Il fut un temps, pas si éloigné, où nous étions sensibles et concernés par les malheurs de notre prochain. Sans peur, nous arborions alors, par solidarité, en lettres blanches sur fond noir : Je suis… ». Depuis, l’on n’a cessé de fragmenter, d’exclure comme le démontre le dernier sondage Ipsos [1] et de substituer le débat par la violence. Il est urgent de nous rassembler car nous sommes toutes et tous concernés !
Dès le commencement, déjà, mes images illuminent les cavernes de l’humanité.
D’abord reflet de la réalité, puis abstraction, je fais rêver.
Nous sommes partis en fumée, mais nos croquis sont restés pour témoigner.
Un simple trait, provoque le rire ou la révolte de l’opprimé, et l’ire des puissants.
Car l’image parle toutes les langues, je suis dessinateur !
Pour quelques phrases, la sanction est le goulag [2].
Pour quelques versets [3], une fatwa [4].
Pour un questionnement, des tombereaux de livres brulés [5] en place de Grève.
Mais jamais les barbelés n’ont pu arrêter les mots.
Car « la plume est plus forte que l’épée [6] ». Je suis écrivain !
Si les parents donnent la vie, l’école enseigne et éduque.
Nous y faisons l’apprentissage de la diversité et du collectif.
Puis grâce au collège, au lycée jusqu’à la Faculté nous pouvons nous élever.
Le grand danger, c’est de limiter le savoir et son accès, pour contrôler la pensée.
Car l’éducation rend libre, je suis enseignant !
Stigmatisés depuis toujours, vous nous croisez sans même le savoir.
Pourtant dans tous les domaines nous avons excellé.
Au nom de la convergence des luttes, on nous enjoint de soutenir nos bourreaux.
Nos libertés ne sont jamais définitives.
Mon seul crime est d’aimer, car je suis gay !
Venu de l’étranger on veut me refouler.
Pourtant, c’est le lot de toute l’humanité que d’avancer pour subsister.
Nomade ou sédentaire mon univers c’est le monde, les frontières sont venues bien après.
Face au dérèglement climatique, chacun de nous bientôt ne saura où aller.
Depuis la nuit des temps, je marche, car je suis migrant !
Pour un voile mal ajusté [7], je risque ma vie.
Pour une parole échangée, une note de musique, je serai lapidée [8].
Même dans les pays les plus avancés, je n’ai pas encore acquis toute l’égalité.
C’est au prix de ma liberté qu’on me fait payer le privilège de mettre au monde.
On n’enferme pas la moitié de l’humanité, car je suis femme !
Pour ceux qui le sont, juif est une question, pour les antisémites, une affirmation !
Je suis tout à la fois, l’Autre, l’étranger, et moi-même.
J’incarne la diversité, la spécificité, celui qui rassemble toutes les différences.
Je suis celui qui ne ploie pas devant les idoles et les pharaons du passé comme des temps modernes.
Je questionne, je m’interroge, je me révolte, forcément je dérange, car suis je juif !
Si face à la barbarie et l’intolérance de quelques-uns, nous sommes toutes et tous écrivains, dessinateurs, enseignants, gays, migrants, femmes et juifs, alors nous sommes la majorité. Nous sommes le monde. N’ayons pas peur de combattre les extrémistes et les fanatiques. Ne les laissons pas nous enfermer dans une prison de haine et de division !
[1] Sondage Ipsos
[2] « L’Archipel du Goulag » livre d’Alexandre Soljienitsyne
[3] « Les versets sataniques » roman de Salman Rushdie
[4] Quelle est la fatwa contre Salma Rushdie et quel impact a-t-elle eu sur sa vie ?
[5] Le 17 juin 1242, 24 charretées du Talmud furent brûlées en place de Grève à Paris en présence du Prévôt et du clergé. Cet ouvrage, principal recueil des commentaires de la Torah, est à la fois l’interprétation juridique et l’interprétation éthique.
[6] « The pen is mightier than the sword. », tirée de la pièce Richelieu, ou La Conspiration (Richelieu; or, The Conspiracy), acte II, scène 2, écrite par Edward Bulwer-Lytton en 1839.
[8] En Afghanistan, le régime taliban réduit désormais les femmes au silence