La guerre surprise du Hamas, à partir de Gaza, a causé des pertes considérables parmi la population civile israélienne. Désormais, le monde est suspendu à la réponse de Tsahal (armée de défense d’Israël) dont les bombardements actuels de l’enclave côtière n’en sont que le prélude, et à celle de l’Iran dont l’attaque porte la marque.
Il y a quelques jours à peine, c’est le rapprochement israélo-saoudien qui faisait l’actualité. Aujourd’hui ce sont les scènes de désolation avec des cadavres de femmes, d’enfants et de vieillards qui jonchent les rues de la « Terre sainte ». Le but était de semer la terreur, alors que le pays était divisé comme jamais auparavant du fait de la réforme judiciaire controversée menée au pas de charge par le gouvernement actuel. Mais c’est mal connaître la résilience des Israéliens et leur sens de l’unité dans les moments les plus difficiles de leur histoire.
Une tragédie sans précédent
Une pluie de près de 5 000 roquettes, l’infiltration de 1 200 terroristes armés causant plus de 900 morts dont une très large majorité de civils, de tous âges, 2 600 blessés, dont certains dans un état désespéré, et 100 otages, voilà le terrible bilan de cette attaque sans précédent qui a touché l’État hébreu (à rapporter à l’échelle d’un pays de moins de 10 millions d’habitants). Alors qu’il n’y a plus d’Israélien à Gaza depuis le retrait de 2005.
Parmi les victimes et les otages on dénombre des israéliens juifs, musulmans, druzes et chrétiens, des doubles nationaux, des touristes et des travailleurs étrangers car les balles, les bombes et les missiles ne font pas de distinction. Pour immortaliser « leur victoire », les islamistes ont filmé leur carnage, dont l’assassinat de personnes âgées ou les participants d’une rave party.
Le moment choisi n’est pas anodin. 50 ans après la guerre du Kippour en 1973, c’est à nouveau durant les « solennités du mois de Tishri » du calendrier hébraïque que l’attaque a eu lieu, lors de « Simhat Torah » que l’on célèbre d’ordinaire dans la joie.
La première réponse israélienne
Après la sidération initiale, et avant même la réduction des dernières poches de terroristes infiltrés, la division a laissé la place à l’union sacrée de tous les citoyens. Il n’était plus question de clivage pro ou anti réforme judiciaire, gauche-droite, laïcs-religieux, juif-arabe. Pour preuve, les réservistes qui avaient refusé de servir sous le gouvernement actuel ont répondu présent aux ordres de mobilisation générale ou l’appel lancé par le leader du parti arabe Raam, Mansour Abbas, de ne pas répondre aux incitations à la division et à la violence lancés depuis Gaza.
L’état-major a rapidement massé des troupes, notamment des blindés, à la frontière nord pour prévenir l’ouverture d’un deuxième front avec le Hezbollah libanais. Ce dernier, ne disposant plus de l’effet de surprise, teste épisodiquement Tsahal qui répond vigoureusement pour dissuader toute action sérieuse. Mais la situation reste très volatile pouvant dégénérer à tout instant. Au Sud, les forces aériennes ont commencé à détruire des actifs stratégiques du Hamas et du Djihad islamique puisés dans leur banque de cibles. Ces actions sont rendues difficiles car les otages ont été dispersés dans toute la bande côtière pour servir de boucliers humains, ainsi que la population palestinienne, les islamistes se cachant à dessein parmi les civils afin d’instrumentaliser les pertes. Mais la vraie réponse est en cours de préparation avec une possible offensive terrestre.
Les motivations du Hamas et de son parrain iranien
Les islamistes du Hamas, financés et armés par Téhéran, ont un autre agenda que celui de la « solution à deux États ». Leur charte prônant la destruction de l’État Juif, ils ambitionnent de créer un Califat sur « toute la Palestine » en renversant l’Autorité Palestinienne de Mahmoud Abbas. Ainsi, par cette attaque sanglante, à une date symbolique, ils voulaient marquer les esprits pour conquérir la rue palestinienne en Cisjordanie, et mobiliser les citoyens arabes en Israël fragilisé par la division.
Les Mollahs perses, quant à eux, rêvent d’exporter mondialement leur modèle de révolution islamique chiite. C’est dans ce but qu’ils ont créé des milices armées à Gaza, au Liban, en Irak, au Yémen agissant comme proxy, leur évitant ainsi d’être directement mis en cause. Mais leur volonté hégémonique est entravée principalement par l’Arabie Saoudite leader du monde sunnite, Israël, les USA et leurs alliés occidentaux.
Laisser avancer sans réagir le processus de paix israélo-arabe, en incluant les Saoudiens, était impossible pour l’Iran. D’autant plus que dans sa confrontation avec Israël, la Théocratie chiite accumule les échecs. En effet, il y a peu, une mystérieuse attaque imputée à Tsahal, avait détruit la base de missiles intercontinentaux Imam Ali, la plus importante du régime.
L’offensive du Hamas était très complexe à monter avec des attaques terrestres, aériennes, maritimes et probablement souterraines. Seuls les gardiens de la révolution iranienne disposent de cette capacité opérationnelle (sans parler des milliers de roquettes et missiles, alors que Gaza subirait un blocus hermétique). Cela a nécessité une longue préparation à l’insu des services de renseignements hébreux. Le déclenchement de l’opération n’attendait que le feu vert de Téhéran et le moment propice.
Vers une généralisation du conflit ?
On peut dire qu’en considérant toutes les nationalités des victimes, parmi lesquelles on comptent des européens dont des Français, des Américains, mais également plusieurs ressortissants de pays asiatiques, le conflit s’est déjà internationalisé. Et il n’y a que peu d’États qui ont pris fait et cause pour le Hamas, y compris les pays arabes (si l’on se donne la peine de lire leurs déclarations dans leur intégralité).
L’envoie d’un porte avion US dans la région et la déclaration du Président Biden de donner à son allié israélien toute l’aide requise (on pense aux armes permettant de détruire les complexes nucléaires tous-terrains iraniens) n’est pas du meilleur augure pour le Guide suprême de la révolution Ali Khamenei. D’autant que la Chine et la Russie ne se risqueront certainement pas intervenir si une attaque des sites nucléaires iraniens devait avoir lieu avec la bénédiction de Washington.
Le vécu des événements par les communautés juives en dehors d’Israël
Permettez-moi de témoigner. Comme beaucoup, nous n’avons pris connaissance de la tragédie qu’après coup. Car durant cette période, il est d’usage d’être en famille, de célébrer des offices collectifs et de ne pas être connecté. L’effroi, la peur pour les proches en Israël dont on est sans nouvelle, … encore en vie ? Enlevés ? et pour ceux, jeunes et moins jeunes qui ont été mobilisés.
Pour nous ce ne sont pas des chiffres abstraits. Ils ont des visages, ce sont des parents, des frères des sœurs, des enfants… Pour certains nous ne les reverrons plus jamais ! Que faire ? Poursuivre les célébrations dans la joie alors que le cœur saigne ou se voir imposer le diktat des terroristes ?
Nous avons décidé collectivement de poursuivre l’office comme le veut la tradition millénaire. A la fin, en présence des élus, nous avons récité plusieurs prières : La Prière pour les citoyens d’Israël, tous ses citoyens, la Prière de solidarité pour l’État d’Israël sous le feu, et enfin, la prière pour la République française.
Alors je m’adresse à toutes ces bonnes âmes qui veulent renvoyer dos à dos victimes et bourreaux, à ceux qui trouvent des explications pour justifier une proximité nauséabonde pour un illusoire gain électoral ou par simple antisémitisme que ce qu’il s’est passé en Israël trace une ligne rouge infranchissable entre la barbarie et l’Humanité.
Rien ne justifie de massacrer sciemment ou de prendre en otage des civils, femmes, enfants, vieillards, de se servir de populations comme boucliers humains et enfin d’envoyer à la mort par milliers des commandos suicides pour commettre un crime contre la paix.
Le justifier là-bas c’est se condamner à le vivre ici !
Hagay Sobol, Professeur de Médecine est également spécialiste du Moyen-Orient et des questions de terrorisme. A ce titre, il a été auditionné par la commission d’enquête parlementaire de l’Assemblée Nationale sur les individus et les filières djihadistes. Ancien élu PS et secrétaire fédéral chargé des coopérations en Méditerranée. Président d’honneur du Centre Culturel Edmond Fleg de Marseille, il milite pour le dialogue interculturel depuis de nombreuses années à travers le collectif « Tous Enfants d’Abraham ».