Dans sa guerre contre Israël, le groupe terroriste islamiste Hamas instrumentalise cyniquement les civils plaçant l’État hébreu, pourtant en situation de légitime défense, et les autres démocraties, devant un dilemme moral et stratégique comme jamais auparavant. La façon dont ce conflit sera résolu conditionnera l’avenir du monde libre.
Loin de l’image d’Épinal inversée, d’un David palestinien combattant le Goliath hébreu, la guerre déclarée par les djihadistes du Hamas aux Israéliens n’est ni une guerre asymétrique, au sens classique du terme, ni un conflit localisé à connotation nationale. La planification précise, l’entraînement, l’armement varié en quantité, et la construction des infrastructures terroristes ont nécessité des années de préparation et coûté des milliards de dollars. Orchestré depuis Téhéran, ce conflit sous bannière islamiste, ne se limitant pas à Gaza, se déroule sur plusieurs fronts et s’inscrit dans une redéfinition des alliances stratégiques au niveau mondial.
Le « déluge d’al Aqsa » et le djihâd mondial
La guerre en cours à Gaza, n’est pas un nouvel avatar du conflit nationaliste israélo-palestinien. Le nom donné par le Hamas à son opération, en référence à la mosquée al Aqsa de Jérusalem, la place clairement dans une dimension religieuse djihadiste. Son but avoué est la création d’un Califat « du fleuve jusqu’à la mer », c’est-à-dire passant par la destruction de l’État Juif et le renversement de l’Autorité Palestinienne. Sa nature profonde la rapproche de la campagne menée par la coalition internationale contre l’État islamique mais avec un degré supplémentaire dans l’horreur, la place centrale jouée par les civils.
Tout d’abord, l’attaque surprise du Hamas en Israël le 7 octobre qui a fait plus de 1 400 victimes visait essentiellement des civils de tous âges, femmes, enfants et vieillards, y compris parmi les 240 otages, autant d’éléments constitutifs de crimes contre l’humanité. Le but était de provoquer la terreur dans une société fragilisée par la division, à la suite de la réforme judiciaire controversée du Premier ministre Netanyahou, et par effet domino d’entraîner les arabes israéliens et la Cisjordanie dans le conflit.
Ensuite, accompagnant les 2 500 terroristes, se trouvaient des civils gazaouis ayant bénéficié d’un permis de travail en Israël. Ils ont repéré préalablement les cibles et guidé les commandos dans leurs exactions. On le distingue nettement sur les vidéos réalisées par les djihadistes pour immortaliser leurs actions.
Enfin, les terroristes en se cachant parmi la population de Gaza, et en tirant des roquettes depuis les lieux publics ou les habitations, c’est toute la population qui est utilisée comme bouclier humain lors des représailles de Tsahal (Armée de défense d’Israël). Tous ces éléments constituant autant de crimes de guerre. Les dégâts collatéraux, inévitables en combat urbain, étant largement amplifiés et médiatisés dans la guerre de la communication.
Gaza, une forteresse terroriste à l’échelon d’un territoire
A l’opposé d’une prison à ciel ouvert manquant de tout, car soumis à un «blocus hermétique» par Israël et l’Égypte , le conflit actuel révèle une image fort différente. Il existe en fait deux Gaza, celle visible de l’extérieure avec sa population dense, ses habitations serrées, sans abris, le long d’une bande étroite face à la mer.
Et le « métro de Gaza », un vaste ensemble de tunnels bétonnés sur près de 500 km avec l’eau, l’électricité, des systèmes d’aération et de communication, des réserves de fuel, dont certains segments sont assez larges pour laisser passer des véhicules. Il relie un complexe souterrain où se terrent les terroristes du Hamas avec leurs stocks considérables d’armes en tout genre, certaines confectionnées sur place, d’autres venant d’Iran ou de Corée du Nord.
Il a été documenté également que les centres de commandement et bastions sont positionnés sous les hôpitaux, les mosquées, les Universités et les écoles, car Tsahal a la réputation de ne pas attaquer intentionnellement les infrastructures civiles. Ces lieux sont également utilisés comme points de tirs. Il a même été retrouvé des lances-roquettes dans des jardins d’enfants.
Ce dispositif en fait une véritable forteresse. Mais en définitive, même si le Hamas et le djihad islamique palestinien disposent de près 50 000 roquettes et missiles, leur arme principale, celle qui pourrait retenir le bras d’Israël et de la communauté internationale, reste les 2 500 000 gazouis et les 240 personnes enlevées (dont certains sont détenus par des familles proches du Hamas), tous otages des supplétifs de la théocratie chiite iranienne.
Les objectifs d’Israël
Après cette agression sans précédent, comparable à 10 « Bataclan » ou trois fois «le 11 septembre », Israël était dans l’obligation de répondre. Non pour se venger mais pour libérer les otages, mettre fin au règne sanglant et à la menace permanente du Hamas. Le défi est immense pour les raisons évoquées précédemment et parce que ce conflit, avec sa charge émotionnelle hors norme, fait que toutes les caméras sont braquées sur Gaza et scrutent la moindre action de Tsahal. Alors que les assassins du Hamas semblent bénéficier d’une « onction particulière », auréolés par l’alibi de la cause palestinienne masquant leur véritable nature.
Après une période de préparation d’artillerie et de bombardements, Tsahal a lancé une offensive terrestre massive. La bataille qui se livre actuellement ne ressemble à aucune autre. Dans le même temps, les groupes terroristes continuent leur déluge de feu sur les agglomérations israéliennes. Pour l’heure, même si le « dôme de fer », le système anti-missile israélien, assure une très bonne protection, les habitants du Sud ont été déplacés.
De nombreux analystes commentent en continu la riposte israélienne. Tranchant avec la compréhensible émotion que suscite la situation, les responsables militaires de tous pays et les correspondants de guerre éclairent de manière factuelle le déroulement des opérations qui se livrent sur plusieurs fronts, aérien, terrestre, maritime, souterrain, cybernétique et médiatique. D’après eux, la réponse de Tsahal est méthodique, précise, progressive pour protéger ses troupes et éviter au maximum les pertes civiles. En particulier, les autorités de Jérusalem enjoignent la population à se rendre dans le Sud de l’enclave en larguant des tracts ou par des appels téléphoniques, et autorisent l’acheminement de l’aide internationale, ainsi que la mise en place des couloirs humanitaires.
La progression est documentée en permanence avec des points presse réguliers où sont présentés des éléments de preuve. En particulier, il a été exposé la nécessité de couper les communications afin d’empêcher les terroristes de se coordonner et de les priver d’électricité afin qu’ils sortent des tunnels. Au contraire, le Hamas ne manque jamais une occasion de manipuler les chiffres des pertes civiles et de diffuser des fake news, comme on l’a vu avec le bombardement de l’hôpital al Ahli ou d’utiliser les mesures humanitaires pour s’exfiltrer (sur la liste des ressortissants binationaux devant être évacués de Gaza, un tiers étaient des terroristes). Paradoxalement, les informations diffusées par Tsahal sont le plus souvent traitées avec circonspection, alors que les agences de presse relayent sans vérification les déclarations des groupes terroristes.
L’État hébreu doit progresser à Gaza avec prudence mais efficacité pour atteindre ses objectifs stratégiques, tout en évitant l’embrasement de la Cisjordanie noyautée par le Hamas, et des émeutes de la population arabe israélienne. Désormais, la bande de Gaza est coupée en deux et Gaza City, le centre névralgique de l’entité terroriste, est encerclée. Un assaut de l’hôpital al Shifa, quartier général du Hamas, comme le confirme la chaîne Saoudienne al Arabiya, pourrait être donné prochainement afin de neutraliser la tête du dispositif.
Dans le même temps l’État Juif subit dans le Nord des agressions de plus en plus violentes de la part du Hezbollah qui prend le risque de plonger le Liban dans la guerre, et à des tirs de missiles balistiques ou des attaques de drones en provenance de Syrie, d’Irak et du Yémen de la part des proxys iraniens. Cela a été l’occasion de démontrer l’efficacité, en situation de combat, du système israélien Arrow, récemment acquis par les forces armées allemandes, en réaction à la guerre en Ukraine où la Russie utilise un armement en provenance de la République des Mollahs
Les USA, l’Europe et le Moyen-Orient une communauté de destin
Ce conflit signe le retour en force des USA au Moyen-Orient. Si Joe Biden cautionne les objectifs de son allié israélien, il est soucieux, dans le même temps, d’épargner au mieux les civils, les troupes US stationnées dans la région et d’éviter une généralisation du conflit. Une guerre totale avec le Hezbollah libanais, imposée par Téhéran, risquerait d’être instrumentalisée par la Russie et la Chine pour intervenir. A des fins dissuasive, Washington a mobilisé deux porte-avions et leurs escadres, ainsi qu’un sous-marin à propulsion nucléaire.
De son côté, l’Arabie Saoudite, grand rival de la théocratie perse après une pause dans la normalisation avec Israël, à la suite des attaques par les rebelles yéménites Houthis contre l’État hébreu, a lancé : « Les ennemis de nos ennemis sont nos amis ». Avec la récente intégration d’Israël dans le Centcom (US Central Command : responsable des opérations militaires au Moyen-Orient), on voit se concrétiser en temps réel un pacte de défense commune entre l’Amérique, les « pays sunnites modérés » et Israël.
Les européens ne sont pas en reste. Si l’alliance entre la Grèce, Chypre et Israël est de notoriété publique pour raison d’intérêts économiques et sécuritaires, d’autres pays européens sont de la partie. On l’a déjà vu plus haut pour l’Allemagne mais c’est aussi le cas de la Grande Bretagne qui se mobilise militairement et de la France sur le front diplomatique au Liban et dans le partage d’information. Les progrès alarmants du programme nucléaire militaire perse, ses missiles intercontinentaux, la guerre en Ukraine et l’implication iranienne dans le conflit opposant l’Arménie à l’Azerbaïdjan ont singulièrement rapproché les frontières.
Le choc des civilisations ou la guerre de la civilisation contre la barbarie ?
Le 7 octobre, a vu le plus important pogrome depuis la Shoah. Après une émotion partagée, conséquence de la monstruosité des faits, on a assisté à un délitement progressif du soutien à l’État Juif dès que ce dernier a commencé à se défendre. Outre les manifestations pro-palestiniennes qui ne se cachent même pas d’être pro-Hamas, où l’on scande « morts aux sionistes » et « Israël nazi », le « oui mais » s’est insinué dans les commentaires jusqu’à un déchaînement de violence inouï contre les communautés juives de par le monde. Démontrant s’il le fallait encore que l’antisionisme est bien de l’antisémitisme.
En France, on décompte ainsi depuis cette date plus de 1 000 actes antisémites. Oubliant qu’il s’agit de l’attentat ayant tués le plus de français depuis le Bataclan, et que certains ressortissants sont retenus en otage, des leaders d’opinion relativisent les faits. Ils mettent dos à dos victimes et bourreaux, quand ils n’inversent pas la charge en faisant porter la responsabilité à Israël. Par leurs propos irresponsables, ils jettent de l’huile sur le feu alors que notre pays panse encore ses plaies à la suite des émeutes de juin dernier.
Cette facilité à « nazifier » tout et n’importe quoi est une façon d’effacer définitivement la mémoire d’Auschwitz, d’en finir à bon compte avec une dette imprescriptible et de laisser libre cours à ses plus bas instincts. Contrairement à ce que défend Samuel Huntington dans sa théorie sur le « Choc des civilisations », si l’on considère « le juif comme exutoire ultime », il n’est pas l’apanage d’une culture ou d’une époque. Cette démonisation peut prendre toutes les formes. Il est tout et son contraire : banquier et révolutionnaire, mouton et bourreau, blanc et non-blanc etc. Le Juif est l’archétype de l’Autre. Il révèle non pas tant ce qu’est une société mais ce qui est en chaque être humain. La véritable frontière est celle entre la Civilisation et la barbarie. A l’image de cette mère à Gaza qui pleure son fils et tient courageusement tête aux islamistes en les accusant d’être responsables de sa mort. Alors que dans nos contrées certains élus, pour des calculs électoraux, ont choisi de ne pas considérer le Hamas comme un groupe terroriste mais comme des résistants. A l’évidence, ils n’appartiennent pas au même camp.
Le combat que mène Israël est aussi le nôtre. Il s’agit de deux visions du monde qui s’affrontent. Cette démocratie, aux avant-postes de l’occident, en lutte pour sa survie contre une entité terroriste islamiste doit triompher. Ceux qui sous couvert de respect des droits humains, exigent un cessez-le-feu immédiat ignorent-ils que cela ne ferait que renforcer le Hamas, premier responsable du malheur des palestiniens qui recommencera à la prochaine occasion ?
Il est dit dans le Talmud « Quiconque sauve une vie, sauve le monde entier ». Mais de Dresde à Raqqa, quand il a fallu se libérer du joug des tyrans, même au prix de pertes civiles, le monde qui voulait rester libre n’a pas hésité. Alors pourquoi exiger du seul État Juif ce que l’on n’imposerait à personne ? Dans ce combat inégal, Israël, hériter des hébreux, ce peuple qui nous a transmis nos fondements juridiques, avec les Tables de la Loi, doit relever ce défi impossible de vaincre sans pour autant abandonner ses valeurs, nos valeurs. Il doit le faire pour l’avenir du monde entier mais il ne peut pas le faire seul. Aussi, nous devons lui apporter tout notre soutien.
Hagay Sobol, Professeur de Médecine est également spécialiste du Moyen-Orient et des questions de terrorisme. A ce titre, il a été auditionné par la commission d’enquête parlementaire de l’Assemblée Nationale sur les individus et les filières djihadistes. Ancien élu PS et secrétaire fédéral chargé des coopérations en Méditerranée. Président d’honneur du Centre Culturel Edmond Fleg de Marseille, il milite pour le dialogue interculturel depuis de nombreuses années à travers le collectif « Tous Enfants d’Abraham ».
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