Publié le 11 décembre 2016 à 10h36 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 15h46
Depuis avril 2014, les négociations entre Israéliens et Palestiniens sont interrompues. Certains estiment que les Israéliens se contenteraient de la situation de status quo, préférant gérer le conflit plutôt que chercher à le résoudre. En fait, sur le terrain, il n’y a pas de status quo, dans la mesure, où la construction de logements ou de mobil homes dans les implantations israéliennes se poursuit, ou de nouvelles implantations s’édifient, malgré leur caractère illégal, au regard même de la justice israélienne. En 1993, il y avait 110 000 colons en Cisjordanie. Fin 2016, il y en a 385 500 (non compris Jérusalem-Est). Il y a environ 90 000 colons qui vivent à l’Est de la barrière de sécurité érigée par les israéliens en 2003. Il y a 129 implantations, dont une centaine d’illégales.
Aussi, face à l’absence d’avancée significative, les Israéliens s’activent sur un autre plan. Ils espèrent, que compte tenu des bouleversements qui interviennent dans la région, la guerre en Syrie, en Irak, au Yémen, l’animosité croissante entre Iraniens et Saoudiens, et plus largement, entre chiites et sunnites, les relations entre l’Arabie saoudite et Israël devraient prendre un caractère officiel. Cependant, cet espoir est réduit à néant, les Saoudiens ont clairement fait savoir, à plusieurs reprises, que la résolution de la question palestinienne est un préalable à toute officialisation des relations entre Israël et l’Arabie saoudite. C’est ce qu’exprime Kerry, lors d’une conférence donnée au Saban Center début décembre : « There will be no advance and separate peace with the Arab world without the Palestinian process and Palestinian peace. Everybody needs to understand that. That is a hard reality« .Il apparaît ainsi que la question israélo-palestinienne reste un élément important de la stabilité dans la région, sans pour autant imputer les désordres dans la région au fait que le conflit israélo-palestinien n’est toujours pas résolu.
Certains développements récents indiquent que la situation, devrait connaître une évolution à court terme. Ces développements concernent l’éventuel transfert de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem, l’initiative française d’organisation d’une conférence internationale avant la fin de l’année, l’attitude de la diplomatie américaine avant le 20 janvier 2017 et après 2017, et enfin, la question de Amona, colonie israélienne en Cisjordanie.
1. Lors de la campagne électorale, Donald Trump avait promis que s’il était élu Président il ordonnerait le transfert de l’ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem. Rappelons que toutes les ambassades sont localisées à Tel-Aviv, considérant que, tant que le conflit n’est pas résolu, la communauté internationale ne reconnait pas Jérusalem comme capitale d’Israël. A plusieurs reprises, les Israéliens ont demandé, en particulier, aux Américains d’opérer le transfert, sans succès. Aussi, il est aisé de comprendre que l’élection de Trump ait donné espoir aux Israéliens qui verraient leur revendication aboutir. Pourtant, celle-ci n’est pas première pour Netanyahu, d’autant plus que les Égyptiens ont fait savoir à la future administration de Trump qu’ils s’opposeraient fortement au transfert, étant donné l’importance pour la population égyptienne et arabe en général, de Jérusalem, troisième lieu saint de l’islam. De même, les Palestiniens considèrent que le transfert serait perçu comme un «casus belli». Aussi, sont-ils en train de se coordonner avec plusieurs pays arabes, dont l’Égypte, la Jordanie, l’Arabie saoudite, le Maroc et la Ligue arabe, dans l’hypothèse où la décision du transfert serait prise. D’après Uri Savir, la réaction des pays arabes prendrait plusieurs formes :
-Abolition des accords israélo-palestiniens, dits accord d’Oslo
-Restreindre les relations entre Israël et ses voisins, la Jordanie et L’Égypte
-Retrait de l’Initiative Arabe de Paix, voté par la Ligue Arabe eu 2002 et réaffirmée en 2007
-Appel à la communauté internationale afin que celle-ci prenne des mesures contre Israël
-Révolte armée « Al-Quds Intifada ».
Une idée circule. Les américains ne transféreraient qu’un service de l’ambassade, et non la totalité. Il serait question du service communications. Cependant, il est possible que, du point de vue du Premier ministre israélien, l’idée du transfert n’est pas prioritaire. Tout en y étant favorable, il considère probablement que l’essentiel pour lui est de poursuivre la construction en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.
2. L’initiative française. En juin dernier les français avaient invité à Paris, plusieurs pays, dont les Américains, afin de discuter des mesures que la communauté internationale pourrait prendre afin d’encourager les deux parties à reprendre les négociations et à aboutir à un accord. Les Israéliens et les Palestiniens n’avaient pas été conviés. A cette conférence, qui a réuni plus de 20 pays, il été décidé qu’une seconde réunion aurait lieu avant la fin de 2016, avec, cette fois les Israéliens et les Palestiniens. Depuis, les Israéliens ont fait savoir qu’ils ne seraient pas présents. Cette initiative de conférence internationale leur parait contre-productive. Ils sont plutôt en faveur d’une négociation directe entre les deux parties, sans intervention de tierce partie. De leur côté, les palestiniens ont affirmé, à plusieurs reprises, qu’ils sont en faveur de l’initiative française, et qu’ils seront présents à la réunion de fin décembre. La question, à l’heure actuelle, est de savoir si d’administration de Obama sera présente. En principe, cette conférence devrait avoir lieu, quelques jours avant Noël. Aux dernières nouvelles, la position des Israéliens s’est modifiée. Netanyahu serait prêt à venir à Paris rencontrer Abbas et les Français, à condition que les autorités françaises abandonnent l’idée de conférence internationale.
3 Les États-Unis. La fin du mandat d’Obama est fixée au 20 janvier 2017, aussi beaucoup se demandent si l’administration américaine prendra une initiative concernant le conflit israélo-palestinien avant cette date limite. Dans l’hypothèse où il souhaiterait intervenir, il pourrait, soit faire un discours présentant les paramètres de la résolution du conflit, à l’instar des paramètres de Clinton de janvier 2001, énoncées quelques jours avant la fin de son second mandat de président, soit, il pourrait s’abstenir lors du vote d’une résolution au Conseil de Sécurité qui porterait sur les implantations israéliennes en Cisjordanie, considérées comme illégales, au regard du droit international.
4. L’attitude des Américains pourrait être influencée par la question d’Amona. Amona est une implantation israélienne, située en Cisjordanie, considérée comme illégale aux yeux de la justice israélienne car construite sur des terres privées appartenant à des Palestiniens. La Cour Suprême israélienne a fixé une date limite à l’évacuation et la destruction de cette implantation au 25 décembre prochain. Le Premier ministre israélien, considérant qu’il lui sera difficile, voire impossible, de ne pas donner suite à cette injonction, se trouve dans l’obligation d’obtempérer, malgré l’opposition d’une partie de sa majorité, menée par l’actuel ministre de l’éducation, Bennet. La décision des Israéliens de donner suite est suivie avec attention par la communauté internationale, en particulier les Américains, et surtout les premiers intéressés, les Palestiniens. Ces derniers, paradoxalement, se réjouissent de cette décision du Parlement israélien. Pour eux, si le vote sera définitivement acquis (rappelons que le texte n’est finalement adopté qu’à la troisième lecture et dernier vote), alors la preuve sera faite, aux yeux de la communauté internationale, que le gouvernement israélien n’a aucunement l’intention de négocier la solution de deux États, et, que, son véritable objectif, est l’annexion de la Cisjordanie. Le ministre israélien de l’Éducation, Bennet, déclare clairement que l’intention de son parti est d’arriver à l’annexion de la zone C, c’est-à-dire de 60% de la Cisjordanie. Un rapport de l’ONG « La Paix Maintenant » indique, que si la loi est adoptée, elle validera, rétroactivement, non seulement Amona, mais près de 4 000 structures, construites sur des terres privées palestiniennes. Ces structures se décomposent en 2 744 structures permanentes et 1 177 mobil homes ou préfabriqués.
Lors de sa conférence devant le Fatah, Abbas a déclaré que 2017 sera l’année décisive, aussi cette loi, aidera les Palestiniens dans leur effort de persuasion de la communauté internationale. C’est ce qu’exprime un officiel palestinien : « I can’t deny that the (proposed bill) helps us to better explain our position. We couldn’t have asked for anything more. »
Ajoutons, pour être complet que, la loi n’est encore pas votée, aussi il n’est pas impossible que le premier ministre, Netanyahu, face aux vives critiques des Européens et des Américains demande à sa majorité de retirer le texte. Et, dans l’hypothèse où la loi serait finalement adoptée, la Cour Suprême devrait, en principe, s’opposer à son application. Mais, le mal est fait, les Palestiniens trouveront, en toute hypothèse, des arguments en leur faveur.
En conclusion, la solution de deux États, Israël, la Palestine, ne semble pas réalisable à court ou même à moyen terme. Aussi, compte tenu de la situation économique difficile, voire intenable pour les habitants de Gaza, il faudrait, en attendant qu’un accord mette fin au conflit, prendre certaines mesures dans les mois qui viennent, afin d’améliorer le quotidien des Palestiniens. Ces mesures ne doivent pas se substituer à un véritable règlement du conflit, qui devra traiter des questions sensibles, telles celle des réfugiés Palestiniens, du tracé des frontières définitives, de Jérusalem. Il ne s’agit pas d’une «paix économique», mais de réagir à une situation d’urgence. L’actuel ambassadeur de l’Union européenne, M. Lars Faaborg-Endersen, vient de proposer que soient rapidement mises en place des mesures portant sur les questions de l’eau et de l’environnement. Il se demande si la politique du «tout ou rien» ne serait pas à revoir. Plutôt que de vouloir résoudre toutes les questions relatives au conflit, il propose que la communauté internationale se mobilise pour promouvoir des avancées modestes mais très utiles pour la population, comme l’accès à plus de ressources en eau. Ainsi, il faudrait réactiver le Comité israélo-palestinien de l’eau, mettre en place un programme de dessalement et de retraitement des eaux usées. Après tout, fait remarquer l’ambassadeur allemand en Israël, Clemens von Goetze, les technologies permettant la production d’eau non conventionnelle (eau dessalée, eau usée retraitée) sont en Israël parfaitement maitrisées. Il ajoute : « Here in Israel water technology is maybe the most advanced in the world. »
Le Professeur Gilbert Benhayoun est le président du groupe d’Aix -qui travaille sur les dimensions économiques d’un accord entre Israël et les Territoires palestiniens- qui comprend des économistes palestiniens, israéliens et internationaux, des universitaires, des experts et des politiques. Son premier document, en 2004, proposait une feuille de route économique, depuis de nombreux documents ont été réalisés, sur toutes les grandes questions, notamment le statut de Jérusalem ou le dossier des réfugiés, chaque fois des réponses sont apportées. |