Publié le 29 avril 2020 à 19h32 - Dernière mise à jour le 4 novembre 2022 à 12h47
A la suite des annonces, hier, du Premier ministre sur les modalités du déconfinement à partir du 11 mai, Mgr Jean-Marc Aveline, l’archevêque de Marseille a tenu à s’exprimer à travers une tribune dans laquelle il évoque un déconfinement qui «ne peut pas être seulement guidé par des impératifs d’ordre économique et sanitaire. Il faut aussi que la vie sociale, culturelle et religieuse puisse progressivement redémarrer.» Et demande notamment aux pouvoirs publics : «Laissez l’Église et les religions, prônant la paix et la fraternité, jouer pleinement leur rôle de « geste barrière » contre les dérives virales de la peur et du mépris. N’attendons pas qu’il soit trop tard en ayant trop longtemps eu peur qu’il fût trop tôt !»
En quelques mois, un virus a fait chavirer le monde. Il reste dangereux et nous sommes en guerre contre lui. D’autant que, derrière la crise sanitaire, se profile une autre crise, économique, peut-être plus redoutable encore, qui aura des conséquences sociales très dures et très dangereuses pour la paix dans le monde, et même à l’intérieur de notre pays. Pour lutter sur cette multitude de fronts, toutes les ressources de la Nation ont été mobilisées. Les religions présentes dans notre pays ont, chacune pour sa part, activement et loyalement contribué à cet effort national, en particulier pour les actions de solidarité auprès des plus pauvres. Elles sont prêtes à contribuer de façon responsable à l’effort requis pour la période du déconfinement, période tout aussi incertaine et dangereuse que celle du confinement.
Pour sa part, l’Église catholique avait proposé au Gouvernement, la semaine dernière, un plan progressif de déconfinement à partir du 16-17 mai. La déclaration du Premier ministre invite cependant à attendre plus longtemps, à moins d’une adaptation locale susceptible d’assouplir, en certains départements, les mesures générales. Il me semble, cependant, que l’on aurait tort de retarder trop longtemps la possibilité pour nos concitoyens d’honorer concrètement, dans la pluralité de leurs appartenances religieuses ou de leurs convictions humanistes, la profondeur spirituelle qui est vitale à l’être humain. Pour la religion catholique, cette dimension vitale se déploie, certes, dans l’intériorité de la foi personnelle. Mais elle n’est pas qu’une affaire privée. D’une part, elle est d’essence communautaire et a besoin de célébrations et donc de rassemblements, fussent-ils organisés progressivement et de telle façon qu’ils n’entraînent aucun risque sanitaire ; d’autre part, elle assume une responsabilité dans l’espace public, que ce soit par une contribution d’idées aux débats de société ou par une contribution d’actions au service des plus démunis.
Par ailleurs, il importe de ne pas sous-estimer le rôle positif que peuvent jouer les religions dans la période redoutable dans laquelle nous sommes entrés. L’histoire, en effet, nous a plusieurs fois enseigné que les crises économiques peuvent faire le lit d’idéologies meurtrières qui instrumentalisent la misère des peuples. Nous savons d’expérience comment les engrenages mortifères ont l’art de commencer dans la banalité. Les religions, en éclairant et mobilisant les consciences, peuvent prendre part à ce combat, afin de prévenir ces engrenages et de porter assistance aux démocraties en danger. J’ose donc le «demander aux pouvoirs publics : laissez l’Église et les religions, prônant la paix et la fraternité, jouer pleinement leur rôle de « geste barrière » contre les dérives virales de la peur et du mépris. N’attendons pas qu’il soit trop tard en ayant trop longtemps eu peur qu’il fût trop tôt !
En tant qu’archevêque de Marseille, je suis prêt à mobiliser en ce sens toutes les ressources du diocèse afin que, dans l’esprit des principes énoncés par le Premier Ministre, les chrétiens puissent reprendre rapidement, en respectant strictement les mesures sanitaires qui s’imposent, une vie de prière communautaire et sacramentelle. Je souhaite que les personnes malades, isolées ou détenues puissent être visitées et leurs familles soutenues spirituellement par les services des aumôneries. Afin de porter assistance aux enfants les plus défavorisés, je veillerai, avec les chefs d’établissement, à la réouverture des écoles catholiques, étant prises toutes les précautions sanitaires nécessaires. Nous sommes également prêts à travailler pour que les jeunes des quartiers les plus pauvres puissent être aidés par les Œuvres, les Patronages et les Mouvements catholiques de jeunesse, afin de lutter contre une fracture sociale que le confinement n’a fait qu’élargir. Si l’on veut bien nous le permettre et nous faire confiance, je m’engage à ce que, dès le 16-17 mai, nous soyons en mesure de célébrer les divers sacrements de la vie ecclésiale, dans le respect des mesures de précaution. Le déconfinement ne peut pas être seulement guidé par des impératifs d’ordre économique et sanitaire. Il faut aussi que la vie sociale, culturelle et religieuse puisse progressivement redémarrer. Car pour toute vie humaine, le sens et la relation font partie de l’essentiel. L’Église catholique a montré qu’on pouvait compter sur elle comme partenaire des pouvoirs publics pour réussir le confinement : n’ayons pas peur de lui faire confiance pour réussir durablement le déconfinement !