Publié le 26 juillet 2017 à 19h10 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 17h18
La dernière flambée de violence à Jérusalem ne semble en rien spontanée. Tout porte à croire qu’elle s’inscrit dans un calendrier précis avec des objectifs clairs où rien n’a été laissé au hasard afin de compromettre le rapprochement entre l’État Hébreu et les pays sunnites modérés.
Si le «Mont du Temple / Esplanade des mosquées» à Jérusalem est un lieu de très haute spiritualité revendiqué à la fois par les juifs et les musulmans, c’est également une poudrière qui à la moindre étincelle risque d’enflammer la région toute entière.
C’est dans ce contexte, que deux policiers israéliens viennent d’être assassinés sur le lieu le plus saint du Judaïsme et le troisième lieu saint de l’Islam. S’agit-il d’un énième avatar du conflit opposant Israéliens et Palestiniens ou se tramerait-il quelque chose de beaucoup plus important que la plupart des commentateurs ont passé sous silence ?
L’attentat du «Mont du Temple / Esplanade des mosquées» est un événement sans précédent !
Si l’on analyse les faits de manière précise et objective, rien n’est anodin. Tout d’abord, l’assassinat par arme à feu de deux policiers sur ce lieu sacré est un fait sans précédent. Ensuite les victimes sont des Druzes. Il s’agit d’une population non juive très bien intégrée en Israël dont l’immense majorité des membres fait son service militaire dans Tsahal, l’armée de défense d’Israël. Les assassins, sont des Arabes israéliens et non pas des Palestiniens des territoires. Qui plus est, dans les familles des victimes et des assaillants on retrouve des députés de la Knesset, le parlement israélien. Outre l’horreur de l’acte, ce sont bien des symboles qui ont été attaqués afin de fragiliser la coexistence pacifique entre les communautés et soulever la réprobation internationale à la suite de la mise en place de mesures préventives par les autorités israéliennes.
Une préparation minutieuse et un timing bien calculé
Les bandes de vidéosurveillance ont pu retracer les différentes étapes de la préparation de l’attentat par les trois terroristes et leurs complices. Ainsi, les armes ayant servi à l’attaque ont été déposées la veille dans la mosquée al Aqsa, sans que l’autorité musulmane gérant les lieux, le Waqf, ne le signale.
Le timing n’a rien d’aléatoire également. En effet, Israël vient d’engranger de nombreuses avancées sur le plan diplomatique, commercial, énergétique, scientifique ou sécuritaire, avec l’Afrique, l’Inde, la Chine, la Turquie et certains pays de l’UE.
Plus important encore est la constitution d’une coalition entre l’État Hébreu et les pays du Golfe afin de faire face à la double menace existentielle représentée par les djihadistes sunnites et l’Iran. Alors que dans le même temps, la cause palestinienne semble passer au second plan avec des sérieux revers pour l’entreprise BDS-Boycott, désinvestissement et Sanctions ou encore l’érodement de la majorité automatique contre Israël lors des votes à l’ONU.
Signalons enfin, l’embellie, dans les rapports entre Israël, l’Autorité Palestinienne (AP) de Mahmoud Abbas et la Jordanie suite à la signature d’un important projet d’infrastructure hydraulique et énergétique qui risque d’être sérieusement compromis avec les derniers événements.
A qui profite le crime ?
Qui aujourd’hui peut avoir intérêt à provoquer cette vague de violence à l’évolution imprévisible ? D’après les services de renseignements jordaniens, deux des assaillants étaient affiliés au Hamas, -la branche gazaouite des Frères musulmans-, ennemi juré d’Israël, mais aussi de l’AP et de l’Égypte du Président al-Sissi.
Face à la politique de fermeté de l’Égypte et au déploiement de contremesures israéliennes pour lutter contre les tunnels offensifs et les tirs de missiles, le Hamas, pour légitimer son existence et reprendre le leadership palestinien contre Israël, avait besoin d’une action forte à haute valeur symbolique capable de mobiliser le monde musulman. L’attentat de Jérusalem en a toutes les caractéristiques. Et vu la flambée de violence que cela a généré de par le monde on peut considérer que le but a été atteint.
Derrière le Hamas, l’Iran
Le nouveau Premier ministre de l’enclave côtière, Yahya Sinouar, issu de la branche militaire du Hamas a la réputation d’un dur aux méthodes brutales. Il a signé le rapprochement de son mouvement avec l’Iran, alors que son prédécesseur, Ismaïl Haniyeh avait pris ses distances avec la théocratie chiite. Selon toute vraisemblance, l’attentat de Jérusalem, scellerait les retrouvailles des anciens alliés et permettrait à Téhéran de reprendre pied dans cette région qui plus est, en ouvrant un nouveau front, à l’intérieur même d’Israël, dont les Mollahs prédisent la disparition prochaine.
L’arbre qui cache la forêt
Mais au-delà de l’aspect tactique quel peut être le gain stratégique pour Téhéran ?
Tout d’abord, l’Iran opère une manœuvre d’encerclement d’Israël via le Liban avec le Hezbollah et ses dizaines de milliers de missiles, la frontière syrienne où sont déployés les pasdarans, l’armée d’élite du régime et ses supplétifs, et à nouveau le Sud via le Hamas à Gaza.
Mais par-dessus tout, pendant que l’attention des chancelleries occidentales et du monde arabo-musulman est détournée vers la «Ville trois fois sainte», la République islamique avance ses pions dans le redécoupage de la Syrie suite à l’accord de cessez-le-feu Russo-Américain. L’objectif étant de constituer un axe chiite allant de Téhéran jusqu’à la Méditerranée, tout en favorisant la révolte des populations chiites du Golfe ou du Yémen. Au final, la flambée de violence à Jérusalem, met en péril l’alliance stratégique entre Israël et les pays sunnites modérés qui ne peuvent, face à une opinion publique endoctrinée depuis des dizaines d’années, prendre officiellement le parti de l’«Entité sioniste». Cette coopération est pourtant vitale pour ses participants car elle seule est capable de s’opposer aux visées hégémoniques de Téhéran.
Le rôle des démocraties occidentales
Si l’on veut sincèrement résoudre cette crise, il faut la remettre dans son contexte régional. Il est illusoire, en effet, de penser que la paix entre Israéliens et Palestiniens est possible alors que la guerre prévaut partout ailleurs, sur un fond de lutte millénaire entre sunnites et chiites, et d’intérêts pétroliers.
Accabler en permanence l’État Hébreu ne sert à rien. Il faut au contraire aider un allié dans la lutte commune contre le terrorisme et consolider cette coalition des pays arabes modérés. Car, si demain venaient s’ajouter à la Syrie, l’Irak, le Liban, le Yémen ou la Libye, la décomposition des pays du Golfe, à coup sûr l’onde de choc s’en ferait sentir jusqu’à chez nous.
On le sait, et nous l’avons payé avec le prix du sang. Tout ce qui se passe au Proche et au Moyen-Orient a un impact sur nos démocraties. Il s’agit désormais de savoir si nous voulons être acteurs de la lutte de la civilisation contre la barbarie ou être les victimes impassibles et aveugles de l’obscurantisme !