Publié le 6 avril 2015 à 12h29 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h48
Des élections générales viennent d’avoir lieu en Israël. Rien de quoi étonner un esprit occidental. Mais si l’on prend un peu de hauteur afin d’avoir une vision d’ensemble du Proche et du Moyen-Orient, on mesure alors ce que cela a d’ «extra-ordinaire» dans une région en plein bouleversement, théâtre d’une guerre sans merci que se livrent extrémistes chiites et sunnites depuis 13 siècles. Qui plus est lors de ce dernier scrutin, l’État juif a fait d’un parti arabe la troisième force politique du pays. A l’aune de ces éléments, il conviendrait d’aborder le sujet avec plus de discernement afin de pouvoir apprécier à sa juste valeur ce que cette jeune démocratie peut apporter à ses voisins et au monde libre.
Une oasis de stabilité
Israël, seule démocratie du Proche et du Moyen-Orient, cernée de toute part de dictatures, de royautés et autres théocraties, fait figure d’oasis de stabilité improbable, alors que les régimes du cru se font et se défont. A tel point que les adversaires d’hier ayant ou non signé un traité de paix, et devant la vacance américaine, se sont rapprochés de l’État Hébreu pour faire front contre les ennemis communs qu’ils soient djihadistes sunnites ou milices chiites instrumentalisées depuis l’Iran. Ainsi, face à la volonté hégémonique des Mollahs perses et de l’axe Téhéran-Beyrouth-Bagdad-Damas-Gaza-Sanaa, de la nostalgie Ottomane d’Erdogan, et des appétits djihadistes de Daesh ou al-Qaeda, s’est constituée une coalition de fait entre Israël et les grands pays sunnites, principalement l’Égypte, la Jordanie, l’Arabie Saoudite et les pays du Golfe, auxquels on peut rajouter également l’Autorité Palestinienne (AP) de Mahmoud Abbas. Si l’on est loin du rêve naïf consistant à importer les «valeurs démocratiques occidentales» et le modèle d’État Nation dans une région où l’organisation repose fondamentalement sur les notions de tribus et de clans, cette communauté d’intérêts bien compris a pour vocation d’endiguer les menées des plus extrémistes qu’ils soient sunnites ou chiites. Elle contient de plus les ingrédients qui permettraient de résoudre le conflit israélo-palestinien. Une promesse d’espoir que l’Union Européenne (UE) et les USA ne devraient pas négliger.
Un parti arabe, 3e force politique du pays
Israël, le seul État juif, n’est pas une théocratie mais un pays séculier. Il a été fondé pour que chaque membre du peuple juif, pratiquant ou athée, puisse y vivre s’il le désire ou poussé par les événements, comme récemment les juifs éthiopiens -les Falachas- ou ceux de l’ex-URSS. Ce n’est pas la laïcité telle que la connait la France, phénomène unique en son genre, mais le pays est doté d’une loi fondamentale non religieuse qui fait office de constitution et qui s’applique à tous ses citoyens.
Même si l’on peut encore déplorer des inégalités, comme c’est le cas dans tous les pays du monde, les dernières élections ont vu l’émergence d’une Liste arabe unie regroupant quatre partis arabes israéliens. Dans ce pays que d’aucun qualifie d’«apartheid», elle est devenue la troisième force politique du pays, derrière les blocs de droite et de gauche. J’ose à peine imaginer ce que sous nos latitudes un tel résultat engendrerait comme commentaires !
Un pays ingouvernable?
On reproche à l’État Hébreu, et les israéliens les premiers, d’être obligés de retourner aux urnes quasiment tous les deux ans. C’est la conséquence du système de la proportionnelle intégrale. Elle impose des coalitions où des petits partis, malgré leur faible représentativité, sont en capacité d’exiger beaucoup pour constituer un bloc ayant une majorité suffisante pour gouverner. Cependant, ces alliances, ne sont en rien une garantie de stabilité, car elles ne mettent pas à l’abri pour autant d’une rupture inopinée si la ligne politique conduite par le gouvernement ne convient pas.
Malgré ce système, Nethanyahou, le chef du Likoud, – le parti de droite comparable à l’UMP français-, a réussi à se maintenir au pouvoir pendant une longue période. Le seul précédant étant David Ben Gourion, homme de gauche et l’un des pères fondateurs de l’État. Bien que récemment réélu, ce n’est cependant pas la très large victoire escomptée. En effet, le Likoud ne totalise à lui seul que 30 sièges sur les 120 que compte la Knesset, l’Assemblée Nationale israélienne, contre 24 pour le bloc de gauche, -l’Union Sioniste dirigée par Isaac Herzog et Tzipi Livni- qui même sans leader charismatique a fait son meilleur score depuis des années. Bien que cette campagne électorale fut sans grand relief et que l’on ait eu à regretter quelques accents «populistes», la participation à ce scrutin dépassant les 70% fait rêver et démontre amplement la vivacité de la démocratie israélienne. Même si les grandes figures politiques se maintiennent, la fréquence des rendez-vous électoraux fait qu’à chaque scrutin émergent de nouvelles formations et assure un certain renouvellement de la classe politique.
Se faire élire, mais après ?
On peut ne pas être sur la même ligne politique que Benjamin Netanyahou, ce qui est le cas de bon nombre d’Israéliens, et lui reprocher de ne pas avoir de vision pour l’avenir, et lui reconnaitre par ailleurs une capacité hors du commun à survivre politiquement. Aussi, malgré le fait que pour rallier sur son nom les suffrages des électeurs des partis nationalistes de Benett et Lieberman, il ait emprunté une partie de leur rhétorique, en particulier sur la création d’un État Palestinien, il est très peu probable qu’il conserve cette ligne. En effet, dès le lendemain de son élection «Bibi» a commencé par geler une première tranche d’un programme de construction sur des terres contestées revendiquées par l’AP et à présenté ses excuses à la population arabe israélienne. Cet expert en survie politique sait très bien que l’UE et les USA l’attendent de pied ferme sur le dossier des négociations de paix et qu’il ne disposera que d’une très faible marge de manœuvre. Aussi, ayant réduit comme peau de chagrin les partis contestataires à sa droite, et sachant que face aux problèmes sociaux et à la double menace extérieure que représentent les extrémistes sunnites et le programme nucléaire iranien, Netanyahou pourrait très bien comme il l’a fait précédemment infléchir sa politique et recentrer ses alliances. Ce qu’a appelé de ses vœux, le Président de l’État Réuven Rivlin, lui-même issu du Likoud, en suggérant un gouvernement d’union nationale.
La leçon de l’espoir
Il est peu de pays étrangers qui soient aussi présents dans notre actualité quotidienne que l’État Hébreu. A croire qu’au même titre que la Grande Bretagne, l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne, il partagerait le même environnement. Mais en vérité, Israël est un pays en guerre, avec un contexte régional explosif. Et malgré cela, il a su garder une démocratie dynamique, développer une industrie innovante et assurer un développement culturel de haut niveau. Bref, malgré tous les dangers, les israéliens conservent l’espoir et investissent l’avenir. Aussi, même si toutes les critiques que l’on adresse à l’État Hébreu ne sont pas injustifiées, il y a quand même quelques enseignements que l’on pourrait tirer de l’expérience israélienne!