Publié le 5 avril 2017 à 23h27 - Dernière mise à jour le 29 novembre 2022 à 12h24
« L’attractivité » est un mot qui s’invite désormais régulièrement et façon croissante dans les grands débats politiques et économiques depuis une petite dizaine d’années seulement. Jusque-là défendus et promus par les acteurs du développement économique dans les départements et/ou certaines villes leaders en terme d’image (Montpellier, Nantes, Lyon), ce terme recouvrait l’enjeu de la promotion du territoire à des fins d’attirer des investisseurs étrangers, susceptible de créer des emplois additionnels (exogènes) à ceux d’origine endogènes.
Les années 2000 ont marqué en France un tournant, avec le chantage des grandes entreprises industrielles qui, fragilisées par la concurrence internationale devinrent maîtres dans l’art de maximiser les subventions publiques et/ou incitations de toutes sortes. Aux célébrations des nouveaux arrivants (comptabilité basée sur les futures créations d’emplois à 3 ans), survinrent les lendemains qui déchantent avec licenciements, ventes d’actifs, salariés désabusés, etc. générant évidemment un climat de défiance envers la promesse politique et le type de stratégie à mener à l’international.
Aujourd’hui la croissance des acteurs du numérique a indéniablement réduit l’influence des acteurs en charge de l’attractivité dans les territoires, plaçant d’avantage l’image et l’engagement des écosystèmes au cœur du jeu, cf. les actions de la French Tech. La professionnalisation des acteurs s’est accentuée à travers des formations supérieures spécialisées et des recrutements ciblés sur des profils internationaux. Le monde de l’attractivité était en définitive un monde étroit ou une petite dizaine d’agences expérimentées en France, effectuaient 80% des interventions vers les prospects étrangers, tandis qu’une centaine de petites structures souvent hébergées au sein des communautés de communes et/ ou des CCI, se contentaient d’accompagner les quelques flux de prospects français et étrangers restants. Pendant ce laps de temps et en dépit des annonces surjouées des décideurs politiques finançant ces structures, le nombre des investisseurs étrangers n’a cessé de se ralentir en valeur relative des flux d’investissements étrangers dans le monde. A ce titre on peut regretter la base de calcul archaïque des IDE, qui mesure les flux de capitaux comparatifs dans les pays (y compris les participations boursières). La France tire ainsi avantage de règles de jeu qui lui sont favorables, car bénéficiant de participations étrangères dans le capital des grandes entreprises, supérieure à la moyenne européenne. Toute augmentation de seuil dans une société conférant mécaniquement un gain comptable dans le bilan du pays « benchmarqué ».
En réalité, les prises de conscience ont changé plus vite que les structures, qui courent toujours derrière les grandes tendances. L’Attractivité est devenue aujourd’hui un enjeu partagé par les acteurs du tourisme, du sport, de la culture, de la recherche, de la médecine car, le marketing s’est installé aujourd’hui à sa juste place dans la compétition mondiale que se livrent les sites touristiques, les lieux de spectacle, les enceintes sportives; les musées, les pépinières d’entreprises, les technoparcs, les hôpitaux, les écoles et universités et ainsi de suite. D’ailleurs, l’alignement des planètes se fait à l’échelon national, régional et métropolitain. Signe des temps, l’agence promouvant l’attractivité (AFII) a rejoint début 2015 Business France et les ambassades ont mission de promouvoir la diplomatie sportive et culinaire, en sus de celles historiques de faire rayonner notre langue, notre culture, notre science, notre économie. En région, les départements ont remis les clefs aux métropoles tandis que les Régions s’emploient à jouer au mieux leur rôle de chef d’orchestre et d’accélérateur d’image.
Une chose est sûre, notre vision de l’attractivité en France, est singulière en rapport des autres grandes nations avec qui nous sommes en compétition. Bizarrement, les américains, leaders mondiaux du marketing, ne sont pas les plus pointus en marketing territorial et c’est ce qui devrait nous interroger ! En effet et alors que nous (la France) multiplions les points de prospection et de « réseautage » sur leur continent (les USA), ces derniers font l’inverse en diminuant dans la plupart des grandes puissances d’Europe occidentales leurs forces commerciales. Les États-Unis n’ont pas l’équivalent de « Business France » et ses centaines de commerciaux, cf. au CES Las Vegas ou nous pouvons assez aisément revendiquer en nombre d’entreprises, le 3e rang mondial.
Un autre cas d’école mérite d’être surligné: L’Allemagne qui, jouant les faits bien plus que l’image attire des investisseurs de toute part surclassant ses dauphins français et britanniques, l’Allemagne trace sa route sans flyer ni trompette, sur de son statut et de son avenir. La décision d’accueillir 1 Million de réfugiés est paradoxalement la mesure la plus emblématique en Europe, en faveur de l’attractivité du pays sur la dernière décennie. Mme Merkel maîtrise l’art de faire du Marketing sans passer par les grilles de lecture habituelles, quand les États-Unis cultivent mieux que quiconque, la liberté d’entreprendre, et assument leur désir collectif et individuel de s’enrichir. Fidèle à sa tradition, la France continue de s’afficher partout et sur tous les sujets, ignorant ou feignant d’ignorer la faible valeur ajoutée réelle de ses actions.
Si comparaison n’est pas raison, la Californie, 6e puissance mondiale depuis 2016 (par son PIB), dispose d’une petite centaine de personnes au service de la promotion et de l’appui à l’international, dont moins de 10 à Sacramento, la capitale politique de l’État…de quoi réfléchir !
Dans un monde ou chaque décideur est chaque jour, mieux informé de ce que fait l’autre, le marketing territorial n’échappe pas a l’uberisation de son activité. Un entrepreneur est tout a fait enclin à aller chercher un partenaire au Chili comme une entreprise chinoise peut facilement identifier le meilleur site d’implantation de sa future usine en Bretagne. La création de valeur n’est plus de prendre la main d’un entrepreneur pour qu’il franchisse l’Atlantique ou la Méditerranée, mais d’impliquer celui-ci dans le dessein collectif national ou régional. Là, est la clef d’entrée, de mon point de vue, d’une stratégie moderne de marketing territoriale: Que l’on soit élu, entrepreneur, chercheur, étudiant, citoyen, leader d’opinion, il semble nécessaire de faire converger chacun vers un même cap, et de créer des résonances autour de mêmes mots-clefs.
L’attractivité doit redevenir une couche générique servant les intérêts de tous ceux qui vivent et travaillent sur un territoire donné. L’attractivité est un mot qui se décline aussi bien au singulier qu’au pluriel, aux flux entrants comme aux flux sortants, aux visiteurs comme aux investisseurs. En ce sens, le Pays, les Régions et les Métropoles doivent faire converger leurs stratégies respectives dans le même sens. L’état en inspirant une trajectoire de long terme et une lisibilité de ses mesures fiscales, sociales et sociétales, les régions en forgeant le relief et en concevant le récit structurant, les métropoles en investissant l’ambiance et les contenus relatifs aux implantations des particuliers et des professionnels.
Une stratégie en faveur de l’attractivité en Région et dans les métropoles pour être efficace, doit couvrir les deux champs indissociables que sont la qualité de vie et la qualité de travail. Il est plus facile de faire croître un bon climat d’affaires qu’un bon climat de vie, mais les deux s’autovalorisent.
En fin de compte, la région idéale ne serait-elle pas une région qui assumerait son ambition de viser cet équilibre parfait, quand les objectifs individuels rejoignent les objectifs professionnels ? Mieux se nourrir, mieux se mouvoir, mieux se loger, mieux de soigner, mieux vieillir, mieux travailler, mieux se cultiver, mieux se distraire…
A regarder de prés toutes ces formules, peu de régions en Europe jouissent de ces prédispositions, même si plusieurs d’entre elles ont des fondamentaux. Il est possible aujourd’hui pour la région Provence Alpes cotes d’Azur, de proposer un dessein au carrefour de 3 grandes idées forces:
-Faire adhérer l’ensemble des citoyens aux fondamentaux que recouvrent leur région
-Corriger la perception de la région vis à vis de l’extérieur,
-Embarquer ceux qui travaillent, ceux qui résident et ceux qui visitent vers un même dessein au delà de 10 ans.
Aucune région en Europe n’est en mesure d’afficher une ombrelle marketing aussi équilibrée; La région a de ce fait une véritable carte a jouer au niveau de la construction d’une image, d’une région à la fois authentique, fière et ambitieuse ou se fond vie pro et vie perso. Si décalage il y a entre la représentation individuelle et l’interprétation collective, toute action marketing sera vouée à l’échec. Une région se sent unie et d’autant plus forte qu’elle partage des mêmes mots clefs et qu’elle arrive à se projeter vers un futur commun. Alors que le grand dessein national est en panne, la région Paca en particulier, serait tout indiquée pour participer à la restauration d’une grande ambition collective.
Pierre Distinguin Expert en Attractivité