Les bienfaits de la science sont indéniables. C’est grâce à elle que nous vivons beaucoup mieux et plus longtemps que par le passé.
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Les progrès en médecine, tant au niveau des diagnostics que des soins, reposent sur l’avancée des connaissances en physique et en chimie. Mais nous profitons aussi au quotidien d’un grand nombre d’appareils qui améliorent notre qualité de vie et ont pu être fabriqués grâce aux progrès de la science. L’électricité qui s’est introduite dans tous les foyers il y a un peu plus d’un siècle permet de faire fonctionner la plupart de ces appareils : réfrigérateur, congélateur, électroménager en général, sans oublier la radio et la télévision. L’électronique et l’informatique enfin, avec les ordinateurs individuels et la téléphonie mobile, ont changé nos habitudes au quotidien et facilité la vie courante. L’industrie de manière générale et les techniques de production en particulier, ont pu se développer en s’appuyant sur des bases scientifiques. N’oublions pas enfin l’évolution des transports à tous niveaux, individuel et collectif, tant en ce qui concerne les véhicules eux-mêmes que leur pilotage et leur guidage, avec un outil tel que le GPS dont on aurait du mal à se passer tant il est devenu d’usage courant, y compris pour les loisirs.
Fausses croyances et négationnisme
Nous devons tout cela à la science, et pourtant elle reste perçue beaucoup trop souvent de manière négative. Il semble incroyable, alors que le niveau d’éducation de la population ne cesse d’augmenter, de voir encore aujourd’hui des défenseurs de la Terre plate ou du prétendu tournage du premier pas de l’homme sur la Lune en studio. Tous ces négationnismes et ces fausses croyances sont assez faciles à démonter si on veut bien se pencher sur ces questions de manière logique, et pourtant ils continuent de fleurir, paradoxalement grâce aux moyens de diffusion modernes qui ont pu être mis en place grâce à la science.
Il y a un gros travail à faire auprès des jeunes générations, en leur apprenant à exercer une lecture critique de la masse d’information qu’ils trouvent sur Internet en général et sur les réseaux sociaux en particulier. Les enseignants y contribuent du mieux qu’ils peuvent et les chercheurs ne sont plus enfermés dans leur tour d’ivoire, ils vont de plus en plus souvent au contact du public, et des jeunes en particulier. La tâche reste immense, mais il ne faut pas se décourager. Il y a pourtant de quoi désespérer lorsque le mauvais exemple vient d’en haut puisque l’administration Trump réduit brutalement le budget de la science aux USA. On savait déjà que le président américain voulait sortir de l’accord de Paris sur le climat, aussi n’est-on pas surpris de le voir couper les crédits des laboratoires qui travaillent sur le réchauffement climatique, mais voilà qu’il ne ménage même pas la NASA … laquelle finance pourtant généreusement la société SpaceX d’Elon Musk par ailleurs…
La NASA n’est pas épargnée
L’équipe qui supervise le télescope spatial James Webb (JWST) de la NASA a reçu pour instruction de se préparer à des réductions budgétaires pouvant atteindre 20 % qui toucheraient tous les aspects des opérations de cet observatoire spatial, gérées par le Space Telescope Science Institute (STScI) dans le Maryland. Cette réduction potentielle intervient alors même que le JWST est opérationnel depuis moins de trois ans et plus sollicité que jamais.
Le JWST est un observatoire spatial dédié à l’observation infrarouge de l’univers. Développé par la NASA en collaboration avec l’Agence Spatiale Européenne (ESA) et l’Agence Spatiale Canadienne (ASC), il a été lancé depuis le Centre Spatial de Kourou le 25 décembre 2021 par une fusée Ariane 5. Il est positionné au point de Lagrange L2 (point d’équilibre gravitationnel du système Soleil-Terre) depuis le 24 janvier 2022 et a dévoilé ses premières images époustouflantes au grand public le 12 juillet 2022.
La France est présente dans l’aventure du JWST, notamment à travers sa participation au développement de l’instrument MIRI, l’un des 4 instruments à bord du satellite. Pour l’exploitation scientifique de ce fabuleux télescope spatial, la communauté française des astrophysiciens s’appuie sur le Centre d’Expertise (MICE) qui a été mis en place au Département d’Astrophysique du CEA, à Saclay, avec la collaboration de l’Institut d’Astrophysique Spatial (IAS), du LESIA de l’Observatoire de Paris et du Laboratoire d’Astrophysique de Marseille (LAM).
L’Académie des Sciences alerte
L’Académie des Sciences de l’Institut de France a réagi devant les attaques de la science aux USA. Par la voix de sa présidente, l’astrophysicienne Françoise Combes, l’Académie a publié un communiqué de presse le 18 février 2025. L’Académie des Sciences, Lettres & Arts de Marseille, qui en est la petite sœur, bien qu’elle s’apprête à fêter ses 300 ans en 2026, s’est émue à son tour de la situation. Elle a donc approuvé sans hésitation le texte du communiqué de presse de l’Académie des Sciences, lors de sa séance du jeudi 26 février 2025.
Communiqué de l’Académie des Sciences publié le 18 février 2025
Depuis son investiture le 20 janvier dernier, Donald Trump a pris une série de décisions qui vont impacter très fortement et négativement la recherche scientifique aux États-Unis, ce qui aura des conséquences dans le monde entier, notamment à travers les collaborations internationales qui sont aussi ciblées. Des coupes budgétaires au niveau fédéral ont été annoncées, des licenciements de chercheurs, de fonctionnaires et la suppression de programmes clefs. L’administration de Donald Trump et Elon Musk, son collaborateur chargé de l’Efficacité gouvernementale, qui échappe au contrôle du Sénat car il n’est pas membre du gouvernement fédéral, a décidé de couper drastiquement les fonds d’aide humanitaire de USAID. Cette dernière agence de développement, qui représente 42% de l’aide humanitaire dans le monde, a vu ses fonds soudain gelés, et la désorganisation touche plus d’une centaine de pays, où les diverses ONG sont en très grande difficulté.
Les États-Unis menacent également de quitter l’Organisation mondiale de la santé (OMS) des Nations unies (ONU) et coupent brutalement les crédits des National Institutes of Health (NIH), l’agence nationale de la recherche médicale, tandis que le complotisme et les théories anti-vaccins se répandent au plus haut niveau de l’État fédéral, alimentant les inquiétudes. L’accès universel aux soins est remis en cause, la désinformation médicale se répand dans les réseaux sociaux. Le financement des universités va lui aussi être dramatiquement diminué, par la baisse de l’autorisation de leurs prélèvements sur les montants des contrats de recherche de leurs scientifiques auprès des agences fédérales, désormais plafonnés à 15%, au lieu de 60% antérieurement. L’effondrement de ces outils, essentiels au financement des universités, va affaiblir durablement toute la recherche publique des États-Unis.
Donald Trump a décidé de censurer toutes les recherches et les actions liées au changement climatique. Les États-Unis sont à nouveau sortis de l’accord de Paris, rédigé lors de la COP21, conférence qui avait permis d’aboutir à un accord international sur le climat. Parmi ses premières décisions, Donald Trump a supprimé le programme de la NASA, destiné à la surveillance de la Terre, qui diagnostiquait les gaz à effet de serre, mais aussi la pollution touchant la santé des populations, interrompant la continuité des observations, et impactant négativement tous les pays associés. Toute interruption ruine l’utilité de ces séries temporelles et spatiales, et si d’autres pays ont des programmes similaires, la complémentarité avec les satellites des États-Unis est capitale et doit être soutenue. Donald Trump s’est attaqué à l’USDA, l’agence fédérale en charge de l’agriculture, en lui interdisant de poursuivre des travaux sur le réchauffement climatique. Il a ainsi fait supprimer des sites fédéraux au moins 8 000 pages web mentionnant des sujets désormais interdits, touchant au changement climatique, à l’environnement, à la biodiversité, aux études de genre. Il a aussi démantelé au niveau fédéral le plan de réformes écologiques et sociales pour la protection de l’environnement, le développement des énergies propres et renouvelables, et au contraire annonce son soutien renforcé au développement de l’industrie des énergies fossiles.
Au prétexte de lutter contre l’idéologie « woke », et de défendre les valeurs traditionnelles, l’administration Trump s’attaque aux politiques de DEI (diversité, équité, inclusion) qui visent à encourager la progression sociale des minorités défavorisées. Toute discrimination positive est désormais interdite : ceci s’applique tout aussi bien aux étudiants étrangers aux États-Unis qu’aux femmes et aux minorités dans les entreprises, les universités et les institutions académiques.
L’Académie des sciences est très préoccupée par ces coupures budgétaires, le licenciement brutal des personnels de recherche les plus précaires, les étudiants en thèse et les post-doctorants. Des années de formation et de recherche sont soudain perdues, les travaux interrompus, et les collaborations internationales sacrifiées. La recherche scientifique est aujourd’hui mondialisée, et tous les pays vont subir l’impact de ces décisions. De surcroît, l’obscurantisme qui règne, la négation de la réalité par l’usage débridé de la désinformation montrent combien l’autorité de la parole scientifique est menacée auprès des décideurs politiques, de même que la place de la raison dans le débat public. La censure exercée aujourd’hui va réduire la liberté de recherche dans les secteurs les plus porteurs et priver les processus de décisions individuelles et collectives de l’éclairage des recherches scientifiques et des rapports d’organismes spécialisés comme le GIEC. L’impact sur les générations futures, sur la biodiversité et la santé de la planète va se révéler catastrophique. Les dégâts causés en si peu de temps seront beaucoup plus longs à réparer.
L’Académie des sciences exprime sa solidarité avec le monde scientifique des États-Unis en cette période chaotique. Elle invite les chercheurs de notre pays à rechercher activement les moyens de maintenir les collaborations scientifiques qui sont en cours. Nous restons très attentifs à l’évolution de la situation qui pourrait avoir des conséquences ultérieurement dramatiques pour la recherche mondiale et la compréhension de la science par le public. L’Académie des sciences s’efforcera de contribuer à toutes mesures permettant à nos collègues des États-Unis de poursuivre la recherche splendide qu’ils ont effectuée jusqu’à ce jour, pour le bien de leur pays et de l’humanité.