Publié le 18 janvier 2020 à 11h13 - Dernière mise à jour le 4 novembre 2022 à 12h47
Les écoles marseillaises, ce n’est ni une galéjade, ni un serpent de mer, «ça marche comme les affaires de la ville !» dirait l’expression marseillaise. Et pour être une affaire, c’en est une ! Je ne parle pas de ce qui relève de l’État mais de la commune. Car, chacun sait que la loi de décentralisation de 1983 a transféré aux collectivités de nouvelles compétences en matière d’éducation, tout en conservant à l’État l’intégralité de son primat en matière pédagogique. Le législateur a ainsi créé un système de partage des compétences entre l’État et les collectivités locales en confiant aux régions, départements et communes la responsabilité du fonctionnement matériel et de l’investissement. C’est en cela que les villes ont la lourde responsabilité de créer les conditions optimales pour contribuer à l’épanouissement des citoyens de demain. Et à Marseille, hormis pour la majorité sortante qui le croit «dur comme fer», nous sommes loin, très loin du compte. L’école, cœur de la Nation, l’école au centre des régions, l’école dans les départements, et surtout l’école propriété intrinsèque de la ville, c’est presque une utopie et surtout à Marseille. Marseille, est une ville magnifique à la fois forte et complexe. Au delà des enjeux économiques, environnementaux, culturels et humains, notre cité souffre d’une véritable fracture sociale qui se ressent dans nos 470 unités d’enseignement. Nos établissements ont besoin d’un projet d’envergure réfléchi, réalisable et surtout en phase avec la réalité et les besoins des usagers. Beaucoup s’expriment sur l’école sans pour autant en saisir les véritables enjeux. N’est pas professionnel de l’école qui veut ; il n’y a qu’à voir le nombre d’intervenants qui ne savent même pas faire la différence entre écoles primaires et écoles maternelles et élémentaires ! On ne s’improvise pas en «sauveur», ni en tribun d’ailleurs ! On agit au quotidien en vivant l’école. Au fil des décennies, les exécutifs locaux n’ont cessé de mener des politiques basées sur des projets d’aplats sans prendre en compte la réalité des besoins ; conséquence d’une succession de majorités municipales qui ne connaissaient pas l’école et qui ont privilégié les projets d’envergure au quotidien des écoliers. L’école fait partie de mon ADN. Instituteur, enseignant de Segpa puis directeur, j’ai exercé dans les quartiers Nord et Est de la ville durant deux décennies. Hier Principal de collège, aujourd’hui, proviseur d’un grand lycée marseillais, j’ai traversé le système éducatif de la maternelle à la terminale. Tout au long de ces années, j’ai vécu, enduré, observé … et le constat est sans appel. L’état du bâti est catastrophique dans de très nombreuses écoles et plus particulièrement dans celles du Nord et du centre de la ville. Au delà de la vétusté des lieux ou des sites qui ne sont plus en conformité, c’est le manque d’entretien qui a cruellement fait défaut. Pour certains, c’est déjà trop tard. Et c’est toute cette négligence qui avait contraint, la municipalité Vigouroux [[Robert Vigouroux a été maire de Marseille de 1986 à 1995]] à privatiser la confection des repas. Il faut que la commune prenne ses responsabilités et réagisse urgemment en créant tout d’abord un véritable service de proximité d’entretien des écoles dédié à l’urgence de petits travaux et géré par chaque mairie d’arrondissements avec des brigades techniques capables d’intervenir à tout moment. Outre l’entretien, c’est le suivi qui fait défaut. C’est pourquoi, la création d’un service d’études, de suivi et d’accompagnement des travaux à l’instar de ce qui se fait dans d’autres collectivités paraît indispensable.
Diagnostiquer, étudier, programmer, rénover et construire.
Et puis se pose non pas le problème mais le «DANGER» des écoles à reconstruire ou à rénover. Le PPP [[Partenariat public-privé]] n’était pas une erreur mais une aberration, une folie. Outre la « RAPIDE » réflexion que la prochaine mandature devra avoir sur les modalités et financement via la Banque européenne d’investissement, la Banque des territoires, l’établissement public de défaisance ou autre maîtrise d’ouvrage publique, l’urgence sera d’instaurer un pôle de rénovation constitué d’experts issus de la ville de Marseille, des instances de l’éducation nationale, des représentants des parents d’élèves et des agents afin de diagnostiquer, étudier, programmer, rénover et construire. Par ailleurs, nos écoles sont des puits sans fond en matière de chauffage et chaudières. Les changements climatiques vont bouleverser les paysages et les températures. En ces temps de profonde évolution, la municipalité devra réfléchir à une meilleure prise en compte du froid et du chaud tout en s’assurant que « TOUTES » les écoles aient un chauffage fonctionnel avec un service d’entretien qui anticipe et intervient rapidement. Après le diagnostic accablant du bâti, lequel d’ailleurs est dans l’incapacité de répondre à l’accueil des élèves handicapés, ce sont nos cantines qui sont à plaindre. Les repas sont de piètre qualité, les circuits courts comme le Bio ne sont pas privilégiés, les cantinières n’existent plus, elles sont devenues des agents d’encaissement à la solde de l’entreprise privée et ne font plus que désoperculer des barquettes souvent sans saveurs. De nombreux réfectoires ne sont pas en adéquation avec le principe du self et les agents sont encore, à l’image des années cinquante, employés en tant que surveillants plutôt qu’en qualité de personnels qualifiés pour accompagner le repas de manière éducative. Et puisque l’on parle des agents, les bonnes questions ont-elles été posées ? A-t-on essayé, à un moment donné de se mettre un tantinet à leur place ? Qui aujourd’hui serait capable d’exercer plusieurs métiers à la fois dans la même journée en milieu scolaire ? Alors que nombre de nos concitoyens dorment encore, elles, sont déjà sur leur lieu de travail pour y faire de l’entretien passant des classes aux couloirs, des couloirs aux toilettes et des toilettes à la cour. Puis, elles enchaînent sur la mise en place du réfectoire. Arrive ensuite le temps du repas et de sa surveillance en alternance avec celle de la cour. Et lorsque tout cela est terminé, elles nettoient l’espace déjeuner pour espérer finir leur labeur. Se pose-t-on la question de leur état physique et psychologique? Certains règlent la problématique en parlant d’embauches ! Mais avant cela, ne faut-il pas réfléchir à leurs conditions de travail, à la valorisation de leurs tâches et à une meilleure répartition de leurs missions ? Une fois toutes ces problématiques abordées, nous pouvons rentrer dans la classe mais sans interférer dans les missions de l’Éducation nationale. Et là, le bilan est très contrasté. Des aides existent par le biais de la caisse des écoles mais elles sont limitées et surtout très inégales. À quand des projets systématiquement subventionnés (avec un plafond) pour chaque école ? À quand les transports en commun gratuits dans le cadre des projets de classe ? Parallèlement, il y a ce que la commune peut proposer en tant que collectivité partenaire. Certes, il existe des plans d’envergure tel que le plan lecture par exemple mais qu’en est-il de l’accompagnement de l’élève en matière de numérique, de transition écologique, d’environnement, d’art et de culture, de connaissance de la ville, de son histoire, de son patrimoine ? Dois-je également aborder le scandale de la natation où dans une ville de Méditerranée, plus de la moitié de nos enfants ne savent pas nager parce que, entre autres, nous ne pouvons pas emmener tous nos élèves à la piscine par manque d’infrastructures ou de moyens humains ? Certains candidats veulent rehausser les grilles des écoles et mettre en place une multitude de caméras. Est-ce bien là la priorité ? Ces fervents du tout sécuritaire ne font qu’attiser les peurs ! N’est-il pas préférable de réfléchir à la sécurisation des abords avec une signalétique homogène ou encore à la présence de médiateurs tout en en dotant chaque entité de système de surveillance et d’intrusion de qualité ? Est-il bien nécessaire que je poursuive avec les garderies et leurs forfaits qui ne prennent pas en compte les situations d’urgence ou encore avec la disparition imminente des services d’études ou de la transformation indispensable du fonctionnement de la caisse des écoles ? … Arrêtons là ! Les écoles de notre cité sont en crise. Soyons fidèles aux principes qui ont conduit à la création des États généraux au XIVe siècle : posons-nous un instant, faisons ce que jamais personne n’a fait à Marseille : mettons de côté les divergences, les idéologies pour unir les bonnes pensées pour en faire les meilleures idées afin que nos écoles ne soient plus traitées comme un enjeu, mais comme un devoir ! L’école est le lieu du savoir, du savoir-faire et du savoir-être, soyons ceux qui possèdent le savoir en sachant être ceux qui savent faire pour les écoliers marseillais, futurs citoyens de notre belle cité.