sur sa volonté, cette France qui a voté massivement hier.

Premier enseignement, depuis 2002, en 2017, en 2022, en 2024, et pour toujours je l’espère, les Français ne veulent pas d’un gouvernement par le Front National. Non pas qu’ils ne pensent pas que le sujet de l’immigration ne doit pas être traité, c’est finalement le seul sujet de ce parti et il obtient 10 millions de suffrages. Mais c’est un sujet que les Français ne souhaitent pas confier à des xénophobes incompétents, surtout à ceux qui semblent préférer les roubles d’une Russie fantasmée à la France réelle. Les grands enjeux de climat et de démographie nous imposent ce défi de l’accueil et ses conséquences sur le visage de la France. Relevons-le avec humanité et fraternité, mais sans naïveté ni reddition.

Deuxième enseignement, il y a une demande de justice sociale nourrie du décalage, voire de la déconnexion, entre le tassement du pouvoir d’achat de l’essentiel de la population et le luxe affiché et en infinie croissance d’une minorité. Adressons-le sans tarder et sans idéologie. Rebâtissons un contrat économique et social, pour la majorité des Français, qui repose sur notre travail, sur la performance partagée des entreprises et non sur la charité consentie ou la solidarité contrainte.

Troisième enseignement : les partis politiques ont tort. Du militant au chef de parti, chacun doit faire son autocritique. Tort de penser que le statut d’élu autorise tout, tort de penser avoir raison sur tout même face aux faits, tort de penser qu’une majorité relative est un blanc-seing, tort de penser qu’un slogan est la solution à un problème, tort de penser que la pensée des Français n’est pas suffisamment complexe pour accepter -et même exiger !- la nuance.

Les Français ont plébiscité le Sarkozy entouré de Kouchner et Borloo, ils ont élu deux fois le Macron du « en même temps » et ils viennent par deux fois d’envoyer au Palais Bourbon des minorités en équilibre. C’est un message limpide qui tranche avec l’exigence d’une majorité absolue souhaitée par Bardella. Un message qui tranche avec les oukases de Jean-Luc Mélenchon qui exige d’agir seul alors qu’il n’est pas élu et que ses bruyants affidés n’occupent que 70 fauteuils à l’Assemblée, guère plus qu’en 2022. Un message qui tranche avouons le aussi, avec la pratique du pouvoir depuis 2022.

Marine Tondelier parle de France qui s’envisage plutôt qu’elle ne se dévisage : Vous avez raison Madame la Députée et cela commence au numéro 126 de la rue de l’Université à Paris, dans cet hémicycle que nous venons d’emplir de tous nos souhaits, aussi contradictoires soientils.

Il est grand temps à Paris comme à Marseille (car 2026 approche) de sortir de la combinazione, des accords secrets, des renoncements, des calculs entre faux amis. Il n’y a qu’un petit pas entre l’accord d’alcôve entre initiés et la sensation dévastatrice du déni de démocratie. Nos amis Nord-américains paient pour longtemps l’addition d’une telle situation.

Gardons nous donc de tout conservatisme enkysté, de toute révolution vociférante, de toute nostalgie rance.

Nous sommes arrivés à l’âge de la maturité d’un pays qui par son travail et ses luttes internes et externes s’est construit, quand on le compare au reste du monde et qu’on apprécie son échelle, un environnement de grande prospérité et de relative liberté, égalité et fraternité qui n’existe nulle part ailleurs.

Les Français enjoignent leurs politiques à travailler ensemble, au grand jour, pour conserver ce bien inestimable. Qui en aura l’intelligence, la modestie et l’abnégation ?

Écoutons-nous sans nous interrompre, échangeons sur nos principes et nos projets et trouvons ensemble le point d’équilibre. Un jongleur débutant vous le dira, il est rarement au bord de l’assiette.

Gérard Blanc est avocat et membre du bureau Renaissance

Articles similaires

Aller au contenu principal