Publié le 9 février 2017 à 21h14 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h45
L’humanité n’a pas commencé avec les hominidés (homo ergaster, homo erectus, Néandertal, Florès, Dénisovien, homo sapiens…) mais avec Christian Estrosi. Il serait notre Adam à tous. Il a tout inventé, tout construit, c’est le premier en tout, et que l’on se prosterne devant lui…
Communication plutôt qu’action
Complexé ou excès de communication, cet élu participe à la dérive de la politique et l’on comprend mieux pourquoi la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur n’est représentée depuis 2015 que par des élus de droite parfois extrême et d’extrême droite et pourquoi la démocratie est au fond du trou. Ainsi je prends le pari pédagogique de continuer de parler d’idées, de contenu et de fond pour que les citoyennes et les citoyens se forgent leur opinion en toute connaissance de cause, et agissent en conscience pour participer aux choix politiques. C’est la seule démarche efficace à mon sens pour que la politique réponde vraiment aux attentes et à l’intérêt général.
En effet, outre une année vide, creuse, où malgré les promesses de la campagne de 2015, les transports ferroviaires ne se sont pas améliorés avec la venue du nouveau président du Conseil régional plus obnubilé par le «sécuritarisme» et des portiques chers autant qu’inutiles en gare des Arcs. Ils se sont même dégradés, avec des trains en moins et des arrêts supprimés dans des gares mettant usagers, habitants et élus devant le fait accompli. Point d’orgue d’une série de réunions dites de concertation, les Assises régionales des transports organisées le 2 février dernier, ont surtout servi de «show» à un Président en manque d’autorité et de reconnaissance.
Faire oublier le développement impulsé par la gauche à la Région
Présentées comme inédites, ces Assises ne sont pourtant ni les premières en France, ni même dans notre région, contrairement à l’affirmation de l’hôte du jour dans l’Institution régionale. De 1998 à 2015 avec la majorité de gauche à la Région, nous avons en permanence impulsé non pas une concertation «bidonnée», «avec des participants triés sur le volet pour faire la claque au divin président», mais nous avons associé en permanence les usagers, les habitants à l’élaboration de l’offre de transports.
Sans cette démarche de démocratie participative, nous n’aurions pas réussi à tripler l’offre ferroviaire en passant de 250 TER par jour à près de 700, dix ans plus tard. Nous n’aurions pas rouvert les lignes de Pertuis-Meyrargues, Cannes-Grasse, Avignon-Carpentras, la gare de Saint Martin de Crau, doublé en partie la ligne Aix-Marseille, triplé la ligne Marseille-Aubagne, modernisé le matériel ferroviaire, mis en place la carte ZOU, une gratuité qui a contaminé d’autres régions… j’en passe et des meilleures.
Ces Assises n’étaient pas les premières car en Occitanie la région voisine du sud, a elle aussi lancé la concertation avec les usagers mais surtout sur d’autres bases, celles d’un service public moderne, qui nécessite du dialogue avec tous les acteurs, y compris avec la SNCF pour exiger d’elle, un service de qualité. Cette ambition nécessite des moyens humains, matériels et financiers et les élus majoritairement de gauche s’en sont donnés la capacité. Ce n’est pas le choix de Christian Estrosi, qui, s’il se défend de toute idéologie, a pourtant cet objectif d’imposer un modèle ultralibéral et un autre moins avouable sur lequel je reviendrai.
De mauvaises réponses à de vraies préoccupations
Il s’appuie certes sur une réalité, le mécontentement des usagers des TER quant aux transports du quotidien, une SNCF qui ne répond pas aux attentes de qualité de service et des exigences de réponse aux besoins de mobilité qui montent crescendo. Pour autant il ne cherche pas à agir sur les causes profondes. Tout d’abord Provence-Alpes-Côte d’Azur est caractérisée par un retard dans les infrastructures de transports ferroviaires et routières. Nous sommes au bord de l’asphyxie, de la thrombose avec toutes les conséquences sociales, humaines, écologiques, économiques et financières. Pollutions et incidences sur la santé publique, engorgements et pertes de temps, insécurité routière…le premier obstacle à l’accès à l’emploi et la formation réside dans les difficultés à se déplacer.
Ainsi rien n’a été fait entre 1986 et 1998, période au cours de laquelle, Jean-Claude Gaudin a géré la Région, avec un certain Christian Estrosi comme premier vice-président. Rien n’a été fait non plus sur le fret, et les Assises n’ont même pas abordé cette question, malgré le ballet de camions en transit entre l’Espagne et l’Italie.
Tout a commencé en 1998 avec la volonté politique de la majorité régionale de développer les transports alternatifs à la route par le rail, la mer et le fluvial, à travers les différents Contrats de Plan et de Projet.
Une volonté qui s’est heurtée aux choix nationaux durant les dix années de droite au gouvernement de 2002 à 2012. Des choix poursuivis par le gouvernement socialiste, avec l’austérité entamée par son prédécesseur et amplifiés avec la libéralisation du rail sur injonction de l’Europe.
Qualité de service dégradée par l’austérité de l’Etat et de la Région
L’État continue de ne pas investir dans l’entreprise publique dont il est propriétaire, la SNCF. Pire, il l’oblige à emprunter dans les banques, générant près de 2 milliards d’€ par an d’intérêts pour enrichir les actionnaires des institutions bancaires et financières. Alors que la régénération du réseau ferré national en France nécessite 1,5 milliard d’€ par an. Les moyens seraient tout trouvés à condition de volonté politique pour empêcher d’autres catastrophes comme celle de Brétigny. L’État poursuit sa diète en moyens publics et la deuxième infrastructure ferroviaire en PACA est prévue pour…2050.
Intérêts privés contre intérêt général
L’État poursuit sa baisse de dotations aux Collectivités locales et le Président de la Région Paca, s’en accommode en baissant les moyens destinés aux compétences (TER, Lycées, formation professionnelle…), ce qui lui permet de supprimer des actions pourtant utiles comme le PASS Culture, les aides aux associations…mais il dépense plus pour le sécuritaire, qui n’est pourtant pas de la compétence de la Région, ou pour des gadgets comme le retour du grand prix de Formule 1 au Castellet en 2018, manifestation privée organisée par le milliardaire britannique Bernie Ecclestone… ancien propriétaire du circuit varois et course souhaitée par un certain François Fillon… tiens donc ! L’entre soi continue au détriment de l’intérêt général.
Avec 30 millions d’€ en moins pour les TER, qui vont à la manifestation automobile pendant 3 jours, et pour quelques emplois éphémères et précaires, la SNCF est ainsi prise en étau entre l’austérité de l’État et celle de la Région. Le Président de la Région prend ainsi les usagers en otage, puisqu’il supprime des moyens pour les TER, il rompt la Convention avec la SNCF, tout cela pour transférer les déplacements sur la route par les cars. Bonjour la saturation routière et la pollution. Il en profite pour vanter l’ouverture à la concurrence, pour faire entrer ses amis de grands groupes comme Transdev (entreprise multinationale qui a fusionné avec Véolia, celle qui a coulé la SNCM). Pourtant la concurrence existe déjà avec…la route, puisque 96 % des déplacements se font par ce mode de transports et essentiellement en voiture particulière.
Un mépris idéologique inacceptable
Mais alors quel est le but…inavoué ?
En fait j’affirme qu’il vise un objectif idéologique, qui a été dévoilé par les plus ultralibéraux, pour en finir avec les entreprises nationales, il faut privatiser. Pourtant les échecs britanniques, grecs, allemands, suédois et japonais avec des investissements en baisse, des prix de billets prohibitifs, une sécurité dégradée, une recrudescence de retards et de suppressions de trains, en disent long sur cette impasse. Pourtant avant d’être nationale, la Société des Chemins de fer était privée jusqu’en 1937 avec des compagnies endettées et déficitaires.
Privatiser donc pour gaver des actionnaires privés et pour en finir avec les statuts des salariés, et là on comprend mieux la charge ignoble de Christian Estrosi contre les cheminots, lors de ces Assises, les traitant à demi-mots de «gréviculteurs», d’incompétents.
Il est indigne de la part d’un président de collectivité, de s’attaquer à quelque travailleur que ce soit, encore plus à une corporation qui a permis le développement économique de notre pays depuis deux siècles, qui a résisté à l’occupant nazi, qui a participé à la reconstruction du pays au lendemain de la guerre et qui a contribué à faire de la SNCF un fleuron mondial, en inventant la grande vitesse et le TGV…
Des mots durs de la bouche de celui qui devrait apaiser les tensions, tout cela pour attiser des conflits entre usagers et cheminots dans les gares et les trains. Cet homme est ainsi dangereux et le plus grave dans cette période, est que le Président de la SNCF, Guillaume Pepy se distingue par son silence.
Une Régie pour s’en mettre plein les poches
Mais l’autre but inavoué, est celui d’une gestion des transports ferroviaires en régie. Bizarre ! car les chemins de fer de Provence ont expérimenté cette gestion avec Véolia, qui s’est avérée être un échec, social, économique et financier. Depuis tout va mieux avec la SNCF.
Peut-être faut-il donc chercher des intérêts personnels, puisqu’en moins de deux ans, la Chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur a publié quatre rapports critiques sur des entités contrôlées par l’ancien maire de Nice et actuel président de la métropole Nice Côte d’Azur, Christian Estrosi : le stade Allianz Riviera (juin 2015), la Semiacs, société d’économie mixte gestionnaire des parkings niçois (septembre 2015), la ville de Nice (février 2016) et les stations de ski du Mercantour (janvier 2017). Les deux premiers s’accompagnent de poursuites judiciaires. Le Parquet national financier s’est saisi du dossier du stade : une enquête préliminaire sur ce coûteux partenariat public-privé est en cours depuis mars 2015. Mais là je laisse le soin à la justice et aux journalistes d’investigation de faire toute la lumière.
Besoin de cohérence et de volonté politique pour oxygéner la démocratie et la région
En conclusion, nous aurions pu attendre d’un Président de Région, qu’il rassemble, qu’il ait le courage d’exiger des moyens supplémentaires de l’État pour une région au bord de l’agonie dans les déplacements des personnes et des marchandises, qu’il tape du poing sur la table vis-à-vis de la SNCF et qu’il s’appuie sur la loi NOTRe, pour que la Région devienne l’Autorité coordinatrice des Autorités Organisatrices des Transports (Agglomérations, Métropoles…) pour répondre à l’exigence de multimodalité (piétons, vélos, autos, cars, bus, métros et trains…). Or il n’en est rien !
Citoyens, usagers, reprenez vos affaires en main !
Aux usagers, aux populations, avec leurs associations, aux cheminots avec leurs syndicats, aux élus locaux, de ne pas se laisser instrumentaliser par ce Président de Région, qui oppose les uns aux autres, pour apparaître comme le meilleur des meilleurs.
Monsieur Estrosi, vous n’êtes plus sur une moto à la conquête d’une victoire, la politique, la vie de la Cité, la gestion des biens communs, n’ont pas besoin de chef, d’homme providentiel, de concurrence, de compétition, de divisions, mais elle a besoin de collectif, d’intelligences mises en commun, de moyens mutualisés. Et de démocratie. Vos Assises étaient tout sauf ça.
Avec celles et ceux qui le souhaitent, nous organiserons de vraies Assises des Transports pour mieux se déplacer en Provence-Alpes-Côte d’Azur, comme ce sera le cas à Miramas sur le fret ferroviaire le 3 mars prochain.
Notre objectif : faire du ferroviaire public une grande question nationale qui doit tenir une place centrale dans le débat politique des élections de 2017 et exiger une stratégie nationale de développement.
Jean-Marc Coppola est Conseiller municipal PCF – Front de gauche, de Marseille, ancien vice-président de la Région, membre du Collectif « Le train, un investissement d’avenir »